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17 juil. 17

Risque de réduction du budget du logement : faire preuve de discernement

Le Premier ministre a averti : tous les ministères vont devoir contribuer à la réduction du déficit public de la France. A ce jeu-là, ceux que l'on nomme les ministères dépensiers, c'est-à-dire les plus gros budgets de la nation, se soustrairont moins que tous les autres à l'effort collectif.

Par Norbert Fanchon, Président du Directoire du Groupe Gambetta

 

Le Premier ministre a averti : tous les ministères vont devoir contribuer à la réduction du déficit public de la France. A ce jeu-là, ceux que l'on nomme les ministères dépensiers, c'est-à-dire les plus gros budgets de la nation, se soustrairont moins que tous les autres à l'effort collectif. Avec plus de 40 milliards, le poste budgétaire du logement représente 2% du produit intérieur brut, comme celui de l'armée. Or, on a vu ce qui se passait pour la Grande Muette : une coupe sombre de 850 millions, malgré la nécessité d'accentuer la sécurité dans un pays menacé par les risques d'attentat. Au point que le plus haut gradé français a eu un sérieux recadrage de la part du Chef de l'État.

 

Un indice que le maintien des aides diverses consenties aujourd'hui au logement ne seront pas forcément reconduites, le silence prudent du ministre de la Cohésion des territoires, Jacques Mézard, en charge du logement, sur la rationalisation des aides personnelles... qui avait en fait été votée en 2016, mais pas appliquée. En clair, sans coup férir politiquement et sans repasser devant le parlement, le gouvernement va bel et bien engager des économies sur l'enveloppe des aides à la personne, qui constitue un petit tiers du budget global du logement.

 

Qui nierait qu'il faille rationaliser les dépenses publiques en faveur du logement ? On sait que l'efficacité de certaines est discutable. On voit par exemple les prix augmenter dans le logement existant et neuf, laissant augurer qu'il existe un fort effet d'aubaine attaché aux aides. Fallait-il rouvrir la zone C, à savoir les territoires sans tension au Pinel, subrepticement entre Noël et le jour de l'an à la fin de 2016 ? Alors qu'on s'était accordé à reconnaître qu'il ne fallait pas orienter la production vers ces territoires. Dans le même temps, on ne s'attaque pas à la rente foncière et les propriétaires de terrains continuent de favoriser l'inflation des coûts de production : en zone tendue, les promoteurs doivent céder à leurs exigences et déployer ensuite des trésors d'énergie pour que les prix de sortie restent digestes.

 

Les acteurs du logement ne sont pas irresponsables. Sans doute la communauté professionnelle, comme celle des investisseurs, celle des locataires aussi, s'est-elle trop habituée à l'accompagnement budgétaire de ses activités. Les aides fiscales en faveur de la location privée ont agi sur le  marché du logement neuf comme la triste EPO sur le Tour de France. Elles ont augmenté les performances, marges et rythmes de vente, des promoteurs de moins en moins en prise avec la réalité du pouvoir d'achat des Français. Il faut aussi rappeler la triste fonction première des aides : atténuer la douleur causée par les contraintes administratives, civiles ou fiscales, pesant sur l'immobilier. Oui, on est entré dans le mécanisme infernal des calmants qu'on absorbe pour compenser les effets des excitants et réciproquement. Les normes qui enchérissent à l'envi depuis vingt ans les coûts de construction, la TVA à taux plein, majorée au fil des quinquennats, les investisseurs institutionnels, rois du loyer intermédiaires, qui ont abandonné le secteur du logement dans les années 90. Tout cela et bien d'autres boulets ont fini par compromettre la bonne marche du logement, alors on compense par des aides.

 

En l'état, si on se contente de réduire les aides sans remettre à plat tout le dispositif et réfléchir sur le futur de notre société, on asphyxiera le logement. Les rythmes de vente et de production, qui ont recouvré la santé, se ralentiront en quelques semaines, et l'emploi dans la filière amont, dans les entreprises du bâtiment et des travaux publics, en sera immédiatement affecté. Les rentrées fiscales se raréfieront en même temps, sachant que si le logement coûte à l'État, c'est en trésorerie : il rapporte une fois et demie le budget qui lui est alloué, dans les trois ans au maximum qui suivent l'engagement budgétaire. On soulignera simplement, d'un chiffre, que le logement est à l'origine d'un quart de la croissance du pays... Sans parler de ce qui est bien sûr l'essentiel, la satisfaction en logements des ménages, gage de paix démocratique. Diminuer le budget du logement comme celui de La Défense, c'est dégrader les missions régaliennes assurées par l'État. Alors, comment faire pour économiser sans casser la dynamique ni abîmer les grands équilibres sociaux ?

 

La seule méthode consiste à ouvrir un large débat avec toutes les parties prenantes, organisations professionnelles, associations de consommateurs et d'investisseurs, associations d'élus locaux, ministères concernés, pour avoir une vision sur le logement que nous voulons pour la France de demain. Une vision en adéquation avec l'économie numérique, le travail à distance, l'impression 3D qui vont modifier nos liens à la Cité et donc à l’habitat. Appelons cela un Grenelle du logement, pour user d'une expression consacrée. Le dernier qui s'était tenu pendant trois jours, - il n'était pas encore environnemental - il y a une éternité en... 1991. Une vaste concertation, histoire de ne pas faire un choix malheureux qui engagera plusieurs générations de Français. Il serait idiot de constater après que l'économie en est malade, l'emploi dégradé et les Français lésés. Pour que le discernement politique l'emporte sur les mouvements d'humeur comptables.