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Le marché des commerces résiste à la quatrième vague
Knight Frank France dresse le bilan du marché immobilier des commerces en France
Le succès de la campagne de vaccination a dopé la reprise de l’économie et de la consommation, qui retrouve peu à peu son niveau d’avant crise. Le marché immobilier des commerces bénéficie de cette amélioration, en particulier dans les zones commerciales de périphérie. L’ajustement des loyers et la reprise de l’expansion de certaines enseignes animent également les centres commerciaux et les grandes rues commerçantes du pays. Côté investissement, le bilan du 1er semestre 2021 a déçu, avec une nette diminution des sommes engagées dans l’Hexagone. Mais celles-ci rebondiront nettement au 2nd semestre 2021, signe que les commerces restent un placement phare. Dans sa dernière étude Knight Frank dresse un bilan complet du marché des commerces depuis le début de 2021, et analyse les tendances qui influeront ces prochains mois sur les besoins immobiliers des enseignes, les attentes des investisseurs et la programmation des ensembles commerciaux.
Stratégies d’enseignes : entre rationalisation et expansion
L’an passé, le déclenchement de la crise sanitaire avait provoqué un véritable choc, laissant craindre une escalade des liquidations. « Un an plus tard, c’est plutôt la résistance du monde de la distribution qui est à souligner. Les défaillances d’entreprises sont au plus bas et près des deux tiers des enseignes ayant fait l’objet d’une procédure de sauvegarde depuis le début de l’épidémie ont pour l’instant été reprises » souligne Antoine Grignon, Head of Retail chez Knight Frank France. Depuis un an et demi, plusieurs rachats d’enseignes, concernées ou non par de telles procédures, ont été recensés, accentuant la concentration du marché des commerces aux mains d’un nombre de plus en plus réduit d’acteurs. « Ces rachats permettront de relancer certaines marques, mais contribueront également à accentuer les opérations de rationalisation de réseaux de magasins, aux dépens des emplacements les moins rentables » poursuit Antoine Grignon. L’accroissement des ventes en ligne est également un puissant facteur de rationalisation immobilière. Mais si les enseignes ont tiré parti de leurs investissements sur le web pour amortir l’impact des mesures de restriction, elles ont aussi amélioré leur offre de services, en ligne comme en magasin. Le point de vente physique reste en effet un support privilégié de l’expérience client, pour les acteurs traditionnels comme pour les « digital natives », comme illustré par la reprise de l’expansion des DNVB[1] avec près d’une quarantaine de boutiques en propre ouvertes en France depuis le début de 2021 (contre 65 en 2020).
Course à l’innovation
Depuis le début de la crise sanitaire, les innovations ne se sont pas limitées au numérique et à un seul aspect de la relation client : en 18 mois, l’épidémie a stimulé la créativité dans de nombreux domaines, comme ceux de la livraison, du retrait des achats ou du paiement, mais aussi des formats commerciaux avec la multiplication des collaborations entre marques sous forme de shop-in-shops, et la floraison de pop-up stores offrant aux enseignes la possibilité de tester de nouveaux concepts. Les relations contractuelles entre enseignes et bailleurs ont également évolué pour s’adapter à ce contexte plus mouvant. Plus flexibles, de nouvelles pratiques ont été expérimentées comme par exemple l’insertion, dans certains contrats de bail, de la possibilité de pérenniser un bail précaire.
Les enseignes à petit prix, grandes gagnantes de la crise ?
Le coronavirus, dont l’apparition a bouleversé nos vies quotidiennes, continuera ces prochains mois de remodeler le monde de la distribution et les modes d’achat. Ainsi, la volonté de consommer de façon plus responsable (quête de sens, engouement pour le local, etc.) s’est parfois accentuée. De façon générale, les Français sont tout de même largement revenus en magasin, certains continuant de vouloir consommer malgré les difficultés économiques grâce à des prix particulièrement attractifs. « L’épidémie n’a pas uniformisé les comportements et les attentes de la population. Après 18 mois de crise sanitaire, le monde d’après est tout autant celui du « moins mais mieux » que celui du « plus mais meilleur marché », tout autant celui d’ACTION ou de LIDL que celui de BIOCOOP ou des DNVB » selon Antoine Salmon, Head of Retail Leasing chez Knight Frank France. Les enseignes à petit prix surfent d’ailleurs sur la crise sanitaire, profitant notamment de conditions de bail plus favorables pour développer à toute vitesse leur réseau de magasins. Malgré les longues périodes de fermeture liées à l’épidémie, BASIC FIT est ainsi, parmi les nouvelles enseignes étrangères arrivées en France ces dernières années, celle dont le réseau se développe le plus avec une centaine d’ouvertures entre septembre 2020 et septembre 2021. A titre de comparaison, ACTION a ouvert 83 magasins sur la période et NORMAL plus de 30. Cette expansion rapide contribue aussi au succès de la commercialisation de nouveaux ensembles commerciaux : ACTION est ainsi l’enseigne qui a ouvert le plus de magasins au sein des projets d’ensembles commerciaux inaugurés depuis 2019 en France (17), devant INTERSPORT et MAXI ZOO.
Les enseignes à petit prix ne sont pas les seules à se développer. Depuis la fin du 3e confinement, les projets d’ouverture se multiplient, certains acteurs accélérant leur expansion pour tirer parti du rebond de la consommation, mais aussi des opportunités liées aux nouveaux comportements d’achat. Les secteurs de la restauration rapide et de l’alimentation sont ainsi parmi les plus dynamiques, en périphérie comme en centre-ville. De nombreux concepts se développent aussi dans les domaines du sport et des loisirs, de la mobilité ou de la santé et du bien-être. Enfin, les derniers mois ont également confirmé l’essor de la seconde-main. Le paysage des commerces ne cesse donc de se renouveler, ce dont témoignent aussi les dernières arrivées d’enseignes étrangères encore inédites dans l’Hexagone. « Si leur nombre reste assez faible – 16 ont ouvert une première boutique en France après 31 en 2020 et 54 en 2019 – la fin de l’année s’annonce plus animée en raison de la reprise des plans d’expansion de certains acteurs » explique Antoine Salmon. La répartition de ces arrivées par secteur d’activité confirme l’essor de l’alimentation-restauration et de l’équipement de la maison, en forte progression, tandis que la mode voit sa part décliner (26 % des nouveaux entrants étrangers recensés en France depuis 2020 contre 38 % sur la période 2015-2019).
Ensembles commerciaux : tendances et projets
Après une année 2020 difficile, les centres commerciaux ont de nouveau souffert des fermetures liées à la crise sanitaire au 1er semestre 2021. Toutefois, l’activité s’est nettement accélérée après la fin du 3e confinement, les grandes foncières communiquant sur des chiffres de fréquentation atteignant 80 à 90 % du niveau de 2019, et sur des ventes parfois supérieures à celles enregistrées avant l’épidémie grâce à une hausse des paniers moyens et à de meilleurs taux de conversion. Ces derniers mois ont également confirmé la réduction du nombre de créations pures, très rares cette année alors que plusieurs projets d’extension-redéveloppement ont récemment été ouverts (« Nice Lingostière », food-court de « Lyon Part-Dieu », « Corso »[2]) ou le seront au 2nd semestre (« Italik »[3]).
Du côté des retail parks, la tendance est au rebond des livraisons de nouveaux projets, même si le contexte réglementaire a récemment évolué (adoption récente de la loi « Climat et Résilience ») et pourrait à terme contraindre les développements. Après la forte baisse de l’an passé (moins de 230 000 m² ouverts contre 440 000 m² en moyenne entre 2015 et 2019), les surfaces inaugurées au 1er semestre 2021 représentent déjà près de 250 000 m², soit une hausse de 9 % par rapport au total de 2020 grâce aux reports de livraisons liés à la crise sanitaire et à l’achèvement de quelques projets d’envergure (« Shopping Promenade Cœur d’Alsace » et « Claye-Souilly », « Maine Street » près du Mans, « La Sablière » à Aurillac, etc.). Le 2nd semestre sera également animé, avec un nombre encore important d’ouvertures mais généralement d’une surface moins importante.
Ces ouvertures interviennent dans un contexte de marché favorable. « Les derniers mois ont confirmé la bonne résistance des zones commerciales de périphérie. Moins impactées que les centres commerciaux et les centres-villes par les mesures de restriction sanitaire, la baisse des flux touristiques et la percée du télétravail, celles-ci bénéficient notamment de la croissance démographique des territoires périurbains. Une croissance que semble d’ailleurs conforter l’épidémie d’après les derniers chiffres du marché de l’immobilier résidentiel » analyse Antoine Grignon.
Investissement : mauvais 1er semestre, mais net rebond au 2nd semestre
Alors que les commerces ont longtemps été la classe d’actifs la plus prisée des investisseurs après les bureaux, la faiblesse des volumes investis sur ce segment de marché au 1er semestre 2021 et le dynamisme de la logistique ont bousculé la hiérarchie. « Un peu moins de 700 millions d’euros ont été engagés sur le marché français des commerces au 1er semestre 2021, soit une baisse de 69 % par rapport à la même période en 2020 et le niveau le plus bas enregistré sur un semestre depuis le début des années 2000 » indique Antoine Grignon. Ce recul tient notamment au nombre réduit de transactions, parmi lesquelles moins de cinq dépassent les 50 millions d’euros et une seule est supérieure à 100 millions d’euros (vente à WP CAREY par CASINO d’un portefeuille d’hypermarchés). Néanmoins, la période estivale a été particulièrement animée, annonçant un net rebond au 2nd semestre et des volumes sans doute compris entre 2 et 2,5 milliards d’euros sur l’ensemble de 2021 après 4,5 milliards en 2020. Comme sur le marché locatif, la périphérie est particulièrement dynamique, avec plusieurs opérations récemment finalisées ou en cours à l’exemple du partenariat conclut par ALTAREA et CREDIT AGRICOLE ASSURANCES portant notamment sur neuf retail parks français. Plusieurs cessions de portefeuilles d’enseignes sont également au programme. Sur le marché des centres commerciaux, les volumes seront également gonflés, d’ici quelques mois, par la finalisation d’une très grosse opération : la vente par WERELDHAVE de quatre centres commerciaux en France à LIGHTHOUSE CAPITAL pour plus de 300 millions d’euros.
Si l’on ne peut nier les difficultés actuelles, l’horizon du marché de l’investissement en commerces est donc plus dégagé. « L’activité pourrait même gagner en vigueur en 2022 grâce au retour important des Français en magasin et aux prévisions de forte hausse de la consommation. Favorisant le rétablissement du marché locatif, ceci contribuera au regain du marché de l’investissement, avec des investisseurs plus confiants quant aux possibilités de revalorisation des actifs de commerce » conclut Antoine Grignon.
[1] Digital Native Vertical Brands.
[2] Cap 3000 à Saint-Laurent-du-Var.
[3] Italie 2 dans Paris 13e.