Royaume-Uni : 1 propriété sur 6 concernée par le risque inondation, des impacts grandissants sur le marché de l’immobilier
Dans une tribune publiée le 10 juin dans Le Monde, les deux chercheurs spécialisés en finances Nicole Lux et Alexandros Skouralis alertent sur la nouvelle préoccupation numéro 1 des acquéreurs britanniques : les risques d’inondation. Un enjeu qui, dès 2050, pourrait concerner la France de manière toute aussi critique, avec un inévitable impact sur les prix.
Les deux experts soulignent l’augmentation, en fréquence comme en intensité, des phénomènes météorologiques et climatiques extrêmes (canicules, précipitations extrêmes) à l’échelle nationale et mondiale : selon l’Office météorologique britannique, depuis 1884, la température moyenne annuelle de l’air a augmenté de 13,4 % au Royaume-Uni. Une tendance qui devrait tendre à s’accélérer au cours du siècle à venir, alors que le Royaume-Uni a déjà connu au moins 3 épisodes graves d’inondations au cours de la dernière décennie (inondations hivernales de 2013-2014 et 2015-2016, ou encore inondations de 2019-2020, dans le nord de l’Angleterre, les Midlands et de part et d’autre de la frontière entre l’Angleterre et le Pays de Galles).
Des impacts à attendre sur le capital et le coût des assurances
Selon l’Agence britannique pour l’environnement, les dommages causés par ce dernier événement auraient atteint 333 millions de livres [387,5 millions d’euros environ], tandis que le coût des événements de 2015-2016 s’élevait à 1,6 milliard de livres. Des phénomènes qui évoquent forcément les épisodes de crues dans le sud et du sud-est de la France en septembre 2021 et 2022. Le binôme de chercheurs s’intéresse aux impacts de ces événements climatiques sur les prix de l’immobilier, identifiant 2 paramètres majeurs : la destruction du capital et l’augmentation des coûts d’assurance, obérant les capacités de financement des acquéreurs. Pour l’heure, les coauteurs soulignent cependant l’impossibilité d’établir une corrélation directe entre accélération des catastrophes climatiques et prix de l’immobilier, remarquant que « la plupart des acheteurs ne pensent pas aux inondations lorsqu’ils achètent un bien immobilier, et ils sous-estiment généralement les dommages qui pourraient en découler. »
Des décotes de 8,14 % à 32,2 %
Faisant depuis longtemps l’objet d’une prime à l’achat, les propriétaires restant prêts à payer davantage pour disposer d’une vue sur l’océan ou sur un cours d’eau, les propriétés exposées au risque d’inondation pourraient cependant tout prochainement perdre en attractivité. Les deux auteurs soulignent ainsi qu’immédiatement après une inondation, les acheteurs se montrent de plus en plus réticents à investir dans des propriétés exposées dans la zone concernée, tirant les prix à la baisse. L’étude « The impact of flood risk on England’s property market » de la Bayes Business School, parue en mars 2023 et codirigée par les 2 chercheurs, a ainsi proposé une approche des incidences du risque d’inondation sur les prix de l’immobilier en Angleterre, grâce aux données du site web immobilier Rightmove. Selon l’étude, les propriétés résidentielles exposées sont vendues en moyenne 8,14 % moins cher que les propriétés non touchées, une décote qui atteint 32,2 % pour les biens les plus à risque.
De plus, selon les 2 chercheurs, une propriété à faible risque (pour laquelle la probabilité d’inondation est inférieure à 20 %) pourrait être vendue de 9,6 % à 13,6 % moins cher si elle était un jour touchée par une inondation. L’étude appuie ses conclusions sur des données issues de 4,8 millions d’annonces immobilières et 3,2 millions de transactions réalisées sur Rightmove de 2006 à 2022, faisant appel aux scores d’inondation Twinn (indice mise en place par de la société Royal HaskoningDHV) qui permettent d’attribuer à chaque propriété un score individuel de risque d’inondation tenant compte à la fois de sa distance par rapport à un plan d’eau, de sa localisation en zone inondable, et des différents niveaux d’élévation.
Un impact encore localisé sur un nombre restreint de secteurs
Basée sur des technologies avancées de modélisation des inondations, la mesure Twinn propose une quantification précise du risque de voir une propriété individuelle inondée à cause de précipitations, de crues de rivières et de raz-de-marée. A l’appui de cet indicateur, les 2 chercheurs soulignent que l’impact des inondations est très localisé, et extrêmement variable selon les régions. Ainsi, les régions les plus explosées sont l’East Anglia, le Nord-Ouest et le Yorkshire, avec environ 13 % à 18 % de propriétés touchées.
Les données tiennent aussi compte des spécificités des biens : les propriétés jumelées et mitoyennes (avec un risque d’inondation de 9 %) sont ainsi les plus vulnérables car les mesures de prévention (remplacement des fenêtres, des portes, des bouches d’aération et des canalisations) ne sont efficaces que si elles sont appliquées conjointement, contrairement aux maisons individuelles pour lesquelles le risque d’inondation tombe à 7 %.
Un ensemble de constats qui mène Nicole Lux et Alexandros Skouralis à souligner que, « bien que le risque d’inondation soit déjà pris en compte dans l’évaluation d’un bien avant sa mise sur le marché, […] ce risque jouera un rôle significatif dans l’évaluation des biens immobiliers d’ici à 2050, et […] est susceptible de figurer en tête de liste des préoccupations des futurs acquéreurs. »
Source : Le Monde/reproduction interdite