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15 sep. 17
Logement social : chronique d'une mort annoncée
Ce qui s'annonce n’est rien moins que le meurtre du logement social en France.
Depuis des semaines, l'exécutif inquiète le pays sur la question du logement : des saillies violentes contre la propriété immobilière, assimilée à une rente, une réduction intempestive de 5€ des APL, des discours d'austérité budgétaires à la serpe, accusant les aides publiques de tous les maux, la responsabilité rejetée sur les bailleurs de corriger leurs loyers d'autant, voilà ce qui a tenu lieu d'expression politique sur le logement.
S'ajoute à cela une méthode de gouvernement instaurant avec les corps intermédiaires une relation dégradée: en lieu et place de la concertation, une consultation par plateforme numérique interposée. Pour finir, un calendrier d'action mouvant et incertain: la présentation du plan logement, promise hier, est différée d'une décade sans aucune explication.
Dans cette ambiance singulière et anxiogène, alors que les acteurs du logement perdent tous leurs repères, voilà qu'Emmanuel Macron vient de faire des promesses d'une parfaite clarté: la mort du logement social est programmée avec une rigueur de métronome. On somme les organismes bailleurs HLM de baisser leurs loyers d'une cinquantaine d'euros, qui rendent déjà nostalgiques de l'injonction de baisser les quittances de 5€ faite... il y a une semaine. L'inflation des exigences présidentielles a de quoi sidérer. Dès lors, pour récupérer des produits à bon compte, les organismes sont priés de céder leur patrimoine locatif à marche forcée pour favoriser l'accession. Quant à la baisse de la rémunération du livret A, ressource cruciale pour les organismes, elle annonce un étiage irréversible. On voit se mettre en place un mécanisme infernal de démantèlement des HLM.
La stratégie est terrible parce que ses fondements sont de mauvaise foi : les APL sont là parce que les circonstances économiques fragilisent les familles et elles n'ont absolument pas pour effet, presque calculé à écouter le gouvernement, de faire augmenter les loyers HLM. Elles atténuent la douleur des locataires, dont les revenus n'augmentent plus. Elles constituent un puissant amortisseur social...qui joue d'ailleurs autant dans le parc privé que dans le parc social, que la parole présidentielle a curieusement stigmatisé. Oui, l'effet d'aubaine est souvent à l'œuvre dans les logements appartenant à des investisseurs privés et il faut le dénoncer.
Comme il faut reconnaître que les bailleurs sociaux ne travaillent ni à abonder leurs réserves ni à distribuer des dividendes, mais à réinvestir sans cesse dans la construction. Ces choix politiques sont en outre glaçants par les conséquences qu'ils entraîneront : la baisse des APL génèrera peu ou prou le montant réinjecté par les organismes dans le lancement de nouveaux programmes chaque année et dans l'achat aux promoteurs des 25% de logements sociaux rendus obligatoires par la loi ALUR -également menacée par l'exécutif-. Il s'ensuivra une baisse de l'abondement de l'offre sociale, sans doute à hauteur de 100 000 unités par an, générant des tensions sur les loyers partout en France.
Quant à la plus-value que les cessions voulues par l'Élysée apporteraient, elle est certaine en zone tendue et elle sera inexistante ailleurs. Au demeurant, c'est le propriétaire le plus significatif, dans les agglomérations, Action Logement, qui va profiter le plus de cette valorisation patrimoniale.
Une conséquence grave tient aussi au délitement du lien entre les HLM et les maires : leur faculté d'attribution sera mise à mal. Quant aux cessions, ils tenteront par tous moyens de les bloquer et l'État sera vite tenté de les placer sous la tutelle des préfets. À l'arrivée, c'est leur rôle de proximité dans la politique du logement, essentiel, qui disparaîtra.
Enfin, on voit s'imposer subrepticement une logique financière brutale, qui annonce une privatisation assassine : qu’adviendra-t-il des logements sociaux vendus lorsqu'ils ne seront pas revendus à des accédants ? Ils perdront bien vite leurs caractéristiques sociales. Leurs loyers, leur gestion se calqueront sur les équations de rendement et les réflexes du privé les plus froids.
Ce qui s'annonce n’est rien moins que le meurtre du logement social en France. On saisit mal comment le Président Macron ne le comprend pas. Les Français l'ont élu pour voir cette modernité inspirer désormais la politique, pas pour que l'irréalisme l'emporte. La politique du logement actuelle affaiblira le pays.