Les hypothèses des acteurs et observateurs du marché immobilier restent pour le moins contradictoires pour les prochains mois : certains prédisent une baisse des prix pouvant aller jusqu'à 15%, d'autres attendent une poursuite de la dynamique haussière à l’œuvre ces dernières années.
Un rebond technique provisoire attendu
Selon France Info, dès la fin de la « pause » imposée par le confinement, les transactions sont par exemple reparties à la hausse en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. « On a été littéralement débordés de coups de fil pour des visites », explique au média Bertrand Mathieu, responsable d'une agence immobilière à La Ciotat (Bouches-du-Rhône). Autre tendance observée : la fuite des centres-ville et l'engouement pour les extérieurs. Seloger annonce que les recherches concernant les maisons avec jardin dans les villes moyennes ont beaucoup augmenté durant le confinement. A Paris, où les prix battaient déjà des records avant la crise sanitaire, les appartements dotés d'un extérieur voient leur cote exploser. Selon Le Parisien, la présence d'un balcon ou d'une terrasse fait désormais grimper le prix d’un bien de près de 9% en moyenne.
Mais cette dynamique pourrait n'être que provisoire : elle pourrait résulter d’un effet de « rattrapage », porté par des ménages contraints de déménager avant la rentrée scolaire et ayant vu leur projet freiné.
Des prévisions très disparates selon les observateurs
Selon une étude de Standard and Poor's (S&P), les prix de l'immobilier devraient baisser dans toute l'Europe. En France, l'agence de notation américaine prévoit un recul de 1,4 % en moyenne en 2020. Un chiffre global qui cache de grandes disparités entre les territoires, et reste très inférieur à la progression de 4% enregistrée en 2019. Des termes de S&P, ces conclusions restent à considérer comme de simples hypothèses, tant sont nombreux les facteurs entrant en ligne de compte dans la formation des prix de l'immobilier (durée de présence du virus, éventuelle seconde vague, impacts de la crise sur le marché du travail, etc.).
Si S&P anticipe une baisse de prix, l'étude trimestrielle des notaires d'Ile-de-France évoque au contraire une hausse à moyen terme. Si les transactions ont chuté de 90% pendant le confinement, les prix ont progressé de 5%, explique Thierry Delesalle, notaire et président de la commission statistique de la chambre des notaires d'Ile-de-France. Cependant, l’étude ne se base que sur les promesses de vente signées ou négociées avant la crise sanitaire. La vraie tendance de l'évolution des prix ne devrait être connue qu’au troisième trimestre, et dépendra des conséquences économiques effectives de la pandémie : « Si vous avez deux millions de chômeurs en plus, il y aura un impact sur le marché immobilier, c'est évident », souligne Thierry Delesalle.
Du côté des agents immobiliers, la question du ralentissement du marché immobilier reste hautement sensible, beaucoup craignant de formuler une prophétie auto-réalisatrice. « Si on dit trop que les prix vont baisser, les gens vont attendre que les prix baissent pour acheter, et c'est ça qui entraînera la baisse des prix », pointe ainsi Serge T., agent immobilier dans la région de Toulouse.
Henry Buzy-Cazaux, Président de l'IMSI (Institut du Management des Services Immobiliers), conclut le même sens. Dans une tribune publiée dans Les Echos, il prie les professionnels de « dire la vérité », et juge une chute des prix « inexorable », celle-ci pouvant atteindre 5 à 15% selon la région.
Des pronostics complexes à établir
Peu d’observateurs s’affirment en mesure de prévoir avec certitude une hausse ou une baisse des prix de l'immobilier à ce stade. Pour Bertrand Mathieu, le marché de l'immobilier dépend de 4 facteurs : « l'économie, l'emploi, les taux d'intérêt et le moral. Et on se doute qu'en septembre, ça va être compliqué au moins sur trois d'entre eux : la reprise, le marché de l'emploi et la confiance ». Des fondamentaux auxquels il convient d’ajouter les anticipations des acheteurs et vendeurs : dans une conjoncture économique marquée par des bouleversements inédits, personne ne peut donc annoncer la tendance à l’œuvre d’ici 3 à 6 mois.
Force est cependant de constater que les mauvais signaux se succèdent depuis la sortie du confinement : les suppressions d'emplois annoncées chez Renault et dans l'aérien ou envisagées à la SNCF, les dépôts de bilan de Naf Naf, Camaïeu ou André, et les difficultés de nombreuses entreprises malgré les aides historiques déployées par l'État. En avril, le chômage a progressé de 22%. La France comptait 4,5 millions de demandeurs d'emploi, chiffre qui égale celui de 1996. Cette crise devrait probablement inciter une partie des Français à retarder leur projet immobilier et à épargner par crainte de l'avenir. Pendant le confinement, ceux-ci ont déjà mis de côté 55 milliards d'euros, selon une étude de l’OFCE.
Source : Ideal-investisseur