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Pinel + : la charrue avant les bœufs

À l’issue de la réflexion qu’elle a lancée naguère sur le thème « Habiter la France de demain », la ministre en charge du logement, Emmanuelle Wargon a annoncé la création d’un dispositif fiscal Pinel+. De quoi s’agit-il ?
Le nom dit déjà que le mécanisme du dispositif sert de base au suivant, avec des réductions d’impôt accordées en contrepartie d’une certaine durée de location à des prix de loyer maitrisés. C’est le + qui intrigue. Veut-il dire que les avantages fiscaux y sont majorés ? Pas du tout. Il désigne les prestations supérieures du logement.
 
Pour comprendre cette évolution, il faut remonter au rapport que Madame Wargon a commandé, pour éclairer les travaux sur l’avenir de l’habitat dans notre pays, à deux experts du secteur du logement, l’aménageur Laurent Girometti et l’architecte de renom François Leclerc. Il concluait à la nécessité de produire des appartements plus vastes, plus lumineux et plus verts pour mieux satisfaire la demande des ménages.
 
Tous les professionnels du secteur, des agents immobiliers aux Promoteurs, partagent ces conclusions et connaissent les aspirations de leurs clients… Ils savent également quelles concessions ils sont conduits à faire, sans renoncer à l’essentiel, leur solvabilité imposant ses limites.
 
Dans le détail, des surfaces minimums sont fixées : 28 m² pour un logement d’une pièce, 45 m² pour un deux pièces et jusqu’à 96 m² pour un logement familial de cinq pièces. Il est également imposé dans le cadre du Pinel+ pour les appartements supérieurs à deux pièces une orientation garantissant une exposition au soleil durable dans la journée, ainsi qu’un espace extérieur privatif.
 
Ces surenchères sont-elles raisonnables ? Elles sont hors de proportion et font croire que tous les logements construits jusqu’alors étaient déconnectés des besoins de la demande ! Car enfin, de quoi parle-t-on ?
 
On parle d’abord de majorer les exigences qualitatives alors que la production est tombée en quantité à un niveau d’étiage dangereux. Elle sera probablement à peine supérieure à 300 000 unités quand il faudrait, au bas mot, 450 000 logements nouveaux pour suivre les évolutions démographiques et sociologiques de notre pays. La pénurie déjà sensible résulte largement de la dégradation des relations entre l’État et les maires, les seconds mis sous la tutelle financière du premier par la suppression de la taxe d’habitation et l’augmentation incessante des transferts de charges, encore accentués par la pandémie. Elle hypothèque pour plusieurs années, eu égard aux cycles de production, la satisfaction des besoins des familles.
 
Le temps de production est devenu si long, 7 ans en moyenne, que l’on juge en permanence le passé à l’aune des attentes du présent. Le Pinel + aurait pu réduire le coût et le temps d’adaptation de la construction à condition de maintenir voire d’augmenter le taux de déduction fiscale dont bénéficient les acquéreurs, d’élargir les zonages et d’améliorer les critères environnementaux. A ce titre, il faut rappeler le cas du Scellier qui a fait basculer début 2009, en seulement 3 mois, toute la production vers la Réglementation Thermique 2012, soit avec 3 ans d’avance. En effet, en réservant une déduction fiscale très incitative (22 % du prix d’achat du bien) aux seuls acquéreurs de logements BBC avant le 31 décembre 2011, le dispositif Scellier avait poussé l’ensemble des acteurs de la promotion immobilière à mettre, sans attendre, leur production au diapason, sous peine de manquer leur rendez-vous avec les investisseurs.
 
Bref, le gouvernement met la charrue avant les bœufs. Il se trompe d’ordre de facteurs. Par peur de se faire taxer de climatoscepticisme, les professionnels et leurs organisations réagissent avec modération : l’urgence est de produire avec des normes déjà élevées. L’impérieuse priorité est aujourd’hui d’endiguer la hausse des prix annoncée du logement, à la vente ou à la location, et de redonner du pouvoir d’achat aux Français. Cela nécessite une volonté politique forte de relance de la construction pour augmenter le parc de logements et permettre une offre soutenue à des prix abordables.