Comprendre l'immobilier
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18 sep. 2023
Le logement social, l’ « autre » crise immobilière ?
L’actuelle crise de l’immobilier ne se résume pas aux remontées des taux d’intérêt. En effet, le désengagement de l’État du secteur du logement social met en péril les ressources des bailleurs sociaux.
« Au bout d'un moment, j'en ai marre. » Isabelle Gautier, auxiliaire de puériculture, cherche à obtenir un logement social depuis dix ans, mais n’a reçu qu’une proposition, il y a environ cinq ans – « Un appartement très mal agencé, avec des placards cassés… » qu’elle a refusé. Un cas loin d’être isolé : fin 2022, 2,42 millions de ménages en attente d'un logement HLM, selon les données de l'Union sociale pour l'habitat (USH) soit 162 000 de plus qu'en 2021 : un record historique.
Une crise du secteur HLM en forme de miroir à la crise du logement, causée par la hausse des taux d'intérêt qui a réduit la capacité des ménages à se financer et donne lieu à un effondrement de la production de crédits : Selon les chiffres publiés le 4 septembre par la Banque de France, le montant total des crédits immobiliers aux particuliers a baissé de 45 % sur un an, un niveau au plus bas depuis 2014.
Les permis de construire en baisse de 14,3 %
En face, les promoteurs immobiliers subissent des coûts de production qui explosent, entre l'inflation des prix des matériaux et hausse des prix du foncier. « Entre 2000 et 2018, les prix de l'immobilier ont augmenté de 115 % quand les prix du foncier ont triplé », note Marianne Louis, directrice générale de l'USH. Une conséquence, notamment, de la loi zéro artificialisation nette . Publiés il y a quelques jours, les chiffres du ministère de la Transition écologique montrent que 431 800 logements ont été autorisés à la construction entre mai 2022 et avril 2023, en baisse de 14,3 % par rapport aux 12 mois précédents, due notamment à la baisse du nombre de demandes de permis de construire déposées par les promoteurs. Si la remontée des taux a été le détonateur de la crise actuelle de l'immobilier, tout était prêt pour que le marché soit durement secoué. « Des taux d'intérêt immobiliers à 4 %, il y en avait déjà eu par le passé sans que le marché ne connaisse une telle crise », note Marianne Louis. Les primo-accédants se faisaient plus rares, mais la construction, elle, ne connaissait pas un tel recul.
Dans de telles situations, le marché immobilier pouvait en effet compter sur les bailleurs sociaux pour jouer un rôle contracyclique, réservant des logements aux promoteurs immobiliers et stimulant ainsi l'appareil productif. La donne est aujourd’hui différente : les ressources des bailleurs s'étant considérablement réduites, rares sont ceux qui restent en mesure d’assumer ce rôle.
« Le coupable, c'est l'État qui a mis en place des prélèvements sur les bailleurs sociaux très importants dans une période de petite baisse des taux », estime la directrice générale de l'USH. La mise en place de la réduction du loyer de solidarité (RLS) en 2018, a notamment « obligé » les bailleurs sociaux à baisser les loyers des locataires afin de compenser la baisse de 5 euros par mois des APL. Résultat : l'État a fait une économie de 1,3 milliard d'euros, directement amputé des recettes des bailleurs.
Lorsque la RLS est entrée en vigueur, le livret A était à 0,75 %. Or, les bailleurs sociaux empruntent au taux du livret A. Chaque fois que celui-ci augmente, la charge de leur dette s'alourdit. En un an et demi, elle a augmenté de 3,8 milliards d'euros, selon l'USH. « L'État a profité de ce que le taux était exceptionnellement bas pour faire d'énormes prélèvements. Le système a été essoré et, maintenant que le livret A est à un taux de 3 %, il est à sec », poursuit Marianne Louis. Deuxième mesure pointée du doigt : la hausse de la TVA sur le logement social, passée de 5,5 à 10 % en 2018 pour les constructions neuves achevées et pour la plupart des travaux réalisés dans les logements existants. Quant aux ressources financières restantes, une partie devra être investie dans les années à venir pour verdir le parc de logements anciens, par des travaux de rénovation thermique ou par le changement des systèmes de chauffage. « 60 % des logements sociaux sont chauffés au gaz », explique Anne-Sophie Graves, présidente du directoire de CDC Habitat. Or, la stratégie nationale bas carbone prévoit d'atteindre la neutralité en 2050. Une échéance qui approche à grands pas.
Réguler les prix du foncier
« La priorité absolue pour tous est la neutralité carbone : on ne va pas revenir sur les normes environnementales. On ne peut pas non plus espérer une baisse du livret A dans le contexte économique actuel », confie Marianne Louis. Dans ce contexte contraint, l'USH plaide pour un retour à la TVA à 5,5 % et pour la suppression de la RLS. Elle appelle aussi à une régulation des prix du foncier. « On pourrait très bien réfléchir à bloquer les prix au montant auquel s'est effectuée la dernière vente du terrain en question », explique la directrice générale.