Taux de rotation en chute dans le logement social, déficit de constructions tant dans le parc social que dans le parc privé… Selon les chiffres récents de l’Union Sociale de l’Habitat (USH), le parcours résidentiel des Français a pâti de cette année 2020, avec une situation encore plus inquiétante en Ile-de-France.
Selon l’organisme, le parc social est bloqué, car le nombre de départs des locataires – ce que l’on appelle le « taux de rotation » – n’a jamais été aussi faible : il est passé de 10,3 % en 2011, puis 8,8 % en 2019, à probablement moins de 8 % en 2020. Pire, cet engorgement prive près de 300 000 personnes sans domicile, dont les deux tiers en hôtels ou foyers éternellement saturés, d’un logement durable.
Situation préoccupante en Île-de-France
La situation francilienne est plus critique encore. Le taux de rotation, de 7 % en 2011 y est descendu à 6 % en 2019 et devrait tomber à 5 % en 2020, selon l’Association des organismes HLM de la région (Aorif). « Nous n’avons, en Ile-de-France, jamais attribué aussi peu de logements sociaux : 55 000 cette année contre 74 300 en 2019, soit une chute de 25 %, déplore Jean-Luc Vidon, président de l’Aorif. Or, le nombre de demandeurs, lui, ne cesse de croître : ils étaient 374 000 en 2006 et sont le double aujourd’hui. Notre production de logements sociaux s’effondre, avec à peine 21 000 agréments financiers délivrés en 2020, contre 28 600 en 2019 et 36 000 en 2016, année record. »
Au plan national, la liste des personnes en attente d’un logement social s’allonge en conséquence, avec désormais plus de 2 millions d’inscrits… Le rôle central du parc HLM de, notamment, loger les « travailleurs-clés » essentiels au fonctionnement de la ville n’est plus assuré. Rien d’étonnant, par exemple, à ce que l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) cherche, en vain, 400 infirmiers et infirmières : ils ne trouvent à se loger à prix raisonnable, compte tenu de leur salaire, qu’à plusieurs heures de transport de leur lieu de travail. Même difficulté pour les secteurs de l’enseignement, du bâtiment, du commerce, de l’hôtellerie et de la restauration, du nettoyage, des transports…
Elus et populations réticentes à la construction
Le logement dit intermédiaire, c’est-à-dire locatif social à des loyers maîtrisés entre 10 % et 15 % moins élevés que dans le privé, est, lui aussi, en difficulté : « Si nous parvenons à produire, en Ile-de-France, en 2020, 5 000 logements, alors que nous en prévoyions plutôt 8 000, ce sera déjà bien, explique Benoist Apparu, président du directoire d’In’li, filiale spécialisée d’Action Logement. Nous voyons de plus en plus de maires franciliens, toutes étiquettes politiques confondues, nous dire qu’il faut qu’ils consultent leur population, soit le meilleur argument pour ne rien faire. »
La promotion privée est, elle aussi, en panne. Selon le bureau d’études Adéquation, le nombre de ventes de logements neufs, en France métropolitaine, a, sur les onze premiers mois de 2020, comparé à la même période en 2019, reculé de 33 % à 45 % en Ile-de-France.
« Le logement neuf est en danger, alertait Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, le 15 décembre, et la hausse attendue des coûts de construction liée à la mise en œuvre de la nouvelle réglementation environnementale, à partir du 1er juillet 2021, avec l’exigence de recharges électriques dans les parkings, d’espaces pour les vélos, de douches sans ressaut, d’isolation renforcée, risque de freiner plus encore la construction. » Construction privée et construction sociale sont de plus en plus solidaires, tout programme neuf comprenant désormais, au nom de la mixité sociale, sa fraction de logements HLM.
Des raisons conjoncturelles expliquent, en partie, la panne de la construction, avec des confinements qui ralentissent les chantiers et de longues élections municipales qui ont reporté des prises de décisions. Mais, sur le fond, les habitants des métropoles et leurs élus ne veulent plus construire pour densifier leurs villes. Une tendance se dessine avec des habitants plutôt réfractaires à la modification de leur paysage urbain, qui élisent des « écologistes des villes » défendant, par exemple, des principes de préservation des espaces naturels, de « zéro artificialisation des sols » et de faible hauteur des bâtiments. « Lorsque l’on demande aux Français ce qu’ils souhaitent, ils sont 52 % à répondre vouloir habiter dans un village ou une petite ville de moins de 20 000 habitants », explique Yannick Borde, président de Procivis, coopérative HLM très active dans l’accession à la propriété, qui a confié à Harris Interactive cette enquête, réalisée en ligne entre le 15 et le 22 octobre, auprès de 7 000 personnes représentatives.
Source : Le Monde / Reproduction interdite
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