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22 sep. 2023
Pour les propriétaires de maisons individuelles, l’alternative du « Bimby »
Familier des sociologues, cet acronyme désigne la possibilité de découper et de vendre une partie de sa parcelle pour y faire construire une maison. Face aux nouveaux impératifs de lutte contre l’artificialisation des sols, la pratique séduit de plus en plus de propriétaires, d’acquéreurs et d’élus locaux.
Parmi les pistes pour lutter contre l’étalement urbain, celle de découper une parcelle en deux, voire plus, pour y accueillir la construction d’un ou de plusieurs nouveaux logements, est de plus en plus largement étudiée et pratiquée. Cette création de terrain par division d’une surface existante, désignée depuis une quinzaine d’années Bimby, pour « build in my back yard » (« construire dans mon arrière-cour »), apparaît plus que jamais pertinente à l’heure du Zéro Artificialisation Nette (ZAN).
Plusieurs régions accompagnent désormais les propriétaires de maisons individuelles dans cette démarche, en faisant appel à des entreprises expertes comme Villes vivantes. « Les communes et les intercommunalités font appel à nous pour qu’on puisse aider pas à pas les particuliers qui veulent vendre ou acheter une parcelle afin d’y construire une maison individuelle », résume Denis Caraire, cofondateur. La société accompagne 2 432 projets (dont 1 103 aboutis) dans une dizaine de collectivités. « La ville de Périgueux est l’une des pionnières en France. En l’absence de surface constructible, son ancien maire l’a proposé [le recours au Bimby] à ses habitants pour en faire venir des nouveaux, et ça a marché : 250 logements ont été créés », souligne-t-il.
Des propriétaires pionniers satisfaits
Spécificité de ce type d’opération, elle repose exclusivement sur l’initiative de l’habitant souhaitant réduire la surface de son terrain. Propriétaire d’un jardin de 900 m2 à Val-d’Izé (Ille-et-Vilaine), Joseph Crosnier a débuté son projet 2021. « À 74 ans, je ne pouvais plus m’occuper de l’entretien. Vendre la moitié nous a permis d’obtenir environ 36 000 euros, qui me permettent de m’occuper de ma femme, très malade, sans m’inquiéter de l’argent, et de rester à la maison, raconte-t-il. Par contre, il est très important de bien s’entendre avec ses nouveaux voisins, et c’est notre cas, ils sont devenus des amis ! »
Le couple, qui a emménagé en mars, ne regrette pas non plus son choix. « Cela a pris plus de temps que prévu, plus de deux ans entre l’achat de la parcelle, son bornage, la demande d’aménagement pour la rendre constructible, l’obtention du permis de construire, l’enquête de voisinage, les délais de recours à purger, la viabilisation du terrain et son raccordement à l’eau, l’électricité et au téléphone… On était accompagnés par un maître d’œuvre, mais on ne savait pas qu’il fallait faire autant de démarches et que ça serait si long », explique la nouvelle voisine, Valérie. Pendant 18 mois, entre la vente de son ancienne maison et la construction de la nouvelle, le couple a dû passer par une location dans les environs, et a fait construire une maison de 110 m2, au prix moyen de construction constaté en France (environ 250 000 €). « Ce n’est ni moins cher ni plus cher que de faire construire en lotissement », compare-t-elle.
Malgré des délais qui peuvent atteindre 3 ou 4 ans, la pratique a de l’avenir, selon Me Alexandre Leroux, notaire au Mans (Sarthe). « On estime en France à 20 millions le nombre de terrains construits avec une maison individuelle. Si on prenait ne serait-ce que 1 % par an de ces terrains, ça permettrait de réaliser 200 000 nouvelles constructions sans faire du collectif », calcule-t-il. Dans son étude, les dossiers se multiplient. « Trouver du foncier disponible est devenu compliqué, alors il faut chercher la ressource là où elle est et, pour les propriétaires, c’est souvent un bon moyen de financer les travaux de rénovation de leur maison », remarque-t-il. « D’autres, au contraire, scindent leur terrain en deux, vendent leur maison et se font construire sur la parcelle vierge une maison de plain-pied pour leurs vieux jours, comme ça, ils restent là où ils ont vécu mais dans un logement plus adapté », remarque Denis Caraire.
Intérêt écologique et économique
Pouvoir réaliser ces opérations implique toutefois de détenir une parcelle suffisamment grande : les lotissements de pavillons des années 1970, où les jardins étaient bien plus grands qu’aujourd’hui, sont ainsi particulièrement adaptés. La démarche conserve cependant des détracteurs, qui dénoncent une surdensification foncière qui détruit les îlots de fraîcheur. « Ce n’est pas parce qu’on autorise la création d’une maison qu’on délaisse nos parcs et jardins publics, souligne Isabelle Le Callennec, maire de Vitré et présidente de l’agglomération. Le Bimby permet au contraire une densification douce, qui nécessite de trouver le juste équilibre entre la maîtrise du foncier, l’accès à la propriété et le maintien d’un bon cadre de vie pour le vendeur et le voisinage. »
L’ancien maire d’Épinal et actuel président de l’agglomération, Michel Heinrich, y voit un intérêt aussi écologique qu’économique. « L’effet de levier est assez fort puisque la collectivité finance à hauteur de 6 000 € une entreprise comme Villes vivantes pour accompagner les habitants, et cela génère en moyenne 150 000 € de travaux de construction, donc de l’activité et de l’emploi local », assure l’élu, appelant le gouvernement à « se saisir du sujet pour en simplifier l’accès ». Le congrès des Notaires de France, prévu fin septembre, devrait ainsi proposer un assouplissement législatif des règles de parcellisation dans les lotissements et un accompagnement fiscal.