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18 jan. 24

Rationalisation des surfaces de bureaux : des impacts variés selon les pôles tertiaires et les secteurs d’activité

Bilan 2023 et perspectives 2024 du marché des bureaux d’Ile-de-France
Une baisse limitée
 
Le marché des bureaux s’était nettement redressé en 2022 grâce à la finalisation de mouvements retardés par la crise sanitaire et à un environnement économique très porteur. « En 2023, il a de nouveau décliné, ne bénéficiant plus de l’effet de rattrapage post-covid ni du dynamisme de l’économie française, dont l’activité a quasiment stagné l’an passé. Le recul a néanmoins été modéré. Ainsi, la demande placée s’est élevée à 1,95 million de m² en Ile-de-France, soit un recul de 12 % par rapport à 2022 et de 11 % par rapport à la moyenne décennale » annonce Guillaume Raquillet, directeur du département Bureaux chez Knight Frank France.
 
En 2023, aucun segment de surfaces n’a fait mieux que l’année précédente. Ainsi, les commercialisations de petites (< 1 000 m²) et moyennes surfaces (1 000 à 5 000 m²) ont respectivement chuté de 15 % et 5 % par rapport à 2022. La baisse est également de 15 % pour les surfaces supérieures à 5 000 m². Toutefois, ce créneau de marché s’est redressé au second semestre avec 35 signatures contre 21 lors des six premiers mois de l’année. Sur l’ensemble de 2023, 56 transactions supérieures à 5 000 m² totalisant 625 600 m² ont été recensées en Ile-de-France contre 63 totalisant environ 740 000 m² en 2022. Enfin, parmi les 56 grandes transactions de 2023, on n’en compte aucune de plus de 40 000 m², alors que de telles surfaces comptaient en moyenne pour près de 20 % de la demande placée lors des dix années précédant la crise sanitaire.
 
« Si le retour au bureau a été l’un des thèmes majeurs de 2023, le télétravail continue de structurer les organisations, les salariés franciliens le pratiquant en moyenne deux jours par semaine. Par ailleurs, le climat économique est plus incertain, la trésorerie des entreprises parfois plus fragile et les défaillances repartent nettement à la hausse. Dans ce contexte, l’année 2023 a confirmé la poursuite des politiques de rationalisation immobilière et la baisse générale des gabarits : la taille moyenne des surfaces de plus de 5 000 m² prises à bail en 2023 en Ile-de-France atteint ainsi 11 170 m², soit une baisse de 15 % par rapport à celle relevée lors des dix années pré-Covid » détaille Guillaume Raquillet.
 
Certaines activités réduisent plus que d’autres leurs surfaces de bureaux
 
Néanmoins, tous les secteurs d’activité ne réduisent pas leurs surfaces de bureaux dans les mêmes proportions. Ainsi, la consommation moyenne de m² a par exemple diminué de 17 % dans les secteurs de la communication et des nouvelles technologies, de 23 % dans celui de l’industrie-distribution et de 36 % dans celui de la banque-finance, habitués aux méga-transactions avant l’épidémie de Covid-19. « Il convient toutefois de distinguer les grandes banques françaises, nettement en retrait sur le marché francilien des bureaux, des sociétés financières internationales dont la demande immobilière demeure très dynamique. Celle-ci est exclusivement concentrée dans le quartier central des affaires parisien, où ROTHSCHILD et CIE, UBS et BARCLAYS ont par exemple loué à eux trois près de 40 000 m² en 2023 » précise Guillaume Raquillet.
 
D’autres activités sont également en phase d’expansion, comme le luxe ou le conseil, à l’origine de plusieurs mouvements significatifs à Paris ces derniers mois. A titre d’exemple, MCKINSEY & COMPANY a loué près de 13 000 m² de bureaux neufs au 35-37 boulevard des Invalides dans le 7e, soit plus de deux fois la taille de son siège actuel. Enfin, le secteur de l’enseignement supérieur se distingue aussi par une croissance des surfaces prises à bail. Ainsi, les prises à bail d’établissements d’enseignement supérieur sont restées importantes en 2023, totalisant un peu plus de 88 300 m² toutes surfaces confondues soit un volume équivalent au record de 2022 et supérieur de 51 % à la moyenne des cinq dernières années. La surface moyenne prise à bail par les établissements d’enseignement supérieur a même crû de 30 % grâce au dynamisme des grandes surfaces (sept transactions supérieures à 5 000 m² contre cinq en 2022).
 
La Défense poursuit sa mue
 
Les différents secteurs tertiaires d’Ile-de-France ne sont pas non plus exposés de la même façon aux stratégies de rationalisation immobilière des entreprises. Ainsi, la baisse de la taille moyenne des grandes surfaces prises à bail en 2023 est particulièrement forte dans le Croissant Ouest (- 31 % par rapport à la moyenne décennale). Elle est plus modérée à La Défense (- 9 %). Ces deux marchés ont certes profité de l’essor de quelques activités, comme l’enseignement supérieur, mais ceci n’a pas compensé les réductions de surfaces opérées par les utilisateurs de secteurs autrefois moteurs comme l’industrie-distribution ou la banque-assurance. Avec une demande placée totalisant respectivement 443 600 m² et 148 400 m² en 2023, le Croissant Ouest et La Défense affichent ainsi un résultat inférieur de 21 % et 17 % à leur moyenne décennale.
 
Si plusieurs entreprises du quartier d’affaires sont en partance, La Défense attire cependant d’avantage d’utilisateurs originaires d’autres territoires, comme le Croissant Ouest ou Paris QCA. En outre, la répartition par secteur d’activité des volumes pris à bail y est plus équilibrée qu’auparavant : la part de l’audit et de l’industrie passe ainsi de 55 % entre 2013 et 2020 à 39 % entre 2021 et 2023, tandis que celles de l’enseignement supérieur, des services et des nouvelles technologies augmentent. « Le marché de La Défense s’appuie sur un socle d’utilisateurs plus varié et dépend davantage des prises à bail de petites et moyennes surfaces que de la signature de très grandes transactions, devenues assez rares. Son environnement et son accessibilité ne cessent par ailleurs de s’améliorer, puisque le quartier profitera ces prochains mois de l’extension de la ligne E du RER, qui le reliera au cœur de Paris QCA en moins de dix minutes » souligne Guillaume Raquillet.   
 
JO et Grand Paris Express : de quoi changer (enfin) la donne en 1ère couronne ?
 
Comme les marchés de l’Ouest francilien, les pôles de 1ère couronne voient leurs volumes placés amoindris par les réductions de surfaces des grands utilisateurs. Mais alors que la 1ère couronne affiche un très bon taux de rétention, étant parvenue à conserver près de 90 % de ses entreprises en 2023[1], celle-ci attire peu d’entreprises originaires d’autres secteurs géographiques. « Contrairement à ce que l’on pouvait espérer il y a un an, les marchés de 1ère couronne n’ont pas bénéficié en 2023 d’un franc regain d’intérêt des utilisateurs d’autres secteurs, malgré une offre neuve abondante et des loyers compétitifs » note Guillaume Raquillet. C’est le Nord surtout qui a déçu, avec un peu moins de 90 000 m² placés l’an passé soit une chute de près de 40 % par rapport à la moyenne décennale. Seule une grande transaction y a été recensée en 2023 : l’achat par BIOGROUP de 6 300 m² à Saint-Ouen. Dans cette ville, quelques moyennes surfaces ont aussi été louées par des entreprises venant d’autres secteurs, souhaitant à la fois bénéficier de loyers modérés et de bureaux modernes, parfaitement reliés aux transports et proches de Paris.
 
« Les investissements massifs réalisés dans le cadre de l’organisation des JO 2024 et du Grand Paris Express tardent à produire leurs effets sur le marché des bureaux de la 1ère couronne Nord, même si la dynamique est plutôt positive pour Saint-Ouen, première ville du secteur à avoir bénéficié de l’extension de la ligne 14. La mise en service de nouveaux tronçons du métro, la livraison des équipements olympiques ainsi que la tenue des JO devraient amplifier le succès de Saint-Ouen. Qu’en sera-t-il de Saint-Denis, plus à la peine et dont les bureaux attirent assez peu d’utilisateurs hors du secteur public ? » s’interroge Guillaume Raquillet. Les JO auront probablement peu ou pas d’impact dans les autres secteurs de 1ère couronne. En revanche, de nouvelles lignes de transports en commun y sont aussi attendues, qui pourraient à terme bénéficier au marché des bureaux. C’est en particulier le cas du Sud, avec l’extension de la ligne 14 vers Orly et la mise en service, prévue au plus tôt pour fin 2025, de la ligne 15 Sud. Ce secteur paraît d’autant mieux placé pour tirer parti de l’amélioration de son accessibilité que l’activité locative y est déjà bien orientée, avec 126 000 m² placés en 2023 soit un bond de 36 % sur un an et de 33 % par rapport à la moyenne décennale.
 
Paris QCA : un essoufflement à relativiser ?
 
Une fois n’est pas coutume, Paris a concentré la plus grande part des volumes placés en Ile-de-France en 2023 avec 881 000 m² soit 45 % du total. « Ce volume est inférieur de 11 % à celui de l’année précédente et tous les segments de surfaces sont en baisse, ce qui n’est pas une surprise compte tenu du nombre assez restreint de disponibilités » tempère Guillaume Raquillet. L’activité s’est toutefois redressée en cours d’année, en particulier sur la rive gauche où dix transactions supérieures à 5 000 m² ont été finalisées au 2nd semestre dont l’achat par IMMOBILIERE 3F des 13 000 m² de « Parc Avenue » dans le 13e. Notons aussi la belle performance du secteur de Paris 5-6-7 qui, avec 52 000 m² placés, enregistre sa 2e meilleure performance historique grâce à plusieurs transactions significatives au sein d’ensembles restructurés, comme le 35-37 boulevard des Invalides, loué par MCKINSEY & COMPANY, le 91 boulevard Saint-Michel, acheté par WINAMAX, ou encore « Odéon », pris à bail par plusieurs utilisateurs. Habituellement en situation de pénurie, ce marché a ainsi été dopé par la commercialisation de nouvelles offres de grande qualité, qui ont même séduit quelques utilisateurs du QCA.
 
La capacité de rétention du quartier central des affaires reste malgré tout importante, et ce dernier est également parvenu à attirer plusieurs entreprises d’autres communes d’Ile-de-France ou d’autres quartiers de la capitale. Ainsi, PUBLICIS a prévu de regrouper dans les quelque 28 000 m² de l’immeuble « Mondo » (Paris 17e) ses équipes préalablement installées dans l’est parisien. Malgré cela, les volumes placés ont chuté dans le QCA en 2023, totalisant 416 000 m² soit un recul de 14 % par rapport à l’année précédente. « Cet essoufflement peut être relativisé, le résultat de 2023 dépassant tout de même de 5 % la moyenne décennale. En outre, le QCA sortait de deux années 2021 et 2022 records et l’activité a été pénalisée en 2023 par la rareté de l’offre disponible » explique Guillaume Raquillet.
 
La chute de l’activité locative du QCA ne s’explique pas uniquement par une offre disponible peu fournie mais aussi par la baisse de la demande émanant de certains utilisateurs. Au total, les secteurs du conseil et des services, les activités juridiques ainsi que le coworking ont ainsi consommé 105 000 m² de bureaux dans le QCA l’an passé, soit une chute de 36 % par rapport à 2022. Dès lors, les résultats du QCA ont dépendu encore davantage des prises à bail d’entreprises du luxe et de la finance, qui sont quant à elles demeurées très actives. En 2023, ces deux secteurs ont concentré 49 % des m² de bureaux commercialisés au sein du quartier central des affaires contre 36 % en 2022. La forte demande des entreprises du luxe et de la finance explique également la hausse du loyer prime, passé en un an de 955 à 1 000 €/m². « Le luxe et la finance sont à l’origine de 59 % du nombre total de transactions signées à des valeurs supérieures ou égales à 900 €/m²/an en 2022 et 2023. Le luxe s’est aussi illustré par l’acquisition de plusieurs immeubles parisiens, certains emblématiques comme le 150 avenue des Champs-Elysées, cédé à LVMH » relève Guillaume Raquillet. En périphérie, l’évolution des loyers est bien plus contrastée et l’écart se creuse avec la capitale : le loyer moyen chute ainsi de 6 % en un an en Ile-de-France (hors Paris), alors qu’il gagne 3 % sur la même période dans Paris.
 
Taux de vacance au plus haut depuis le milieu des années 1990
 
A la fin de 2023, l'offre immédiate totalise 4,75 millions de m² en Ile-de-France, soit une hausse de 10 % en un an et de 3 % sur un trimestre. Pour partie liée au recul des commercialisations, l’augmentation de l’offre a pourtant été modérée par la faiblesse des livraisons : moins de 450 000 m² ont ainsi été livrés en 2023, soit une lourde chute de 54 % par rapport à 2022 et de 52 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années. Au total, 31 opérations de plus de 5 000 m² ont été achevées l’an passé contre une soixantaine en moyenne lors des cinq années précédentes.
 
Le taux de vacance de l’Ile-de-France atteint désormais 8,4 % contre 7,7 % il y a un an. Ce niveau est inédit depuis près de 30 ans, mais rappelons qu’au début des années 1990 la vacance avait ponctuellement dépassé les 10 %. Les contrastes entre secteurs tertiaires demeurent néanmoins importants. Sur un trimestre, le taux de vacance se stabilise à La Défense (14,5 %) et recule de 0,2 point dans le Croissant Ouest (13,4 %). En revanche, la hausse se poursuit en 1ère couronne dont le taux de vacance atteint 15,1 % (+ 1,1 point). Ce dernier dépasse même pour la première fois le seuil des 20 % dans le Nord du fait d’une activité locative assez faible. Dans l’Est, l’augmentation est spectaculaire, le volume de l’offre bondissant de près de 80 % sur un an.  
 
Une fois n’est pas coutume, Paris intra-muros voit aussi son taux de vacance progresser mais de façon modérée. Avec 717 000 m² de bureaux disponibles, le taux de vacance s’y établit à 4,2 %, soit 0,4 point de plus qu’à la fin du 3e trimestre. « La plupart des quartiers parisiens sont aujourd’hui plus offreurs qu’il y a trois mois, comme le QCA, où le volume de l'offre s’est accru de 15 % sur la période. S’établissant à 2,7 %, la vacance y demeure toutefois très faible, et inférieure au niveau relevé à la même époque l’an passé » relativise Guillaume Raquillet. 
 
Offre future : 1,5 million de m² attendus en 2024
 
Malgré une forte chute des livraisons en 2023, plus de 40 % des m² de bureaux achevés l’an passé sont toujours disponibles et entreront donc directement en concurrence avec les immeubles à livrer en 2024. Or, ces derniers seront très nombreux, représentant un volume proche d’1,5 million de m² neufs-restructurés dont 58 % sont encore disponibles. Un franc rebond de la demande placée étant assez peu probable à court terme, le taux de vacance francilien va donc continuer de croître. La hausse pourrait ensuite se modérer, avec moins de livraisons attendues en 2025 (0,84 million de m² dont 63 % encore disponibles). Les perspectives sont plus floues pour 2026, avec 1,34 million de nouveaux m² potentiels dont 32 % seulement ont été lancés.
 
Sur l’ensemble de la période 2024-2026, le stock d’offres à livrer en Ile-de-France est très inégalement réparti. Le Croissant Ouest et la 1ère couronne en concentrent une part importante (25 et 26 % respectivement) et devraient donc rester durablement sur-offreurs, à l’exception de quelques communes comme Neuilly. A l’inverse, Paris intramuros, où sept des neuf opérations de plus de 5 000 m² livrées en 2023 ont été intégralement louées, peinera à retrouver de la fluidité même si l’offre à venir est un peu plus fournie dans des quartiers plus excentrés de la capitale. Ainsi, quelques grands gabarits sont en cours de développement ou de restructuration dans les 12-13e et 14-15e arrondissements (« Tour Triangle », « The Circle », « Scope », etc.).
 
« A Paris, particulièrement dans les quartiers de l’ouest, la volonté de la municipalité de réduire la place des bureaux dans le cadre du nouveau PLU bioclimatique s’est d’ores et déjà traduite par un ralentissement des autorisations d’urbanisme » note Guillaume Raquillet. Le PLU sera approuvé d’ici quelques mois et devrait durablement pénaliser le développement de nouvelles opérations, ce qui, du fait d’une demande toujours soutenue pour des bureaux dans la capitale, favoriserait le maintien d’un faible taux de vacance et de valeurs locatives élevées. Dès lors, les grands utilisateurs parisiens pourraient être plus nombreux à renégocier leur bail en restituant pour certains une partie de leurs surfaces. D’autres pourraient regarder au-delà du périphérique pour déménager leurs bureaux, d’autant que la détérioration du contexte économique et le meilleur équilibre trouvé entre présentiel et distanciel inciteront les entreprises à rationaliser encore davantage leurs coûts immobiliers. En outre, plusieurs communes verront leur accessibilité s’améliorer nettement grâce à la mise en service de nouveaux tronçons du Grand Paris Express. L’année 2024 s’annonce donc décisive, les conditions d’une accélération des reports d’utilisateurs semblant davantage réunies que l’an passé. Or, « cette accélération est l’un des prérequis pour booster l’activité locative des secteurs tertiaires de périphérie, et leur permettre ainsi de retrouver une situation plus équilibrée » conclut Guillaume Raquillet.
 
[1] Sur l’ensemble des utilisateurs originaires de 1ère couronne ayant pris à bail des surfaces de bureaux > 1 000 m² en Ile-de-France.