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14 juin 21
Ralentissement de la construction de logements : rendre justice aux maires
par Norbert Fanchon, Président du Directoire du Groupe Gambetta
C'est devenu un leitmotiv presque mécanique, qui nous rappelle une célèbre réplique du Malade imaginaire : « Le poumon, vous dis-je, le poumon, le poumon, le poumon. » À l’énoncé de chaque douleur par le patient, le médecin ne sait opposer que ce diagnostic. Le poumon défaillant est coupable de tous les maux. Il en va ainsi de l’effondrement de la construction résidentielle dans notre pays : les maires en sont les responsables désignés, par le pouvoir exécutif, par nombre de parlementaires et par une grande partie de la communauté professionnelle. L’opinion, pour qui les élus locaux sont à la fois des recours permanents et des exutoires de proximité, n’est pas en reste : nos maires sont voués à la vindicte. Ils ne l’avaient jamais été à ce point.
Les maires sont structurellement - on est tenté de dire « par construction » - responsables, puisque la prérogative d’instruire les demandes de permis de construire et de délivrer les autorisations sollicitées leur appartient. L’État est régulièrement tenté de donner aux préfets le pouvoir de se substituer aux maires en cas de carence, notamment pour la production de logements sociaux. Bref, les maires ont toujours droit de vie et de mort sur les projets urbanistiques.
Faut-il le regretter ? Non, certainement pas. La commune, dans un esprit de concertation avec ses voisines du bassin d’habitat au titre de la coopération intercommunale, là encore voulue par la loi ALUR qui a créé les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUI), est la maille pertinente. Le maire est le mieux placé pour mesurer les besoins locaux et pour imaginer le meilleur scénario d’évolution de l’offre de logements, mais aussi des grands équilibres entre les fonctions, les bureaux, les commerces, la logistique, tout cela sur fond d’organisation des infrastructures. Alors est-il vrai que les maires ne veulent plus construire ? D’où vient que la situation se soit en effet objectivement dégradée depuis le début du quinquennat ?
On l’a à tort imputé aux élections municipales, dont la campagne a été anormalement prolongée par la pandémie. On sait cette période peu propice pour la construction, les élus ne souhaitant pas troubler leurs électeurs à l’approche du scrutin. La réflexion est fondée, mais elle fait fi de la chronologie des faits : un an avant les municipales, les maires de tous bords ont levé la plume sur les signatures de permis. On voit aussi que la situation ne s’est pas améliorée après les élections, ce qui rompt avec les habitudes.
Les refus de délivrer les permis de construire concernent toutes les villes. A croire que l’acte de construction n’est plus à la mode. Longtemps considéré comme un acte de progrès, bâtir des villes et leurs infrastructures participait au développement social et économique du pays. Espérons que la commission Rebsamen, lancée en avril dernier afin de lever les freins à la construction de logements changera le cours des choses.
Car la seule annonce, par Emmanuel Macron élu à l’Élysée, de la suppression de la taxe d’habitation, l’unique impôt local à leur main ou presque, a changé la donne. Cette taxe constituait 34% des ressources des communes, et aucune promesse de compensation n’a su rassurer les élus... d’autant que la méthode de compensation a tardé à être stabilisée. Il a fallu des rapports d’experts, dont celui d’Alain Lambert, ancien ministre du Budget, des débats sans fin au parlement et ailleurs, pour que le scénario soit enfin posé : les départements transfèrent leur taxe foncière aux communes et perçoivent en échange de la TVA de l’État. La compensation a bien eu lieu en 2020, mais beaucoup de maires doutent de la pérennité du système. C’est encore plus vrai avec la crise économique, qui affecte les rentrées de TVA avec une extrême dureté. Sans compter que les 20% des Français ayant les plus hauts revenus ne seront exonérés de la taxe d’habitation qu’en 2021, 2022 et 2023 de façon échelonnée : en clair, l’effort de l’État n’est pas à son terme et il pourrait bien en appeler à la solidarité des collectivités pour tenir ses engagements...
Sans certitude quant à leurs ressources fiscales, les maires se refusent à faire venir dans leur commune de nouveaux habitants, qui vont attendre des services de toutes natures, classes d’école supplémentaires, antennes de police, arrêt de bus, équipements de loisirs... L’effacement de la taxe d’habitation a rompu un lien entre les administrés et les maires. Les habitants payaient leur tribut, mais en échange ils voyaient bien à quoi il était employé et pouvaient exercer un contrôle direct sur l’action financée par leurs deniers. Ce rapport était vertueux. Il est délité.
Le dégrèvement de la taxe d’habitation restera comme une décision intervenue au pire moment pour la construction neuve. Sa conséquence sur l’offre de logements aura été terrible, affectant la construction HLM comme la production privée. Réhabiliter les maires, c’est leur témoigner la considération dont l’État les a injustement privés, allant jusqu’à pointer sur eux un accusateur doigt devant les Français. Réhabiliter l’acte de construire, c’est fonder l’espoir qu’ils se remettent collectivement à bâtir, en confiance avec les promoteurs. C’est enfin marquer l’attachement des acteurs du logement à la décentralisation, mise à mal par cette mauvaise manière politique.