Plébiscités par les épargnants en 2019, les fonds immobiliers voient leur attractivité baisser cette année. Dans la conjoncture actuelle, les SCPI affichent cependant des atouts de taille : leur diversification et la mutualisation des risques, même si la transparence de certains gestionnaires reste perfectible.
« Pour la première fois depuis 9 ans, nous aurons des difficultés cette année à tenir tous nos objectifs ; nous faisons face à une situation exceptionnelle et vivons une crise majeure. » souligne Frédéric Puzin, président de Corum AM. L'an dernier, le placement vedette a pourtant été la « pierre papier » - l'investissement locatif sous forme de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI).
Mais avec la crise économique annoncée, il est évident que les locations de bureaux, de boutiques, d'entrepôts et de murs d'hôtels subiront les difficultés des entreprises à régler leurs échéances. « Quand on a une mauvaise nouvelle à annoncer à ses clients, il y a deux façons de faire : la plus répandue, l'attitude séculaire du monde de la finance, c'est le mensonge par omission, et la plus courageuse, c'est la transparence, quitte à être un peu catastrophiste », précise Frédéric Puzin.
Des sociétés de gestion peu disertes sur l’impact de la crise sur leurs produits
De fait, Corum AM reste le seul gestionnaire à avoir, dès le 18 mars, puis régulièrement depuis, communiqué sur l'impact de la crise pour ses épargnants sur le niveau d'impayés. Il est aussi le seul à donner des chiffres précis : après 2 mois de confinement, sur 2 de ses SCPI, « l'ensemble des demandes de suspension de loyers porte aujourd'hui sur 6,4% du loyer annuel de Corum Origin et 3,1% du loyer annuel de Corum XL » et « nous avons accepté 18% des demandes formulées sous la forme d'échéanciers de paiement, sans impact sur la performance annuelle de votre épargne ». L'objectif de rendement locatif serait ainsi réduit de 6 à 5,72% pour Corum Origin (qui détient des actifs dans la plupart des pays de la zone euro) et de 5 à 4,89% sur Corum XL (investie plus largement sur l'Europe).
Si l’impact de la crise sur ces produits reste modéré, peu de sociétés de gestion apparaissent en mesure d'informer clairement leurs épargnants sur le sujet. Dans leur majorité, les gérants font le choix de rester évasifs. « Le problème, c'est qu'après avoir fait des promesses et répété que l'immobilier est une valeur refuge, la plupart des sociétés de gestion n'osent pas avouer aujourd'hui que le dividende va baisser et que la valeur des parts aussi. Elles préfèrent se faire oublier », affirme Frédéric Puzin.
Les gérants de SCPI continuent de réaliser des collectes massives, notamment via l'assurance-vie, en jouant sur les performances de 2019, environ 6 fois supérieures aux rendements des livrets d'épargne (en tenant compte de la valorisation des parts, les taux de rentabilité sont de l'ordre de 5% annuels nets de frais, avant impôt). L’impact de la crise s’annonce cependant très variable selon les fonds immobiliers, en fonction de la qualité des actifs et du type de locataires. Les SCPI positionnées, par exemple, sur les petits commerces et les PME en France devraient logiquement être les plus impactées.
Offre pléthorique et demande en contraction
Amundi (Crédit Agricole), leader français des sociétés de gestion, informait récemment ses épargnants que « dans ce contexte, nous devons anticiper une diminution des encaissements des loyers et charges pour le deuxième trimestre et probablement pour le début du second semestre ». « À la mesure de nos connaissances actuelles, nous prévoyons de pouvoir distribuer 70% des acomptes annoncés pour les SCPI immobilier d'entreprise. […] Dans l'hypothèse la plus extrême, on pourrait avoir une chute du résultat par part d'environ 20% en 2020 et de l'ordre de 10% sur les résultats 2021 », anticipe Jean-Marc Peter, directeur général de Sofidy (SCPI Immorente et Efimmo 1). Mais, selon lui, les revenus mis en réserve les années passées permettraient d'amortir ce choc cette année à - 10%.
Quant à l'évolution de la valeur des parts, correspondant à celle des actifs immobiliers, « les vendeurs sont devenus plus nombreux que les acheteurs, donc les négociations actuelles se font avec des ristournes d'environ 10% », indique le président de Corum AM. Les évaluateurs des actifs des SCPI devraient donc immanquablement ajuster le prix des parts. Les fonds immobiliers cotés n'ont pas mieux résisté à la panique boursière, perdant plus de 20% depuis le 1er janvier. Ce qui a aussi pour conséquence de plomber les OPCI (organismes de placement collectif en immobilier), puisque ces fonds essentiellement proposés dans les assurances-vie comportent de l'immobilier physique (comme les SCPI) avec une dose de parts dans des foncières cotées. Les grands OPCI (Opcimmo du Crédit Agricole, Diversipierre de BNP Paribas, Selectiv'Immo d'Axa...) affichent de -1 à -4%, Dynapierre de SwissLife, et Groupama Gan Pierre restant tout juste dans le vert.
Des actifs à la capacité de résistance reconnue
Faut-il pour autant, dans un contexte de récession massive (la Commission européenne prévoit un recul de 8,2% du PIB en France), se méfier des SCPI ? « Les grandes forces de ces fonds sont la diversification et la mutualisation des risques. Le nombre de locataires, la grande diversité des actifs et des secteurs d'activité assurent une stabilité et une régularité des résultats », souligne Thierry Gaiffe, directeur général de Fiducial Gestion. Autre élément de réponse, l'investissement en parts de SCPI, comme d'OPCI, n’a pas vocation à concurrencer les livrets d'épargne. « Les fonds que nous gérons sont, par nature, des investissements défensifs, résilients et de long terme », insiste à juste titre Yann Videcoq, Directeur du Fund Management, chez Perial AM.
Cependant, comme l'observe Jean-Christophe Antoine, président de la société de gestion Atland Voisin dont les SCPI occupent depuis des années la tête des palmarès, « cette situation économique mettra à l'épreuve la capacité de résistance des acteurs du secteur et notamment ceux qui n'auront pas respecté des règles prudentielles ». En clair, il pourrait y avoir certains dérapages. « Après des mois de très forte collecte d'épargne alors que le marché immobilier est au plus haut, le risque potentiel est évident ! » pointe le président de Corum AM qui, lui, a freiné de 60% sa collecte depuis 1 an pour éviter d'investir trop cher.
Source : Les Echos
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