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7 juin 22

Gouvernement : le logement dilué, le vivre ensemble oublié ?

Le Président Macron et sa Première ministre, chargés de constituer le nouveau gouvernement, nous l’ont fait attendre. On s’est demandé si la recherche des équilibres, de sensibilité politique, d’origine territoriale, de parité, bref, le goût de la perfection expliquait ce délai…ou si dans les circonstances politiques complexes du moment, des personnalités sondées déclinaient l’offre.
La communauté du logement, qui avait plaidé unanimement - ce n’est pas si fréquent - pour un grand ministère incluant l’aménagement du territoire, aurait pu attribuer ce retard à une réflexion de fond sur le périmètre de ce ministère et de quelques autres, ou encore aux questions de rattachement : le logement devait-il, notamment, s’il n’était pas un ministère de plein exercice, dépendre de l’écologie ou directement de Matignon ? A l’issue de la publication, ce jeudi 2 juin, des décrets d’attribution des compétences des ministères, on a à présent une réponse : C’est Madame la ministre de la transition écologique qui est en responsabilité sur le logement. Son ministère comprend aussi la cohésion des territoires, la lutte contre les inégalités territoriales, l'environnement, la prévention des risques naturels et technologiques, la sécurité industrielle, les transports et leurs infrastructures, et l'équipement. Mais le portefeuille de ministre en charge du Logement, secteur qui représente quand même plus de 20% du PIB français, est purement et simplement supprimé.

Passée la surprise, la stupéfaction, l’indignation pour certains, suscitée par cette disparition lors de l’annonce du gouvernement, il faut analyser ce choix fort d’intégrer le logement aux attributions élargies de la ministre de la transition écologique. Si tout allait bien en matière de logement en France, on comprendrait qu’on ne crée pas de portefeuille ministériel dédié. Pour le dire à l’envers, puisque les têtes de l’exécutif, Emmanuel Macron et Elisabeth Borne, n’ont pas nommé de ministre en charge du logement, c’est qu’ils sont persuadés que le logement va bien, ou plutôt bien, ou encore plutôt pas mal. Or, le fait de voir Bercy aller jusqu’à étudier ces derniers jours, même sans l’envisager de manière « sèche », la piste d’un gel des loyers face au dérapage de l’IRL du fait de l’inflation, n’est qu’un signe de plus de la situation de tension presque inédite dans laquelle se trouve le marché de l’immobilier.

Quelle que soit leur appréciation, celle-ci est donc erronée. Ils se trompent objectivement : les chiffres sont incontestables, têtus, terribles. On n’en fera pas ici l’inventaire.

Un niveau de construction de logements neufs au plus bas, proche sans doute à la fin de l’année de 350 000 unités, pour des besoins annuels estimés à 500 000, tout cela après une baisse ininterrompue sur le quinquennat et la législature. Des coûts de production et des prix dans l’existant en décalage toujours plus marqué avec la solvabilité des ménages, qui plus est abîmée par l’inflation. Un accès au crédit devenu anormalement sélectif à cause de critères prudentiels excessifs, encore complexifié par la hausse des taux d’intérêt. Comment ne pas citer, aussi, le nombre historiquement bas des agréments de logements HLM, à 80 000 au lieu des 120 000 nécessaires a minima ? Et puis, il y a les contraintes de la transition environnementale, rapide et exigeante, avec ces 5 à 7 millions de maisons et de logements en copropriété dont les propriétaires ne savent comment ils financeront la mise aux normes. On sait, même, que la filière n’est pas prête : les entreprises compétentes et reconnues garantes de l’environnement (RGE) manquent, de même que les diagnostiqueurs.  

L’annonce de la nomination, passées les élections législatives, d’un Ministre délégué au logement, sera évidemment un signal positif ; il est, cependant, regrettable qu’il ait fallu une levée de bouclier unanime des acteurs de la profession pour susciter cette inflexion. Les gens de l’immobilier ont fait leur mea culpa : sans doute n’ont-ils pas été clairs sur la situation. Il reste qu’une crise sociale liée au logement s’annonce.

Plus globalement, on peut regretter que logement, transports et tourisme aient précisément été les trois « oubliés » de ce premier gouvernement. Trois secteurs d’excellence de l’industrie française, trois moteurs de l’économie des territoires, trois thématiques en prise avec les aspirations profondes des Français et leurs préoccupations du quotidien, face à la baisse du pouvoir d’achat. 

La volonté d’avoir un gouvernement resserré est noble, mais l’exécutif ne réussira pas le défi du redressement en laissant à la marge des enjeux si essentiels au vivre ensemble.

Dès lors, pour combler cet oubli, devons-nous vraiment attendre la fin juin ?