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Knight Frank dresse le bilan du marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise à la fin du 3e trimestre 2023
Dans le creux de la vague
Knight Frank dresse le bilan du marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise à la fin du 3e trimestre 2023
Chute quasi inédite
Après un 1er semestre morose, le ralentissement du marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise a atteint un nouveau palier au cours de la période estivale. « Alors que la BCE vient de porter son taux de référence à un niveau record et que l’OAT 10 ans a quant à lui atteint son plus haut depuis 2011, l’attentisme des investisseurs à l’égard de l’immobilier est plus que jamais de mise. Un peu moins d’1,8 milliard d’euros ont ainsi été investis en France au 3e trimestre 2023, volume en baisse de 43 % par rapport au trimestre précédent et quasiment divisé par cinq par rapport à la même période l’an passé ! Il faut remonter à 2009, en pleine crise financière internationale, pour retrouver un résultat trimestriel aussi faible » annonce Antoine Grignon, Directeur du département Investissement chez Knight Frank France. Les sommes engagées au 3e trimestre 2023 portent à près de 8,7 milliards d’euros l’ensemble des volumes investis en France depuis janvier, soit une chute de 58 % sur un an et de 47 % par rapport à la moyenne décennale.
Si le nombre total de signatures est fortement orienté à la baisse, le marché des grandes transactions est plus particulièrement grippé. Après les 10 recensées au 1er semestre 2023, seules trois opérations supérieures à 100 millions d’euros ont été actées au 3e trimestre 2023 : la cession à COVEA et ALLIANZ IMMOVALOR de deux immeubles de bureaux parisiens (« Vivacity » et « Life » dans les 12e et 13e arrondissements) et l’achat par P3 LOGISTIC PARKS du portefeuille logistique « Camelia ». Ceci porte à 13 le nombre de grandes transactions recensées depuis neuf mois contre plus d’une cinquantaine à la même période en 2022.
Les SCPI conservent un rôle moteur
Le rétrécissement du marché tient aussi à des profils d’acquéreurs moins variés, le renchérissement des coûts de financement écartant de facto les acteurs ayant un recours important à la dette. De façon générale, « nombre d’investisseurs mettent leur stratégie sur pause et se mettent en position d’observation, en attendant des conditions de marché plus favorables pour eux. Le retrait des étrangers est plus marqué, ceux-ci ne représentant que 25 % des sommes engagées en France depuis le début de 2023 contre 39 % en moyenne lors des dix dernières années » précise Antoine Grignon.
La part des investisseurs français augmente quant à elle mécaniquement, passant de 66 % à 75 % en un an. Cette hausse tient aussi aux acquisitions parfois significatives de SCPI, comme la cession à ALLIANZ IMMOVALOR de l’immeuble de bureaux « Life » dans le 13e arrondissement ou l’achat par ALDERAN d’un portefeuille mixte de 22 entrepôts et locaux d’activités. « Au moment où l’on s’interroge sur leur solidité, les SCPI bouclent encore quelques opérations importantes et s’affirment comme un acteur majeur de cette année 2023, leurs acquisitions totalisant près de 2,4 milliards d’euros depuis janvier dont 52 % investis sur le marché des bureaux, 22 % sur celui des commerces et 26 % sur celui de l’industriel » détaille Antoine Grignon. Si la baisse des volumes investis par les SCPI est importante (- 52 % sur un an), elle est moindre que celle du marché français dans son ensemble (- 58 %). Notons aussi la réorientation stratégique de leurs investissements. Alors que l’Ile-de-France captait plus de 80 % des volumes investis par les OPCI/SCPI en 2019 – année du pic de l’activité – elle n’en concentre plus que 41 % en 2023. L’allocation par classe d’actifs a également évolué, commerces et locaux industriels représentant 48 % des investissements de la pierre papier cette année contre 17 % en 2019.
D’autres types d’acteurs animent le marché immobilier. C’est le cas des privés, des promoteurs ou encore des acquéreurs-utilisateurs. Ces derniers sont à l’origine d’un nombre important de transactions totalisant près de 3 milliards d’euros en 2023, placés pour près de la moitié sur le marché des commerces grâce aux achats réalisés par KERING et LMVH. Une part significative l’est aussi sur le marché des bureaux, à l’exemple de la cession à GOYARD de son siège du 22 rue de la Trémoille (Paris 8e) en début d’année ou de l’achat récent par CITYA du 23 place de Catalogne (Paris 14e). Partiellement comptabilisées dans les volumes investis, ces opérations prouvent bien néanmoins l’attrait du marché immobilier parisien, qu’elles contribuent à dynamiser grâce à des injections massives de liquidités.
Bureaux : dans l’attente d’un plus grand repricing
Après un 1er semestre atone, les volumes investis sur le marché français des bureaux ont continué de diminuer au 3e trimestre 2023, totalisant 1,1 milliard d’euros sur la période contre un peu moins de deux milliards d’euros lors de chacun des deux précédents trimestres. « Le cumul des neufs premiers mois dépasse à peine 4,9 milliards d’euros, très loin des 10,5 milliards de la même époque l’an passé et des 16,5 milliards du pic de 2019 à la fin du 3e trimestre » précise Antoine Grignon. Les bureaux concentrent malgré tout la majorité des volumes investis en France depuis janvier, soit 57 % contre 25 % pour les commerces et 18 % pour l’industriel.
En région, la baisse des volumes investis en bureaux est moins forte qu’à l’échelle nationale (- 40 % sur un an contre - 53 %). Les taux de vacance y sont généralement assez faibles, et les actifs plus liquides et faciles à financer en raison de montants moins élevés. En Ile-de-France, où les sommes engagées en bureaux ont décroché de 57 % en un an, l’activité est plus que jamais concentrée sur Paris intra-muros (58 %) et le Croissant Ouest (25 %). Dans l’Ouest, les opérations significatives sont néanmoins très rares et concernent presque exclusivement les communes les plus établies des Hauts-de-Seine, comme Boulogne-Billancourt où BAUMONT REAL ESTATE a récemment fait l’acquisition du « Prime », et Levallois-Perret où le « Carnot » a été récemment cédé à NORMA CAPITAL. A Paris, le QCA s’est fait voler la vedette par d’autres quartiers, en particulier les 12e et 13e arrondissements, où « Vivacity » et « Life » ont récemment été acquis par COVEA et ALLIANZ IMMOVALOR après l’achat en début d’année d’« Apollo » par INGKA CENTRES.
« Malgré une activité locative encore assez solide, Paris n’échappe pas au ralentissement lié à la hausse des taux d’intérêt. S’ajoute à cela l’incertitude créée par l’adoption du nouveau PLU bioclimatique, qui contraint vendeurs et cédants à intégrer la perte de valeur potentielle liée au pastillage de centaines d’actifs et à l’instauration d’une servitude de mixité fonctionnelle destinée à transformer des surfaces de bureaux en logements » avance Antoine Grignon. Paris résiste toutefois mieux que les autres secteurs franciliens. Egalement frappés par le durcissement des conditions de financement, ces derniers souffrent de surcroît des résultats médiocres du marché locatif et des interrogations quasi-existentielles sur l’avenir des bureaux. « Rappelant le retail bashing des années 2010, la désaffection des investisseurs pour les bureaux, alimentée par des taux de vacance parfois historiquement élevés et la percée du télétravail, n’a jamais semblé aussi forte. Or, la mort des bureaux n’est pas plus à l’ordre du jour que celle du commerce physique, dont la crise sanitaire a bien démontré l’importance économique et sociale. Le bureau bashing est en outre est bien trop réducteur au regard de la très grande variété de situations caractérisant cette classe d’actifs » affirme Antoine Grignon. Si les difficultés de secteurs excentrés, dominés par de grands ensembles monolocataires ou souffrant d’une mauvaise image sont amenées à durer, d’autres pôles tertiaires disposent d’atouts indéniables. Ajoutons que les nouveaux développements de bureaux se réduiront drastiquement en périphérie à partir de 2025, ce qui permettra d’atténuer la pression s’exerçant sur le stock existant.
Commerces : pause temporaire, mais des fondamentaux solides
Les commerces sont quant à eux redevenus plus attractifs pour un nombre croissant d’investisseurs. Depuis la fin des confinements, leur retour au premier plan ne se dément pas, ceux-ci bénéficiant de plusieurs évolutions favorables comme le retour des touristes étrangers et la baisse de la vacance à Paris ou, en périphérie, le dynamisme de la demande des enseignes, l’assèchement des projets de développement et les perspectives de valorisation du foncier.
Ces opportunités ne se traduisent pas pour autant par un rebond des sommes engagées sur le marché des commerces, lui aussi pénalisé par la hausse des taux d’intérêt. « Après un excellent début d’année et un 2e trimestre en demi-teinte, l’activité a continué de ralentir cet été. Après 1,3 milliard au 1er trimestre 2023 puis 600 millions d’euros au 2e trimestre, seuls 260 millions ont été investis sur le marché français des commerces au 3e trimestre. Rassemblant moins d’une trentaine de signatures portant en majorité sur des actifs de périphérie, ce volume porte à 2,2 milliards d’euros l’ensemble des sommes engagées lors des neufs premiers mois de 2023 contre 4,9 milliards à la même époque l’an passé » détaille Antoine Grignon. La performance de 2022 était toutefois exceptionnelle, gonflée par la réalisation de 13 transactions supérieures à 100 millions d’euros contre cinq recensées cette année dont aucune au 3e trimestre. Par ailleurs, le résultat des neuf premiers mois de 2023 serait moins éloigné de celui de l’an passé à la même époque si l’on prenait en compte l’ensemble des acquisitions réalisées pour le compte des groupes KERING et LVMH à Paris, à l’exemple de l’achat récent par le leader mondial du luxe du 101 avenue des Champs-Élysées.
Après un 3e trimestre atone, les volumes investis en commerces pourraient rebondir assez rapidement grâce aux bons fondamentaux du marché locatif et au repricing acté depuis de longs mois sur cette typologie de biens. Les corrections de prix, alliées au potentiel de revalorisation des actifs, se sont déjà traduites par un net regain d’intérêt pour les centres commerciaux, illustré par la réalisation de plusieurs transactions de plus ou moins grande taille dont la cession récente au GROUPE STRAUSS de « Place d’Armes » à Valenciennes. D’autres opérations plus importantes devraient bientôt être bouclées, sur ce segment de marché comme sur ceux des pieds d’immeubles et de la périphérie.
Industriel : reprise en vue
Les sommes engagées sur le marché français de l’immobilier industriel sont également en net recul, s’élevant à près de 400 millions d’euros au 3e trimestre 2023 et à 1,5 milliard d’euros depuis le début de l’année (- 72 % par rapport à la même période l’an passé). « Cette classe d’actif ne représente que 17 % des montants engagés à date sur le marché français de l’immobilier d’entreprise, contre 25 % en moyenne lors des deux dernières années. Comme pour les commerces, ce recul n’est pas le signe d’une désaffection des investisseurs mais avant tout la conséquence de la remontée des taux d’intérêt, qui a réduit le nombre de grandes transactions et de cessions de portefeuilles en particulier » tempère Antoine Grignon. Ainsi, seules 18 opérations de ce type totalisant 570 millions d’euros ont été recensées en France depuis janvier, contre 41 totalisant plus de trois milliards d’euros à la même époque en 2022. La plus importante de ces 18 cessions a été actée au 3e trimestre : celle du portefeuille « Camélia », acquis par P3 LOGISTIC PARKS pour près de 150 millions d’euros et qui fait suite à la finalisation de l’achat par ALDERAN du portefeuille « Big Deal ».
D’autres ventes importantes seront prochainement actées. Les portefeuilles d’entrepôts sous exclusivité et sous promesse représentent ainsi plus d’un milliard d’euros, dont la finalisation ne permettrait certes pas de retrouver le niveau record des dernières années mais regonflerait tout de même assez nettement les volumes investis. En outre, d’autres dossiers significatifs seront bientôt mis sur le marché et susciteront certainement l’intérêt des investisseurs. Nombre d’acteurs demeurent en effet friands de logistique, à l’échelle de la France comme à l’échelle mondiale où cette classe d’actifs s’est même emparée en 2023 de la première place en matière d’investissements transfrontaliers, devant les bureaux. « L’un des principaux atouts de la logistique reste son potentiel de réversion locative. Les loyers continuent en effet de subir une pression à la hausse, alimentée par des taux de vacance relativement faibles et une demande toujours soutenue des utilisateurs. L’appétit des investisseurs pour les actifs industriels est d’ailleurs reflété par l’évolution des taux de rendement, demeurés stables au 3e trimestre 2023 alors que le repricing des bureaux et des commerces se poursuit » précise Antoine Grignon. De fait, après une décompression de 125 points de base entre mi-2022 et mi-2023, les taux de rendement prime s’établissent toujours à 4,50 %.
Quelles perspectives pour les prochains mois ?
Alors que le 4e trimestre est habituellement le plus actif (38 % des volumes investis en moyenne chaque année depuis dix ans), tout indique que le coup d’arrêt estival se prolongera encore quelques mois. « S’il est particulièrement difficile de se livrer à des prévisions en raison du nombre important de dossiers régulièrement retirés du marché, les volumes d’investissement semblent pouvoir au mieux approcher 12 milliards d’euros en 2023 contre 27 milliards en moyenne depuis dix ans. Ce résultat correspondrait peu ou prou au niveau relevé au tout début des années 2010 » indique Antoine Grignon. Compte tenu de l’inertie du marché français, renforcée par la prudence des investisseurs et l’allongement des durées de négociation, les volumes resteront probablement assez bas jusqu’à la seconde moitié de 2024 voire jusqu’au début de 2025. Cette période pourrait en effet coïncider avec une normalisation de l’inflation et des politiques monétaires, redonnant aux investisseurs la visibilité nécessaire pour relancer leur stratégie et saisir les opportunités disponibles sur le marché.
« Si le marché connaît depuis quelques mois un coup d’arrêt brutal, la volonté d’investir dans l’immobilier est toujours là. Celle-ci s’est même nettement renforcée sur certains segments « de niche » comme ceux du résidentiel géré et des locaux d’enseignement qui, à contre-courant des tendances observées sur le marché des bureaux, des commerces, de l’industriel ou du résidentiel classique voient leurs volumes croître d’une année sur l’autre » observe Antoine Grignon. Ainsi, 470 millions d’euros ont pour l’instant été investis sur le marché des locaux d’enseignement en France en 2023, dépassant d’ores et déjà de 38 % le montant record de 2021.
La diversité des profils d’acquéreurs prêts à saisir les opportunités offertes par l’ajustement des valeurs est également un signe positif, révélateur de la profondeur du marché français et du maintien de son attractivité sur le long terme. La reprise sera néanmoins très graduelle selon les typologies et la qualité des actifs. Sans doute plus précoce pour l’industriel et les commerces, elle sera plus lente et plus disparate pour les bureaux. « In fine, la reprise du marché des bureaux dépendra surtout de l’acceptation par les vendeurs d’un repricing plus important, la baisse actée par les expertises de mi-année restant encore en deçà des attentes des acquéreurs potentiels » explique Antoine Grignon. Les offres portant sur certains marketings en cours révèlent ainsi des corrections de prix parfois supérieures de 30 % voire plus à ce que visent aujourd’hui les vendeurs. « La remontée des taux d’intérêt rend inéluctable la poursuite de l’ajustement des valeurs, variable selon le secteur géographique et la qualité des biens. Or, nombre d’acteurs disposent de liquidités parfois importantes et sont clairement à l’affut d’opportunités. Le marché des bureaux va donc rebondir et conservera probablement son rôle moteur, même s’il est encore difficile de savoir quand et avec quelle ampleur surviendra la reprise » conclut Antoine Grignon.