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Les marchés du logement à la recherche de repères
« Nos politiques s’ingénient à répondre à des questions que personne ne se pose et à éluder les vraies interrogations. L’inflation législative et réglementaire est déjà préjudiciable en soi. Elle l’est encore plus quand les textes sont déconnectés de la réalité. Entre les pouvoirs publics et l’immobilier, l’incompréhension persiste et le marché s’en ressent » déplore Jean-François Buet, Président de la FNAIM, à l’occasion de la publication de la note de conjoncture de la Fédération.
En cet été 2015, l’immobilier résidentiel a probablement touché le fond et pourrait reprendre vigueur, à condition que son principal moteur, le crédit à bas prix, ne lui fasse pas défaut. Or, l’évolution des taux d’intérêt, liée notamment à l’issue de la crise grecque, reste la grande inconnue.
Début de reprise des ventes, fin de l’érosion des prix… Ce constat globalement vrai cache des disparités fortes entre régions, entre villes et même souvent entre centre-ville et périphérie. Et là où l’on sent le marché prêt à repartir, la prudence reste de mise tant cette reprise est fragile. Trop fragile pour résister à un nouveau coup dur.
Une progression des ventes encore fragile
1. Les transactions dans le parc existant
L’activité semble donner, au 1er semestre 2015, des signes de redémarrage. Le nombre de transactions, relativement stable depuis trois ans autour de 700 000, augmente à 707 000 sur les 12 derniers mois. Il reste toutefois très loin de son niveau d’avant la crise de 2008 (810 000 en 2007, 821 000 en 2006) et même du rebond des années 2010-2011 (776 000 et 799 000).
Investissement locatif en panne. Cette tendance générale recouvre néanmoins des situations assez fortement contrastées. Si l’accession à la propriété se maintient, l’investissement locatif est en panne sur certains marchés :
- soit parce que l’offre y est déjà surabondante, comme dans de nombreuses villes moyennes ;
- soit en raison des incertitudes qui pèsent sur l’avenir, en particulier du fait de l’encadrement des loyers décidé par la loi ALUR. C’est le cas à Lille, par exemple, où l’on ne sait toujours pas si les loyers seront encadrés, ni quand.
Résidences secondaires en vrille. Si les biens haut de gamme semblent avoir souffert de la crise, le secteur des résidences secondaires, en revanche, a subi de plein fouet l’atonie du marché, tant de la part des acquéreurs nationaux qu’internationaux.
- Les autochtones, conjoncture économique française oblige, limitent leurs investissements à l’achat « raison », c’est-à-dire leur résidence principale, et délaissent les achats « passion ». « Il faut dire que la « surtaxe » d’habitation infligée aux résidences secondaires en zones tendues a été un mauvais coup de plus porté au secteur », souligne Jean-François Buet.
- Les étrangers, particulièrement les Anglo-Saxons, partis après la crise, pourraient revenir sur nos côtes, dans nos montagnes et nos terroirs, sous l’effet de la baisse de l’euro.
2. Les réservations dans le neuf
- En collectif (appartements et maisons de promoteurs), le nombre des réservations se redresse légèrement en 2015 (89 616 en estimation annuelle, contre 86 606 en 2014), sans vraiment décoller. Il reste inférieur de 20 à 25% à son niveau d’avant crise. Le léger rebond du 1er semestre s’expliquerait par un regain de l’investissement locatif, le dispositif « Pinel » étant plus favorable que le « Duflot ».
- En maisons individuelles pures, les contrats de construction repartent à la hausse (107 700 mises en chantier estimées en 2015), après avoir touché le fond en 2014 (moins de 100 000 ventes), sans pour autant s’approcher des chiffres des années 2009-2012 (de 130 000 à 160 000 maisons par an).
Construction en berne. Le frémissement des ventes ne se traduit pas, pour l’instant, par une reprise des mises en chantier de logements. Au contraire, la baisse amorcée en 2012 s’est poursuivie en 2014. Tout au plus peut-on noter, au cours des derniers mois, un ralentissement de celle-ci. Selon l’INSEE, il ne faut pas s’attendre à une reprise en 2015, car la demande n’est plus, comme avant la crise, soutenue par la croissance démographique de la tranche d’âge 30-59 ans.
Report sur l’existant. La faiblesse de l’offre de logements neufs a aussi eu pour effet de reporter sur l’ancien une part importante des acquisitions des primo-accédants. Traditionnellement, cette clientèle se dirige plutôt vers le neuf, pour l’achat duquel elle est aidée (prêt à taux zéro). Mais, sous l’effet de la rareté de l’offre associée à des niveaux de prix élevés, beaucoup ont préféré chercher affaire dans le parc existant. Ce qui a contribué à soutenir les prix.
Une « stabilité » purement statistique des prix
En 2015, les prix de l’ancien connaissent un léger rebond avec une augmentation de +0,4% sur la France entière entre le 1er et le 2e trimestre. Mais ils affichent toujours une baisse de -2,2% sur douze mois glissants. Ils ont retrouvé leur niveau de 2006.
- On peut donc parler de stabilisation des prix. Mais il ne s’agit là que d’une moyenne statistique résultant :
- de baisses parfois sensibles, notamment dans les zones rurales,
- et d’augmentations dans les marchés les plus tendus que sont l’agglomération parisienne, les zones touristiques et les villes en expansion démographique (Toulouse, Montpellier, Bordeaux…).
- A l’intérieur même du périmètre d’une aire urbaine, le dynamisme du marché peut être sensiblement différent entre le centre et la périphérie. « En témoigne l’évolution contrastée des prix des appartements (plus centraux) et des maisons (souvent en périphérie) : sur un an, entre juin 2014 et juin 2015, l’indice des prix FNAIM fait état d’une baisse de -1,7% pour les appartements, contre -2,5% pour les maisons », analyse Jean-François Buet.
Dans l’attente d’une correction… Il est possible que l’érosion des prix amorcée en 2013 ait suscité l’attentisme de la part d’acheteurs qui s’attendaient à une correction franche. De fait, les délais de vente restent longs et les acheteurs cherchent systématiquement à négocier. Mais les vendeurs se sont montrés réticents à réduire leurs exigences, même s’ils sont de plus en plus nombreux à comprendre que la vente passe par une baisse du prix.
…qui n’est pas venue. Finalement, la forte correction des prix, espérée ou prédite par certains, ne s’est pas (encore ?) produite en France. Notre pays fait figure d’exception par rapport à d’autres qui avaient connu une hausse semblable et où les prix ont fortement chuté après la crise de 2008. On peut voir dans cette singularité, l’effet des conditions de financement.
Après la crise, contrairement à d’autres pays, la France n’a connu ni rationnement du crédit, ni augmentation des défaillances d’emprunteurs. Si l’accession sociale est devenue plus difficile, la demande a, dans l’ensemble, plutôt bien résisté. Même le nombre de primo-accédants, s’il a diminué, ne s’est pas effondré.
Le crédit, clé de voute du marché immobilier ?
Les conditions de financement n’ont jamais été aussi attractives, avec des taux d’intérêt au plus bas : moins de 2,5% sur 20 ans ! De ce fait, le pouvoir d’achat immobilier des ménages est aujourd’hui largement supérieur à ce qu’il était il y a quatre ans. Certes, il faut s’attendre à une remontée des taux le jour où la croissance redémarrera de façon significative, et avec elle l’inflation. Mais ce n’est pas le seul facteur de risques. Deux autres se dessinent, à court ou moyen terme.
Inconnue grecque. La reprise espérée des marchés, du neuf et de l’existant, est donc conditionnée à un maintien des conditions actuelles de financement. Une remontée des taux lui serait sans doute fatale. « Dans ce contexte, on ne peut s’empêcher de redouter les effets potentiels de la crise grecque. Une sortie de la Grèce de la zone euro aurait d’inévitables effets sur notre monnaie, sur les marchés financiers et, par conséquent, sur les taux d’intérêt », déclare Philippe Taboret, Directeur général adjoint de CAFPI.
Séisme bâlois. Le danger est plus lointain mais tout aussi préoccupant. Des mesures, envisagées par le comité de Bâle et soutenues, dans une certaine mesure, par la Banque de France, seraient susceptibles de bouleverser les habitudes de la France dans le domaine du crédit :
- relever les taux pour reconstituer les marges des banques sur le crédit immobilier ;
- favoriser les prêts à taux variables afin de faire supporter les risques de taux à l’emprunteur plutôt qu’à la banque ;
- privilégier les garanties hypothécaires, au détriment de la caution, afin de pouvoir titriser les créances des banques et alléger d’autant leurs engagements.
« Le système français de financement de l’habitat a pourtant fait ses preuves : il n’a pas connu de crise des subprimes et le taux de sinistralité, l’un des plus bas d’Europe, n’a pratiquement pas augmenté malgré le ralentissement de l’économie et la dégradation du marché de l’emploi. Il serait dommage que des mesures soient prises pour éviter des dysfonctionnements que notre pays n’a pas connus », regrette Philippe Taboret.
L’investissement locatif, injustement sacrifié
L’augmentation des loyers reste très modérée, dans la continuité des années précédentes. Le rythme moyen de hausse est du même ordre que le taux d’inflation. La situation des marchés est toutefois assez contrastée en fonction de la localisation, y compris parfois au sein d’une même région.
Découragement des bailleurs. Dans plusieurs agglomérations, la vacance tend à augmenter, les relocations sont plus difficiles et les gestionnaires tentent de convaincre les propriétaires de logements anciens de revoir les loyers à la baisse. Cette situation s’observe par exemple à Lille, Mulhouse ou Perpignan.
Dans ce contexte de marchés plutôt détendus, dont il faut excepter l’agglomération parisienne et certaines grandes villes de province, la concurrence entre logements récents et existants s’avive. Les seconds se louent parfois difficilement, faute de posséder les éléments de confort et les équipements recherchés par les locataires (parking notamment).
« Face au risque de vacance, le choix pour les propriétaires est alors entre la réalisation de travaux de modernisation, sans pour autant avoir la certitude de trouver ensuite un locataire, et le désengagement, c’est-à-dire la mise en vente. Ils sont de plus en plus nombreux à envisager cette seconde solution », reconnait Jean-François Buet.
Implication sociale du parc privé. Ce désengagement des propriétaires bailleurs est constant, notamment en raison de l’érosion des rendements locatifs, de l’accroissement des obligations pesant sur les propriétaires et de la grande difficulté pour eux de retrouver la libre disposition de leur bien en cas de défaut de paiement de la part du locataire.
Pour Jean-François Buet, « on ne peut pas opposer le parc locatif privé au parc social. Le secteur privé est impliqué, lui aussi, dans le logement social en accueillant une part significative des ménages modestes, trop nombreux pour tous bénéficier d’un logement public. Décourager les propriétaires bailleurs ne fait que rendre plus difficile encore le logement de ces ménages, notamment des jeunes ».
Ce qui est vrai, en revanche, c’est que le parc locatif n’est pas suffisant. La demande, et particulièrement celle des ménages modestes, est bridée par l’évolution négative du pouvoir d’achat de 2011 à 2013, qui est loin d’avoir été compensée par la légère remontée de 2014 (+0,4%). Les difficultés de l’accès à l’emploi incitent les jeunes (et souvent les contraignent) à prolonger la cohabitation chez leurs parents.
Sauver l’investissement locatif. Le parc public ne pourra pas, à lui seul, répondre aux besoins de logements des ménages à faibles ressources, dont le nombre est en progression sensible. Pour relancer le parc privé, l’appel du pied des Pouvoirs Publics en direction des investisseurs institutionnels ne suffira pas.
« Il est urgent de relancer l’investissement locatif des particuliers. Ce serait bon pour tout le monde : pour ceux qui cherchent à se loger, bien sûr, mais aussi pour les retraités, actuels ou futurs. Car, qu’on le veuille ou non, l’investissement locatif reste le meilleur moyen de se constituer un revenu en complément de la pension de retraite », conclut Jean-François Buet.