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17 jan. 23
Entre expansion et rationalisation
Bilan 2022 et perspectives 2023 du marché immobilier des commerces en France
En 2022, le marché français des commerces a plutôt bien résisté aux conséquences du conflit russo-ukrainien, notamment à Paris dont les grandes artères ont continué à bénéficier du retour des touristes étrangers. En 2023, cette résistance pourrait être mise à mal par une inflation toujours élevée et le ralentissement de la consommation, qui inciteront un certain nombre d’enseignes à accélérer la rationalisation de leur réseau de magasins. Néanmoins, plusieurs secteurs resteront dynamiques, soulignant la capacité d’adaptation dont le marché français fait preuve depuis le déclenchement de la crise sanitaire. Knight Frank dresse le bilan de l’année 2022 et livre quelques perspectives pour 2023.
Menaces sur la consommation
Le répit offert par la normalisation de la situation sanitaire aura été de courte durée. Après un net rebond de la consommation en 2021, celle-ci a continué de croître en 2022 mais à un rythme bien plus modéré en raison du déclenchement du conflit russo-ukrainien, qui a fait exploser l’inflation et plombé la confiance des ménages, scotchée à son niveau le plus bas depuis 2013. En 2023, la consommation des ménages devrait stagner sous l’effet d’une inflation toujours élevée et de la détérioration de la situation économique. Le recul du pouvoir d’achat, la dégradation du marché de l’emploi et le projet de réforme des retraites devraient en outre accentuer les risques sociaux. « Les tensions inflationnistes pourraient néanmoins s’atténuer au fil des mois et l’activité économique repartir à la hausse en 2024 et 2025. D’ici là, les Français auront tendance à arbitrer leurs dépenses au profit de biens essentiels tels que l’énergie et les produits alimentaires » prévoit Antoine Salmon, Directeur du département Commerces locatif chez Knight Frank France.
Les enseignes alimentaires se sont déjà distinguées ces derniers mois, sur le segment de la proximité avec la multiplication de magasins FRANPRIX, ou sur celui du discount avec les nombreuses ouvertures d’ALDI et les arrivées récentes ou à venir de l’Espagnol PRIMAPRIX ou d’ATACADAO, marque brésilienne du groupe CARREFOUR. La baisse du pouvoir d’achat et la migration des consommateurs vers le discount favorisent déjà depuis quelques années l’expansion des enseignes à bas prix : entre 2019 et 2022, le nombre cumulé de magasins de six grandes enseignes discount (ACTION, STOKOMANI, CENTRAKOR, GIFI, B&M ET NORMAL) est ainsi passé de 1 540 à un peu plus de 2 000 en France, soit une hausse de 33 % sur la période. « Les enseignes discount ne sont pas les seules à se développer. Les plans d’expansion restent dynamiques dans d’autres domaines, celui de la restauration en particulier : sur quelque 170 projets significatifs de développement recensés par Knight Frank en 2022, près d’un tiers concernent la restauration, portée par le succès de la restauration rapide et du modèle de la franchise, dont il faudra néanmoins suivre de près l’évolution en 2023 compte tenu du resserrement des conditions de financement » note Antoine Salmon.
Entre expansion et rationalisation
Parmi les secteurs dynamiques, mentionnons également celui des mobilités, qui bénéficiera en 2023 de l’extension des aides nationales à l’achat d’un vélo, du médical ou encore du sport et des loisirs. En revanche, le quick commerce, très actif en 2021, a stoppé son développement. Représenté il y a un an par une dizaine d’acteurs, le quick commerce ne compte plus que trois leaders après plusieurs disparitions (KOL, ZAPP, YANGO DELI) et opérations de rachat (GORILLAS racheté par GETIR). Le nombre d’ouvertures de dark stores s’est d’ailleurs fortement réduit : sur les quelque 220 locaux existants en France à fin 2022 (dont un peu plus d’un tiers à Paris), une quarantaine seulement ont ouvert en 2022 dont la quasi-totalité au 1er semestre.
S’il reste très exposé aux arbitrages des ménages, le secteur de l’habillement conserve quant à lui une place centrale sur le marché immobilier des commerces. Quelques grandes enseignes affichent par exemple de solides ambitions, telles PRIMARK ou MANGO dont l’expansion passe notamment par de nouvelles ouvertures dans les villes moyennes. La mode constitue en outre une part significative des nouveaux entrants étrangers. « Tous secteurs confondus, 44 enseignes étrangères ont ouvert en 2022 leur premier magasin dans l’Hexagone contre 43 en 2021 et 35 en 2020. Le rythme ne devrait pas faiblir en 2023 puisqu’une trentaine de projets sont déjà identifiés. Sur ces 44 nouveaux entrants de 2022, 39 % appartiennent au secteur de l’habillement » détaille Antoine Salmon.
Le secteur de la mode reste toutefois chahuté, et a d’ailleurs connu en 2022, avec la disparition de CAMAIEU, la liquidation la plus importante recensée depuis le début de l’épidémie de Covid-19. « Tous secteurs confondus, les procédures ont porté sur 14 enseignes en 2022. Leur nombre s’élève à 57 depuis le déclenchement de la crise sanitaire, dont 40 % dans le secteur de l’habillement » précise Antoine Salmon. Jusqu’à présent, les défaillances ont été relativement limitées. Pour autant, certaines des enseignes ayant fait l’objet d’une reprise restent fragiles. En outre, la liste des procédures pourrait encore s’allonger en 2023 en raison d’un contexte économique moins favorable, du remboursement des échéances des prêts garantis par l’Etat et de l’alourdissement des charges, qu’il s’agisse des coûts d’approvisionnement, des frais de personnel ou des prix de l’énergie, dont la hausse est particulièrement contraignante pour des secteurs très consommateurs comme la restauration. Les coûts immobiliers seront aussi un sujet important de 2023, la hausse de l’indice des loyers commerciaux (ILC), qui s’est établie à + 5,37 % sur un an à la fin du 3e trimestre 2022, constituant un motif croissant de tensions entre enseignes et bailleurs.
« En 2023, l’impact sur le marché des commerces des diverses charges pesant sur les enseignes sera important. Celles-ci fragiliseront certains acteurs et pousseront les enseignes, dont une très large majorité ne bénéficient pas du plafonnement de l’ILC, à renégocier davantage leurs coûts immobiliers. Plus généralement, les prochains mois verront une accélération des opérations de rationalisation, ce qui se traduira sans doute par un accroissement du nombre de fermetures liées à la volonté des enseignes de réduire la voilure en se délestant des magasins les moins performants » prévoit Antoine Salmon. L’accélération des stratégies de rationalisation a également pour effet d’accélérer la concentration du marché français des commerces, les rachats d’enseignes permettant d’offrir des économies d’échelles en mutualisant les coûts, immobiliers notamment.
Le magasin conserve un rôle central
La rationalisation ne se limite pas aux enseignes en difficulté. La réduction des réseaux de distribution concerne aussi des géants internationaux aux résultats solides, à l’exemple du groupe INDITEX dont le parc de boutiques s’est réduit de 12 % dans le monde depuis 2020. Pour autant, ceci ne remet pas en question l’importance du commerce physique, d’autant que les pure-players sont également chahutés à l’exemple de la disparition du Britannique MADE.COM ou du récent placement en redressement judiciaire de OOGARDEN. L’année 2022 a également été difficile pour certaines DNVB, fragilisées par la baisse des levées de fonds et la hausse des coûts d’acquisition digitaux.
« Le magasin conserve une place centrale dans les stratégies de distribution. Toutefois, face à l’alourdissement des charges et à la hausse de la part des ventes en ligne, la tendance au « moins mais mieux » gagne en importance, incitant certaines enseignes à concentrer leurs investissements sur un nombre plus réduit de magasins, plus adaptés aux nouvelles attentes des consommateurs et à la phygitalisation du commerce » explique Antoine Salmon. Dans ce contexte, le rôle des flagships reste déterminant. Dans un environnement de marché de plus en plus globalisé et concurrentiel, le magasin est en effet un levier essentiel de fidélisation, de connaissance client et de différenciation, qui permet en outre de proposer une offre allant bien au-delà de la seule vente de produits. La tendance est particulièrement marquée dans les secteurs de la mode, du sportswear ou du luxe, qui utilisent le flagship pour sublimer l’expérience d’achat. « Les nouveaux flagships sont devenus des destinations à part entière, où le client vient se restaurer, rencontrer les ambassadeurs de la marque, profiter de collections exclusives issues de collaborations, admirer des oeuvres d’art ou encore partager les meilleurs moments de sa visite sur les réseaux sociaux. Ces magasins permettent ainsi de promouvoir l’histoire et les valeurs de la marque et, de plus en plus, les mesures adoptées pour limiter son impact environnemental » analyse Antoine Salmon.
Grandes manoeuvres dans le centre de Paris
A Paris, ces nouveaux flagships sont d’autant plus pertinents que la fréquentation internationale continue de se redresser. Ainsi, les visiteurs étrangers, américains notamment, ont été bien plus nombreux en 2022. Si le nombre de touristes chinois ne devrait pas retrouver son niveau d’avant crise avant 2024 ou 2025, les perspectives sont néanmoins positives, pour les groupes de luxe en particulier. « En 2022, 38 ouvertures de boutiques de luxe ont été recensées dans la capitale, soit cinq de plus qu’en 2021 et neuf de plus qu’en 2020. Des projets emblématiques ont notamment été inaugurés à l’exemple de celui de Cartier au 13 rue de la Paix, de Dior au 30-32 avenue Montaigne ou encore de Chanel au 21 rue du Faubourg Saint-Honoré. Cette tendance se prolongera en 2023 et 2024, à l’exemple des ouvertures attendues de SAINT LAURENT avenue des Champs-Elysées et avenue Montaigne, ou de GUCCI et ALEXANDER MCQUEEN rue Saint-Honoré » explique Antoine Salmon. L’une des caractéristiques de plusieurs projets récents et à venir est leur dimension patrimoniale et l’intégration d’une offre de restauration, à l’exemple du flagship rouvert par Dior au 30-32 avenue Montaigne ou des projets de LOUIS VUITTON près du pont Neuf (espace d’exposition « LV Dream », pâtisserie), emblématiques de la diversification des géants du luxe.
La hausse du nombre d’arrivées de nouvelles enseignes étrangères témoigne également de l’attractivité du marché parisien. Sur les 44 recensées en France en 2022, 30 se sont implantées dans la capitale contre 26 l’année précédente, dans des secteurs variés comme les nouvelles mobilités, la décoration, la beauté, la restauration et surtout l’habillement (BROWNIE, ARKET, STUSSY, MACKAGE, GANNI, etc.). Elles ont majoritairement ouvert dans le Marais et dans le secteur de la rue Saint-Honoré. Dans d’autres quartiers, plusieurs ouvertures et projets confirment par ailleurs la poursuite de l’expansion d’enseignes traditionnellement présentes en périphérie et cherchant des relais de croissance en milieu urbain, telles ALDI, KIABI, ANIMALIS, FABRIQUE DE STYLES ou GRAND FRAIS.
« La solidité du marché parisien est également illustrée par l’évolution de la vacance commerciale. Entre la fin de 2021 et la fin de 2022, le taux de vacance moyen des 12 grands axes analysés par Knight Frank a perdu près de deux points, les baisses les plus significatives concernant la rue du Faubourg Saint-Honoré et la rue Saint-Honoré, la rue des Francs Bourgeois, le boulevard Saint-Michel et la rue de Rivoli » indique Antoine Salmon. Ce constat positif peut néanmoins être nuancé : lors des six derniers mois, la vacance commerciale s’est en effet stabilisée (- 0,5 point) et reste parfois élevée, comme sur l’avenue de l’Opéra ou le boulevard Saint-Michel. « Difficile de savoir si la vacance commerciale a atteint son niveau plancher ou si elle retrouvera en 2023 sa tendance baissière. En tout état de cause, l’écoulement de l’offre dépendra du dynamisme de la consommation et des arrivées de touristes étrangers, des mesures d’accompagnement consenties par les bailleurs ainsi que de la poursuite des plans d’expansion des enseignes » indique Antoine Salmon. L’évolution de la vacance dépendra également du devenir des quelques grands projets de restructuration, récemment ou bientôt achevés sur de grands axes parisiens comme les Champs-Elysées ou le boulevard Haussmann. A l’instar de l’ex-C&A au 126 rue de Rivoli, d’autres opérations importantes sont en train d’être lancées, illustrant la poursuite de la transformation de l’hypercentre de Paris dont témoignent aussi de nouveaux projets culturels (future Fondation Cartier, attendue en 2025 face au Louvre) ou hôteliers (futur hôtel Louis Vuitton face à la Samaritaine).
Ensembles commerciaux : la fin confirmée des grands projets
En 2022, Paris a également vu l’inauguration de l’un des projets commerciaux les plus importants de l’Hexagone : l’opération d’extension-redéveloppement des « Ateliers Gaité » près de la gare Montparnasse. A l’échelle de la France, les ouvertures d’ensembles commerciaux sont reparties à la baisse après le rebond observé en 2021, malgré d’autres livraisons significatives comme « Parenthèse » à Persan dans le Val d’Oise ou « Rocadest » à Carcassonne. « Tous formats confondus, un peu moins de 350 000 m² de nouveaux ensembles commerciaux ont été livrés en 2022 en France, soit une baisse de 37 % sur un an et de 42 % par rapport à la moyenne des cinq années précédant la crise sanitaire. Constitué de 60 % de créations ex nihilo, le volume des nouveaux m² ouverts en 2022 est même inférieur de 14 % au point bas de 2020, qui avait vu le report de plusieurs projets en raison du déclenchement de l’épidémie de Covid-19 » annonce Antoine Salmon.
Si les ouvertures de centres commerciaux ont légèrement progressé sur un an, les volumes de nouveaux retail parks ont quant à eux reculé de 41 % par rapport à 2021. « Avec 187 000 m² inaugurés en France l’an passé, les ouvertures de retail parks ont même atteint leur niveau le plus bas depuis l’émergence de ce format commercial au début des années 2000. Si quelques ensembles importants sont encore attendus, comme celui de Neyrpic près de Grenoble, le temps de l’expansion à tous crins semble terminé, sur fond d’arrivée à maturité du parc français et de contraintes administratives croissantes limitant l’artificialisation des sols ». Parallèlement à cela, la refonte de sites existants est de plus en plus à l’ordre du jour, à l’exemple des initiatives menées par NHOOD ou FREY pour créer de nouveaux quartiers et mixer les usages. « L’année 2022 semble marquer un nouveau jalon dans l’histoire du commerce de périphérie. Comme pour d’autres d’actifs, l’urgence écologique et l’évolution des modes de vie imposent ainsi de transformer le parc immobilier, même si tous les sites ne sont pas mutables en raison de contraintes parfois importantes » conclut Antoine Salmon.
En 2022, le marché français des commerces a plutôt bien résisté aux conséquences du conflit russo-ukrainien, notamment à Paris dont les grandes artères ont continué à bénéficier du retour des touristes étrangers. En 2023, cette résistance pourrait être mise à mal par une inflation toujours élevée et le ralentissement de la consommation, qui inciteront un certain nombre d’enseignes à accélérer la rationalisation de leur réseau de magasins. Néanmoins, plusieurs secteurs resteront dynamiques, soulignant la capacité d’adaptation dont le marché français fait preuve depuis le déclenchement de la crise sanitaire. Knight Frank dresse le bilan de l’année 2022 et livre quelques perspectives pour 2023.
Menaces sur la consommation
Le répit offert par la normalisation de la situation sanitaire aura été de courte durée. Après un net rebond de la consommation en 2021, celle-ci a continué de croître en 2022 mais à un rythme bien plus modéré en raison du déclenchement du conflit russo-ukrainien, qui a fait exploser l’inflation et plombé la confiance des ménages, scotchée à son niveau le plus bas depuis 2013. En 2023, la consommation des ménages devrait stagner sous l’effet d’une inflation toujours élevée et de la détérioration de la situation économique. Le recul du pouvoir d’achat, la dégradation du marché de l’emploi et le projet de réforme des retraites devraient en outre accentuer les risques sociaux. « Les tensions inflationnistes pourraient néanmoins s’atténuer au fil des mois et l’activité économique repartir à la hausse en 2024 et 2025. D’ici là, les Français auront tendance à arbitrer leurs dépenses au profit de biens essentiels tels que l’énergie et les produits alimentaires » prévoit Antoine Salmon, Directeur du département Commerces locatif chez Knight Frank France.
Les enseignes alimentaires se sont déjà distinguées ces derniers mois, sur le segment de la proximité avec la multiplication de magasins FRANPRIX, ou sur celui du discount avec les nombreuses ouvertures d’ALDI et les arrivées récentes ou à venir de l’Espagnol PRIMAPRIX ou d’ATACADAO, marque brésilienne du groupe CARREFOUR. La baisse du pouvoir d’achat et la migration des consommateurs vers le discount favorisent déjà depuis quelques années l’expansion des enseignes à bas prix : entre 2019 et 2022, le nombre cumulé de magasins de six grandes enseignes discount (ACTION, STOKOMANI, CENTRAKOR, GIFI, B&M ET NORMAL) est ainsi passé de 1 540 à un peu plus de 2 000 en France, soit une hausse de 33 % sur la période. « Les enseignes discount ne sont pas les seules à se développer. Les plans d’expansion restent dynamiques dans d’autres domaines, celui de la restauration en particulier : sur quelque 170 projets significatifs de développement recensés par Knight Frank en 2022, près d’un tiers concernent la restauration, portée par le succès de la restauration rapide et du modèle de la franchise, dont il faudra néanmoins suivre de près l’évolution en 2023 compte tenu du resserrement des conditions de financement » note Antoine Salmon.
Entre expansion et rationalisation
Parmi les secteurs dynamiques, mentionnons également celui des mobilités, qui bénéficiera en 2023 de l’extension des aides nationales à l’achat d’un vélo, du médical ou encore du sport et des loisirs. En revanche, le quick commerce, très actif en 2021, a stoppé son développement. Représenté il y a un an par une dizaine d’acteurs, le quick commerce ne compte plus que trois leaders après plusieurs disparitions (KOL, ZAPP, YANGO DELI) et opérations de rachat (GORILLAS racheté par GETIR). Le nombre d’ouvertures de dark stores s’est d’ailleurs fortement réduit : sur les quelque 220 locaux existants en France à fin 2022 (dont un peu plus d’un tiers à Paris), une quarantaine seulement ont ouvert en 2022 dont la quasi-totalité au 1er semestre.
S’il reste très exposé aux arbitrages des ménages, le secteur de l’habillement conserve quant à lui une place centrale sur le marché immobilier des commerces. Quelques grandes enseignes affichent par exemple de solides ambitions, telles PRIMARK ou MANGO dont l’expansion passe notamment par de nouvelles ouvertures dans les villes moyennes. La mode constitue en outre une part significative des nouveaux entrants étrangers. « Tous secteurs confondus, 44 enseignes étrangères ont ouvert en 2022 leur premier magasin dans l’Hexagone contre 43 en 2021 et 35 en 2020. Le rythme ne devrait pas faiblir en 2023 puisqu’une trentaine de projets sont déjà identifiés. Sur ces 44 nouveaux entrants de 2022, 39 % appartiennent au secteur de l’habillement » détaille Antoine Salmon.
Le secteur de la mode reste toutefois chahuté, et a d’ailleurs connu en 2022, avec la disparition de CAMAIEU, la liquidation la plus importante recensée depuis le début de l’épidémie de Covid-19. « Tous secteurs confondus, les procédures ont porté sur 14 enseignes en 2022. Leur nombre s’élève à 57 depuis le déclenchement de la crise sanitaire, dont 40 % dans le secteur de l’habillement » précise Antoine Salmon. Jusqu’à présent, les défaillances ont été relativement limitées. Pour autant, certaines des enseignes ayant fait l’objet d’une reprise restent fragiles. En outre, la liste des procédures pourrait encore s’allonger en 2023 en raison d’un contexte économique moins favorable, du remboursement des échéances des prêts garantis par l’Etat et de l’alourdissement des charges, qu’il s’agisse des coûts d’approvisionnement, des frais de personnel ou des prix de l’énergie, dont la hausse est particulièrement contraignante pour des secteurs très consommateurs comme la restauration. Les coûts immobiliers seront aussi un sujet important de 2023, la hausse de l’indice des loyers commerciaux (ILC), qui s’est établie à + 5,37 % sur un an à la fin du 3e trimestre 2022, constituant un motif croissant de tensions entre enseignes et bailleurs.
« En 2023, l’impact sur le marché des commerces des diverses charges pesant sur les enseignes sera important. Celles-ci fragiliseront certains acteurs et pousseront les enseignes, dont une très large majorité ne bénéficient pas du plafonnement de l’ILC, à renégocier davantage leurs coûts immobiliers. Plus généralement, les prochains mois verront une accélération des opérations de rationalisation, ce qui se traduira sans doute par un accroissement du nombre de fermetures liées à la volonté des enseignes de réduire la voilure en se délestant des magasins les moins performants » prévoit Antoine Salmon. L’accélération des stratégies de rationalisation a également pour effet d’accélérer la concentration du marché français des commerces, les rachats d’enseignes permettant d’offrir des économies d’échelles en mutualisant les coûts, immobiliers notamment.
Le magasin conserve un rôle central
La rationalisation ne se limite pas aux enseignes en difficulté. La réduction des réseaux de distribution concerne aussi des géants internationaux aux résultats solides, à l’exemple du groupe INDITEX dont le parc de boutiques s’est réduit de 12 % dans le monde depuis 2020. Pour autant, ceci ne remet pas en question l’importance du commerce physique, d’autant que les pure-players sont également chahutés à l’exemple de la disparition du Britannique MADE.COM ou du récent placement en redressement judiciaire de OOGARDEN. L’année 2022 a également été difficile pour certaines DNVB, fragilisées par la baisse des levées de fonds et la hausse des coûts d’acquisition digitaux.
« Le magasin conserve une place centrale dans les stratégies de distribution. Toutefois, face à l’alourdissement des charges et à la hausse de la part des ventes en ligne, la tendance au « moins mais mieux » gagne en importance, incitant certaines enseignes à concentrer leurs investissements sur un nombre plus réduit de magasins, plus adaptés aux nouvelles attentes des consommateurs et à la phygitalisation du commerce » explique Antoine Salmon. Dans ce contexte, le rôle des flagships reste déterminant. Dans un environnement de marché de plus en plus globalisé et concurrentiel, le magasin est en effet un levier essentiel de fidélisation, de connaissance client et de différenciation, qui permet en outre de proposer une offre allant bien au-delà de la seule vente de produits. La tendance est particulièrement marquée dans les secteurs de la mode, du sportswear ou du luxe, qui utilisent le flagship pour sublimer l’expérience d’achat. « Les nouveaux flagships sont devenus des destinations à part entière, où le client vient se restaurer, rencontrer les ambassadeurs de la marque, profiter de collections exclusives issues de collaborations, admirer des oeuvres d’art ou encore partager les meilleurs moments de sa visite sur les réseaux sociaux. Ces magasins permettent ainsi de promouvoir l’histoire et les valeurs de la marque et, de plus en plus, les mesures adoptées pour limiter son impact environnemental » analyse Antoine Salmon.
Grandes manoeuvres dans le centre de Paris
A Paris, ces nouveaux flagships sont d’autant plus pertinents que la fréquentation internationale continue de se redresser. Ainsi, les visiteurs étrangers, américains notamment, ont été bien plus nombreux en 2022. Si le nombre de touristes chinois ne devrait pas retrouver son niveau d’avant crise avant 2024 ou 2025, les perspectives sont néanmoins positives, pour les groupes de luxe en particulier. « En 2022, 38 ouvertures de boutiques de luxe ont été recensées dans la capitale, soit cinq de plus qu’en 2021 et neuf de plus qu’en 2020. Des projets emblématiques ont notamment été inaugurés à l’exemple de celui de Cartier au 13 rue de la Paix, de Dior au 30-32 avenue Montaigne ou encore de Chanel au 21 rue du Faubourg Saint-Honoré. Cette tendance se prolongera en 2023 et 2024, à l’exemple des ouvertures attendues de SAINT LAURENT avenue des Champs-Elysées et avenue Montaigne, ou de GUCCI et ALEXANDER MCQUEEN rue Saint-Honoré » explique Antoine Salmon. L’une des caractéristiques de plusieurs projets récents et à venir est leur dimension patrimoniale et l’intégration d’une offre de restauration, à l’exemple du flagship rouvert par Dior au 30-32 avenue Montaigne ou des projets de LOUIS VUITTON près du pont Neuf (espace d’exposition « LV Dream », pâtisserie), emblématiques de la diversification des géants du luxe.
La hausse du nombre d’arrivées de nouvelles enseignes étrangères témoigne également de l’attractivité du marché parisien. Sur les 44 recensées en France en 2022, 30 se sont implantées dans la capitale contre 26 l’année précédente, dans des secteurs variés comme les nouvelles mobilités, la décoration, la beauté, la restauration et surtout l’habillement (BROWNIE, ARKET, STUSSY, MACKAGE, GANNI, etc.). Elles ont majoritairement ouvert dans le Marais et dans le secteur de la rue Saint-Honoré. Dans d’autres quartiers, plusieurs ouvertures et projets confirment par ailleurs la poursuite de l’expansion d’enseignes traditionnellement présentes en périphérie et cherchant des relais de croissance en milieu urbain, telles ALDI, KIABI, ANIMALIS, FABRIQUE DE STYLES ou GRAND FRAIS.
« La solidité du marché parisien est également illustrée par l’évolution de la vacance commerciale. Entre la fin de 2021 et la fin de 2022, le taux de vacance moyen des 12 grands axes analysés par Knight Frank a perdu près de deux points, les baisses les plus significatives concernant la rue du Faubourg Saint-Honoré et la rue Saint-Honoré, la rue des Francs Bourgeois, le boulevard Saint-Michel et la rue de Rivoli » indique Antoine Salmon. Ce constat positif peut néanmoins être nuancé : lors des six derniers mois, la vacance commerciale s’est en effet stabilisée (- 0,5 point) et reste parfois élevée, comme sur l’avenue de l’Opéra ou le boulevard Saint-Michel. « Difficile de savoir si la vacance commerciale a atteint son niveau plancher ou si elle retrouvera en 2023 sa tendance baissière. En tout état de cause, l’écoulement de l’offre dépendra du dynamisme de la consommation et des arrivées de touristes étrangers, des mesures d’accompagnement consenties par les bailleurs ainsi que de la poursuite des plans d’expansion des enseignes » indique Antoine Salmon. L’évolution de la vacance dépendra également du devenir des quelques grands projets de restructuration, récemment ou bientôt achevés sur de grands axes parisiens comme les Champs-Elysées ou le boulevard Haussmann. A l’instar de l’ex-C&A au 126 rue de Rivoli, d’autres opérations importantes sont en train d’être lancées, illustrant la poursuite de la transformation de l’hypercentre de Paris dont témoignent aussi de nouveaux projets culturels (future Fondation Cartier, attendue en 2025 face au Louvre) ou hôteliers (futur hôtel Louis Vuitton face à la Samaritaine).
Ensembles commerciaux : la fin confirmée des grands projets
En 2022, Paris a également vu l’inauguration de l’un des projets commerciaux les plus importants de l’Hexagone : l’opération d’extension-redéveloppement des « Ateliers Gaité » près de la gare Montparnasse. A l’échelle de la France, les ouvertures d’ensembles commerciaux sont reparties à la baisse après le rebond observé en 2021, malgré d’autres livraisons significatives comme « Parenthèse » à Persan dans le Val d’Oise ou « Rocadest » à Carcassonne. « Tous formats confondus, un peu moins de 350 000 m² de nouveaux ensembles commerciaux ont été livrés en 2022 en France, soit une baisse de 37 % sur un an et de 42 % par rapport à la moyenne des cinq années précédant la crise sanitaire. Constitué de 60 % de créations ex nihilo, le volume des nouveaux m² ouverts en 2022 est même inférieur de 14 % au point bas de 2020, qui avait vu le report de plusieurs projets en raison du déclenchement de l’épidémie de Covid-19 » annonce Antoine Salmon.
Si les ouvertures de centres commerciaux ont légèrement progressé sur un an, les volumes de nouveaux retail parks ont quant à eux reculé de 41 % par rapport à 2021. « Avec 187 000 m² inaugurés en France l’an passé, les ouvertures de retail parks ont même atteint leur niveau le plus bas depuis l’émergence de ce format commercial au début des années 2000. Si quelques ensembles importants sont encore attendus, comme celui de Neyrpic près de Grenoble, le temps de l’expansion à tous crins semble terminé, sur fond d’arrivée à maturité du parc français et de contraintes administratives croissantes limitant l’artificialisation des sols ». Parallèlement à cela, la refonte de sites existants est de plus en plus à l’ordre du jour, à l’exemple des initiatives menées par NHOOD ou FREY pour créer de nouveaux quartiers et mixer les usages. « L’année 2022 semble marquer un nouveau jalon dans l’histoire du commerce de périphérie. Comme pour d’autres d’actifs, l’urgence écologique et l’évolution des modes de vie imposent ainsi de transformer le parc immobilier, même si tous les sites ne sont pas mutables en raison de contraintes parfois importantes » conclut Antoine Salmon.