Contact médias : Carol Galivel - 01 41 05 02 02
Les grandes artères parisiennes préparent la reprise
Vaccination élargie à toute la population, allègement des mesures de restriction, surplus d’épargne accumulé depuis le début de l’épidémie de Covid-19, rebond de l’emploi et du moral des ménages : en ce début d’été 2021, les nouvelles et indicateurs positifs ne manquent pas, laissant espérer un rebond durable de la consommation dans l’Hexagone malgré la menace du variant « Delta ». Mais Paris n’est pas la France : les conditions de marché y sont très spécifiques en raison de la forte dépendance de ses grandes artères commerçantes aux touristes étrangers et aux employés de bureau.
Peu de touristes, mais des relais de croissance
Avec l’allègement des mesures de restriction et le retour progressif au bureau des salariés, l’horizon est un peu plus dégagé qu’il y a quelques mois pour les grandes artères commerçantes parisiennes. Toutefois, les touristes étrangers sont encore peu nombreux et très majoritairement européens, même si Paris devrait profiter de la décision de l’Union européenne de faciliter l’entrée de nationalités à fort pouvoir d’achat, comme les Américains qui, avant l’épidémie de Covid-19, constituaient une source de revenus essentielle.
« En attendant un retour plus massif des touristes étrangers, les mutations de la consommation, le recentrage sur la clientèle locale et l’ajustement parfois conséquent des valeurs locatives offrent des opportunités aux enseignes. Ainsi, nombre de concepts se développent dans les secteurs des mobilités douces, du sport et des loisirs ou de la santé et du bien-être » indique Antoine Salmon, Directeur du département Commerces locatif chez Knight Frank France. Par ailleurs, les derniers mois ont aussi vu l’accélération de l’expansion des formats urbains d’enseignes de périphérie. Action et Besson Chaussures ont par exemple inauguré leur premier magasin parisien dans les 19e et 13e arrondissements, tandis qu’Alinea et Easy Cash (« Everso ») ont fait de même rue de Rennes et rue Saint-Denis. Enfin, IKEA vient d’ouvrir au 114 rue de Rivoli son premier concept dédié à la décoration, ainsi qu’un atelier de conception dédié à la cuisine et au rangement dans le 12e, sur une partie de l’ex magasin Go Sport du 149 avenue Daumesnil.
Hors des artères prime, l’accélération de la digitalisation des modes de vie et le boom de la livraison à domicile se traduisent par l’expansion d’acteurs plus atypiques, start-up de livraison express (Gorillas, Cajoo, Dija, etc.) et « dark kitchen ». Ceux-ci alimentent la demande de locaux dans des quartiers résidentiels de Paris et de certaines communes de 1ère couronne, et peuvent ainsi ponctuellement remédier à la hausse de la vacance commerciale des emplacements secondaires. Quant aux enseignes traditionnelles de la distribution, elles développent leur réseau de drives piétons dans une logique de proximité avec la clientèle, à l’exemple du premier point de retrait ouvert par Monoprix avenue de la Motte Piquet dans le 7e arrondissement ou du « Pickup drive » inauguré par Carrefour et La Poste dans le 19e.
DNVB : une expansion plus modérée, mais un contexte de marché favorable
Les DNVB (Digital Native Vertical Brands) fournissent un autre exemple des liens entre digital et commerce physique, même si leur expansion se fait depuis quelques mois à un rythme plus modéré qu’avant la crise sanitaire. « Sur les quelque 450 DNVB recensées par Knight Frank, 14 ont ouvert une boutique en propre depuis janvier à Paris et dans sa région, contre 34 sur l’ensemble de 2020 et 57 en 2019. Si le confinement a reporté un certain nombre de projets, nul doute que le rythme des ouvertures s’accélèrera dans les prochains mois » annonce Antoine Salmon. Le contexte est en effet favorable aux DNVB puisque les valeurs dont elles se réclament (écologie, transparence, local, etc.) ont été nettement renforcées par la crise sanitaire et que l’état actuel du marché immobilier leur offre en outre plus d’opportunités d’implantation. Enfin, l’épidémie a conforté le rôle du magasin comme support privilégié de l’expérience client. Ces marques nées sur le net ont d’ailleurs tendance à ouvrir leur premier point de vente plus rapidement qu’auparavant : si les DNVB mettent en moyenne trois ans et demi à inaugurer leur première boutique en propre, ce délai n’est que de deux ans pour celles créées depuis 2016.
Les DNVB constituent donc un gisement de demande à ne pas négliger, y compris sur des axes n°1 où elles sont de plus en plus présentes, et ce même si les surfaces prises à bail sont généralement de petite taille (le plus souvent inférieures à 100 m²). Le Marais reste, de loin, la destination privilégiée. Ce quartier rassemble ainsi près de 30 % du nombre de DNVB ayant ouvert une boutique dans Paris et sa région, devant Saint-Germain-des-Prés (13 %) et le secteur des Halles et de la Place des Victoires (9 %).
Tour d’horizon des grandes artères parisiennes
Malgré le choc de la crise sanitaire, les dernières ouvertures et la diversité des concepts se développant dans la capitale dessinent donc un marché des commerces en mouvement, sur ses axes secondaires comme sur ses artères les plus renommées.
« La rue de Rivoli en est une bonne illustration avec les ouvertures récentes, dans un même périmètre restreint, d’IKEA au n°144, du concept de gaming E-Spot au n°150 ou du deuxième magasin parisien de Miliboo au n° 83 bis, sans parler de celle de la Samaritaine il y a quelques jours et de celle à venir d’Uniqlo. Toutefois, le taux de vacance y reste important. Héritage de difficultés antérieures à la crise sanitaire, celui-ci atteint 14,7 % à la fin du 1er semestre 2021 » détaille Antoine Salmon. Le taux de vacance est également élevé sur l’avenue de l’Opéra (13,1 %), qui a particulièrement souffert de la baisse de fréquentation des touristes et du télétravail. Mais c’est sur le boulevard Saint-Michel que la proportion de locaux vides est la plus importante : le taux de vacance y frôle les 20 % et devrait rester durablement élevé. La rue de Rennes, autre axe majeur de la rive gauche, est quant à elle plus animée. Celle-ci a vu son taux de vacance légèrement diminuer et passer sous les 10 % grâce à la prise à bail de plusieurs emplacements dont Alinea en lieu et place de Zara au n°45 et Foot Locker au n°133 (ex Jules), deux mouvements illustrant la percée de secteurs dynamiques comme la décoration et le sportswear sur une artère où les enseignes de mode moyenne gamme sont traditionnellement prédominantes.
La vacance relativement élevée des artères mass-market tranche avec la résistance des rues bénéficiant d’une clientèle à fort pouvoir d’achat, dont la consommation a pu se reporter sur le lieu de résidence en raison du télétravail. La rue de Passy est particulièrement dynamique, avec un taux de vacance quasi nul (1,2 %) et une demande soutenue des enseignes. Malgré le nombre limité de touristes et les difficultés croissantes de circulation dans le centre de Paris, sans doute bientôt renforcées par la limitation à 30 km/h dans toute la capitale – problématique essentielle dont les conséquences sur l’évolution de l’offre commerciale sont encore difficiles à appréhender – le Marais est également solide. Le taux de vacance s’y établit à 4,2 % et 6,6 % sur les deux axes majeurs du quartier (Vieille-du-Temple et Francs Bourgeois), et la demande des enseignes y reste élevée dans le domaine de la mode, de l’alimentation-restauration ou des cosmétiques. Le Marais est aussi privilégié par les DNVB, à l’instar des récentes implantations d’Horace, Livy ou encore Bobbies rue Vieille du Temple. Enfin, le Marais est également stratégique pour les nouvelles enseignes étrangères, à l’exemple de l’ouverture du premier magasin en France de la marque suédoise de sneakers Axel Arigato au 86 rue Vieille-du-Temple, ou de celle à venir de la marque américaine de streetwear Stüssy au 44 rue du Temple.
La vacance est également restreinte sur la plupart des artères du luxe. Les grands groupes y poursuivent leurs projets de création ou extension de flagships (Burberry rue Saint-Honoré, Saint Laurent et Dior sur les Champs-Elysées, Dior avenue Montaigne, Cartier rue de la Paix, etc.) et les opérations de restructuration menées par les bailleurs s’y multiplient en attendant le retour de la clientèle internationale, asiatique notamment. Pour l’instant, les ouvertures de boutiques de luxe sont assez peu nombreuses : seules 11 ont été recensées au 1er semestre 2021 à Paris, même si un rattrapage est attendu d’ici la fin de l’année. Le total de 2021 pourrait ainsi approcher celui de 2020 (29 ouvertures). Avec un taux de vacance proche de 15 %, la rue du Faubourg Saint-Honoré fait exception parmi les artères du luxe, même si ce chiffre élevé est à relativiser. Les emplacements vides se concentrent en effet près de l’Elysée, notamment entre la place Beauvau et la rue de Duras, secteur sinistré dont la fréquentation a été plombée par les mesures de sécurisation du palais présidentiel. En outre, le Faubourg connaît un net regain d’activité, illustré par la hausse du nombre de projets d’ouvertures de boutiques de luxe (près de 10 prévues en 2021 contre 14 lors des cinq dernières années).
Finissons ce tour d’horizon des grandes artères commerçantes parisiennes par la plus fameuse d’entre elles, l’avenue des Champs-Elysées. Contrairement aux années précédant la crise sanitaire, les prises à bail de commerces ont été assez rares depuis le déclenchement de l’épidémie. Quelques opérations significatives ont néanmoins été finalisées. C’est le cas de Restoration Hardware, enseigne américaine d’ameublement attendue au n°23, ou de Saint Laurent qui doit ouvrir au n°123. D’autres opérations majeures viennent tout juste d’être actées sur un autre créneau de marché que le luxe. Confirmant la montée en gamme de l’avenue tout en préservant la diversité de son offre, ces futurs flagships conforteront ainsi le statut de vitrine des Champs-Elysées à l’échelle mondiale.
« Si la crise sanitaire a contraint les enseignes à développer des concepts tournés vers la clientèle locale, les projets en cours sur les grandes artères viennent ainsi rappeler que la clientèle internationale est un moteur essentiel de l’attractivité et de la prospérité de la capitale. Cette spécificité du commerce parisien est importante à rappeler, à l’heure où de grandes métropoles étrangères préparent activement la reprise et alors qu’approchent les Jeux Olympiques de 2024 » conclut Antoine Salmon.