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22 juin 20

Baisse de la production de crédits : l’inquiétante auto-satisfaction de la Banque de France

La Banque de France a publié une communication statistique dans laquelle elle ne s’alarme pas outre-mesure de la baisse de production de crédits. Elle n’y voit qu’une décélération temporaire et annonce même un retour à la normale en juillet. Alors que le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) a renouvelé ses recommandations concernant l’octroi des crédits, une autre lecture de ces données peut être faite, plus crédible celle-là…

Par Philippe Taboret, Directeur Général Adjoint de CAFPI

L’étude de la Banque de France commente les trois premiers mois de l’année. Dès lors, elle ne peut pas, comme elle le fait, tout mettre sur le compte du confinement. Ce dernier, chacun s’en souvient, n’est survenu que le 16 mars. Il faut donc trouver des origines plus crédibles au ralentissement de l’activité.

La note élude soigneusement les mesures de restriction prises en début d’année par le Haut Conseil de la Stabilité Financière. Elle évite aussi d’évoquer l’absence de mesure concernant le taux de l’usure, trop vite atteint par les banques. Enfin, elle ne consacre pas un mot à la remontée des barèmes par les établissements prêteurs, qui a contribué à exclure du marché les revenus les plus modestes. Ce sont pourtant là que résident les causes racines du ralentissement de l’activité de crédits.

Un cycle négatif s’est enclenché, qui entraîne l’exclusion de plus en plus d’acheteurs. Les banques n‘ont pas eu d’autre choix que d’appliquer à la lettre les recommandations du HCSF. Elles se sont concentrées sur les meilleurs profils, faisant baisser la moyenne des taux pratiqués et par conséquent le taux d’usure. Lorsqu’est arrivée la COVID-19, les taux sont remontés, renforçant à nouveau l’effet ciseaux et excluant toujours plus d’acquéreurs potentiels.

De même, comment prédire un retour à la normale en juillet, alors que tout le monde sait bien que l’avenir ne va pas aller en s’améliorant ? Le pays et la planète sont entrés dans une crise économique sans précédent. Les prévisions de hausse du chômage et de fermetures d’entreprises augurent, selon les experts, d’une baisse de 20 à 30% de l’activité immobilière en 2020. Elles ne laissent même pas entrevoir de reprise en 2021.

C’est pourquoi, sans plus attendre, il est urgent de redonner le “droit d’emprunter” pour se loger aux nombreux ménages rejetés et pourtant solvables. Or actuellement, le taux d’usure exclut les profils particuliers, tandis que les recommandations du HCSF empêchent trop de primo-accédants - faute d’apports nécessaires - et d’investisseurs - bloqués par la limite des 33% d’endettement - de réaliser leurs projets immobiliers.

Le gouvernement doit au contraire pousser à l’action, et surtout, prôner l’efficience pour faire en sorte que le second semestre amortisse la perte d’activité du début d’année. A cette fin, il serait bien inspiré d’écouter la Commission européenne. Pour être cohérent avec ce qu’a proposé cette dernière, il devrait se sentir obligé de passer outre les recommandations du HCSF. Il devrait aussi suspendre temporairement le taux d’usure, avant de le réformer en profondeur.

Ensuite, il importe de penser déjà à 2021. Un plan de relance de l’immobilier s’impose. Pour l’orchestrer, le gouvernement doit se saisir de tous les outils à sa disposition : élargissement du PTZ dans le neuf et l’ancien, retour de l’APL Accession, pérennisation du dispositif Pinel, et pourquoi pas, accentuation immédiate de la baisse des droits de mutation, au lieu de la reporter à janvier 2021.

Il faut se mettre au travail dès maintenant afin que ces mesures figurent dans le projet de Loi de finances pour l’année prochaine. Pour relancer la machine France, il n’a pas encore été inventé de meilleur carburant pour l’emploi et la création de richesses que le bâtiment et le logement.  Cette réalité est incontestable et concrète. C’est de cela dont le pays a besoin.