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12 fév. 20

Fichier des loyers impayés : s’inspirer et comparer avant d’agir

Le débat qui s’est ouvert sur la constitution en France d’un fichier des incidents de paiement a agité les passions. Le moins qu’on puisse dire est que le sujet ne fait pas consensus. L’approche a vite été idéologique et le traitement rationnel et technique s’est rapidement trouvé occulté par des considérations polémiques. Il n’est pas question ici ni de trancher ni même de prendre position, mais d’ouvrir la réflexion en levant les yeux au-delà de nos frontières et au-delà de la question du paiement des loyers.
L’enjeu est important car cette proposition vise à améliorer la sécurisation des loyers et par contrecoup, à inciter les mises en location, car selon l’INSEE, depuis 2006, le nombre de logements vacants s’accroit dans l’ensemble des unités urbaines et notamment à Paris, où 17% des logements sont inoccupés.
Comparer avec d’autres moyens de maîtrise a priori du risque d’insolvabilité est utile et pertinent.
 
On sait ainsi qu’existe en France un fichier central des incidents de paiement, qui permet de signaler les personnes bancarisées ayant abusé de leurs capacités financières, en émettant des chèques sans provision par exemple, en excédant inconsidérément leur autorisation de découvert ou encore en n’honorant pas des prélèvements contractuels. Les défenseurs du fichier des impayés de loyer ont argué de ce parallèle.
 
Aux Etats-Unis, pays décomplexé quant à l’endettement, a été mis en place un outil complet, positif, qui mérite qu’on s’y attarde et qui pourrait légitimement inspirer les pouvoirs publics français soucieux d’apprécier finement le risque associé à un emprunteur ou à un candidat à la location d’un logement.
 
Outre Atlantique, tout citoyen américain titulaire d’un numéro de sécurité sociale se voit attribuer un « credit score », indicateur de sa capacité à faire face à ses charges de remboursement. Cet authentique profil financier affecté à chacun établit sur la base de critères multiples s’il est en situation de rembourser ses dettes liées à des crédits, mais aussi s’il peut acquitter ses factures courantes sans difficulté. Divers comportements sont observés et pris en compte pour calculer le score : le passé de payeur de toute personne devient un moyen d’anticiper sur son futur, en toute transparence vis-à-vis des emprunteurs, chacun ayant au préalable donné son accord.
 
Ainsi, est notamment regardée la régularité des paiements effectués sur les principaux engagements : ce point compte pour 35% dans la note globale. On retient aussi quelle proportion de votre capacité d’endettement vous utilisez, ce qu’on pourrait appeler votre « addiction au crédit » sous toutes ses formes (revolving, crédits long terme et consommation, autorisation de découvert), le tout pour 30% de la note. L’ancienneté des crédits entre pour 15% dans l’équation. Enfin, à raison de 10% chacun, deux postes sont pris en considération : la nature même des crédits, de longue ou de courte durée, pour des montants plus ou moins importants, et la fréquence à laquelle vous avez demandé un crédit, que vous l’ayez obtenu ou pas.
 
Outre la complétude des critères considérés, la lecture de la note obtenue obéit à une logique de gradation, évitant les risques liés à l’établissement d’un fichier trop simplifié et donc, critiquable pour son caractère trop approximatif.
Les moins bien notés sont exclus du crédit. Les suivants ont un accès limité au crédit. La « masse », qui bénéficie d’un score moyen, peut emprunter sans problème à des conditions normales. Les deux tranches supérieures ont droit à des conditions de crédit très bonnes, voire optimales.
 
Cet outil de mesure du risque, conçu et utilisé par les Américains, est précieux pour les professionnels comme pour les ménages, puisqu’il offre une parfaite illustration de la nécessité de se garder d’une trop grande simplification du sujet, afin de mettre en place un fichier juste et objectif. Pourquoi ne pas adapter cette méthode en France, en adaptant le fichier central des incidents de paiement pour y intégrer l’historique du bon paiement - ou non - des loyers ?
 
Les États-Unis ont choisi une approche quasi scientifique. Il reste que l’évaluation du risque personnel face aux obligations de la vie courante, accédant à la propriété ou locataire, exige une grande précision : le destin de familles et d’individus est en jeu.