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13 sep. 23

Réglementation : qui veut la peau de l’habitat inclusif ?

Avis d’expert de Christophe CLAMAGERAN, président de Mobicap.


Selon le Haut-Commissariat au plan, le nombre de Français âgés de 75 à 84 ans va augmenter de 50 % entre 2020 et 2030, passant de 4,1 millions à 6,1 millions d’individus.
[1] Une opportunité de taille pour les professionnels du logement à destination des seniors. Voie alternative entre le maintien à domicile et le choix d’un hébergement en structure médicalisée ou spécialisée, le développement de l’habitat inclusif représente une véritable solution face à une demande avérée et grandissante. Dans un contexte de marché plutôt difficile pour l’immobilier, cette classe d’actif représente un potentiel à considérer pour les acteurs du secteur.
 
Pourtant, contre toute attente, les obstacles et les freins de tous ordres semblent se multiplier pour contrecarrer le développement de l’habitat inclusif, solution pourtant idéale pour les séniors en quête de sécurité et de confort, mais dont l’état de santé ne justifie pas d’intégrer une résidence médicalisée de type Ehpad.
 
Un frein psychologique : la faible rentabilité supposée
 
Le résidentiel traditionnel est souvent considéré, structurellement parlant, comme moins rentable que d’autres classes d’actifs immobiliers comme les bureaux, les commerces ou les entrepôts et la logistique. L’habitat inclusif étant destiné à un usage résidentiel, on lui assimile, malheureusement à tort, les inconvénients financiers correspondants comme les loyers plus contraignants (encadrement ou plafonnement).
Or les modèles de résidences adaptées proposées par Mobicap ne suivent pas ces postulats du résidentiel classique. Au contraire, elles offrent une bonne rentabilité et représentent ainsi un produit de résidentiel spécifique plus compétitif. En effet, grâce notamment aux prestations et services associés aux appartements proposés aux locataires, les loyers peuvent être réhaussés par rapport au marché locatif local. Ils restent cependant beaucoup moins élevés que les tarifs pratiqués au sein des instituts spécialisés ou médicalisés ou des RSS (Résidences Services Seniors). De plus, le développement de l’habitat inclusif est souvent plus important dans les zones « détendues », hors région parisienne et grandes métropoles régionales où le rendement reste traditionnellement un peu plus élevé.
 
Un frein réglementaire : des normes déconnectées de l’usage
 
La lecture des cahiers des charges imposés aux promoteurs peut prêter à sourire, tant ils paraissent déconnectés des réalités. Ainsi, certaines communes contraignent les constructions destinées à l’habitat inclusif à être équipées d’un local à poussettes ; équipement dont l’usage sera statistiquement nul eu égard à la clientèle visée ! Irrationnelle encore, la règlementation européenne transposée en droit interne, prévoyant, depuis le 1er janvier 2023, la construction d’un ou plusieurs locaux à vélos. Pour un immeuble d’une cinquantaine de logements, une dizaine d’emplacements sont, ainsi, obligatoires ! Que dire de l’inanité de la mesure pour des populations par définition peu mobiles et guère enclines à se déplacer en deux-roues ?
 
Dans certaines villes, les plans locaux d’urbanisme prévoient d’associer à chaque logement deux places de parking. Il est d’une évidence criante que la plupart des résidents, d’un âge supérieur à 75 ans ou à mobilité réduite, n’en auront pas l’utilité. Une contrainte qui devrait théoriquement pouvoir être renégociée en accord avec les services municipaux compétents ; il n’en est rien, malheureusement.
 
Que penser, aussi, de la nouvelle réglementation environnementale RE 2020, dont les exigences sont incompatibles avec les besoins des usagers : deux ascenseurs pour optimiser la fluidité des déplacements, des ouvrants motorisés ou encore une climatisation pour assurer une fraicheur des logements ?
 
Tout aussi inepte, cette décision du Conseil d’État en date du 20 février 2023[2], qui impose aux résidences inclusives comportant plus de six logements de répondre aux normes ERP (établissements recevant du public). Cette décision/doxa implique des évolutions de plan et d’équipements extrêmement onéreuses, en particulier pour les programmes en cours ou déjà livrés. En effet, les adaptations requises (élargissement des couloirs et des escaliers ou encore création de sas d’attente en vue de l’évacuation en cas d’incendie, par exemple) mènent, non pas à de simples modifications, mais à des démolitions et à des reconstructions, la structure du bâtiment étant impactée. D’autres exigences – la présence d’un veilleur de nuit, par exemple -, sont, elles aussi, difficilement viables sur le plan économique. Dans une réponse ministérielle du 16 mai dernier, Dominique Faure à l’époque, secrétaire d’État et désormais ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a annoncé que « ses services ont engagé, sous un format interministériel, des travaux pour faire évoluer la réglementation applicable à ce type de logement »[3]. Nous en attendons le résultat…
 
Un frein politique : des maires peu portés sur l’immobilier résidentiel.
 
Les édiles locaux ne veulent plus construire…et pas seulement parce qu’il se dit que les maires bâtisseurs ne sont pas réélus. En réalité, ils n’ont guère d’appétence pour la construction de nouveaux logements (ex nihilo ou consécutifs à la transformation de bureaux en locaux d’habitation), car non seulement cela implique souvent de remettre à plat le PLU, mais aussi parce qu’ils se privent d’une source de revenus. En effet, la taxe d’habitation a été supprimée pour les résidences principales alors que des taxes spécifiques (TSB, notamment) sont toujours perçues pour les bureaux.
 
Par ailleurs, même si l’habitat inclusif nécessite moins d’infrastructures spécifiques que le résidentiel classique (écoles, crèches, infrastructures sportives…), il peut quand même générer un besoin supplémentaire d’équipements culturels et de transports.
 
La solution, un financement de l’habitat inclusif calqué sur celui du logement social
 
Sortir des marchés conventionnels (Ile-de-France et grandes villes), c’est s’exposer à des difficultés pour le financement, la gestion et l’animation in situ des résidences. En effet, la volonté affichée des politiques de réinvestir les territoires n’est pas suivie d’effet et, malgré les discours, la politique de centralisation reste bien ancrée.
 
De par son utilité, l’habitat inclusif devrait être financé par la Caisse des dépôts ou bénéficier d’un financement similaire à celui du parc social. Si on veut développer l’habitat inclusif, la solution ne peut être que financière : le foncier disponible n’est pas extensible, pas plus d’ailleurs que les coûts de construction, les prix de vente et les loyers.
Finalement, seul un financement proche de celui du secteur social serait un accélérateur pour le développement de l’habitat inclusif, car il permettrait de séduire les investisseurs institutionnels et les pousser à s’intéresser à ce type d’actif.
 
Au moment où la profession reste en apnée, attendant que la crise du logement passe, cette typologie d’actif doit être mise en avant à la hauteur de son utilité publique et sociale et de par l’aubaine qu’elle représente pour les professionnels ou investisseurs. Le frein financier doit être levé pour permettre aux acteurs privés, comme Mobicap, de poursuivre le développement de ces résidences inclusives et intergénérationnelles à l’échelle nationale, un produit qui remplit tous les prérequis en matière d’ISR et qui constitue à bien des égards la classe d’actifs la plus attractive du marché en ce moment.