La Banque centrale européenne affirme que le télétravail et le e-commerce conjugués font chuter la demande d’immobilier commercial et que le désir des particuliers pour des surfaces plus grandes entraîne une surélévation des prix et un gonflement de l’endettement. D’après la BCE, le risque d’une bulle immobilière et de corrections des prix est bien présent dans la zone euro après la pandémie.
Dans sa dernière lettre d’information, la BCE annonce que l’immobilier commercial et l’immobilier résidentiel seront soumis à une surveillance très étroite, tout comme les banques vulnérables face à l’immobilier commercial. « L'augmentation du travail à distance et des achats en ligne pourrait entraîner des changements structurels sur le marché des bureaux et des commerces, avec des loyers qui devraient baisser à moyen terme. Cela pourrait affaiblir la situation financière des emprunteurs et entraînerait des pertes de crédit plus élevées pour les banques qui ont une forte proportion de prêts in fine, de prêts entièrement non garantis ou de prêts sans recours » avertit l’institution, qui ajoute : « Si les prix du marché baissent, la valeur des garanties des banques baissera également. Cela signifie des ratios prêt/valeur plus élevés et, par conséquent, peut obliger les banques à augmenter leurs provisions pour couvrir le risque de crédit. »
L’Allemagne, la France et l’Italie sous surveillance
La BCE estime que 8 % du total des prêts des banques supervisées et plus de 20 % du total de leurs prêts aux entreprises sont concernés. Sont particulièrement surveillées l’Allemagne, la France et l’Italie ; dans d’autres pays, Chypre, la Slovénie et l’Estonie sont aussi scrutées, l’exposition à l’immobilier commercial représentant plus de 40 % du total des prêts aux entreprises.
L’immobilier résidentiel, gonflé par le télétravail, les conditions de financement favorables, l’épargne des ménages, laisse craindre des corrections des prix. Selon les chiffres de la BCE, le total des prêts et avances aux ménages garantis par un bien résidentiel a augmenté de 3,6 % entre septembre 2020 et septembre 2021. En revanche, le total des prêts et avances aux entreprises et aux ménages n'a augmenté que de 1,7 % sur la même période.
« Vous savez qu’il y a une bulle quand elle explose »
Enfin, la BCE pointe les dysfonctionnements des chaînes d’approvisionnement causés par la pandémie, qui ont forcément entraîne une augmentation des coûts de construction et donc le risque pour les banques détenant de nombreuses propriétés en cours de construction, ainsi que le défi de la transition écologique, alors que le bâtiment représente 40 % de la consommation d’énergie et 36 % des émissions de gaz à effet de serre.
En bref, comme le prévenait le Comité européen du risque systémique (CERS), le risque de bulle immobilière est bien présent. Luis de Guindos, vice-président de la BCE, prévenait déjà en novembre 2021 : « Il n'existe pas de définition de "bulle". Vous savez qu'il y a une bulle quand elle explose. Mais notre position est claire : sur le marché immobilier résidentiel, il y a clairement des poches de surévaluation des prix qui vont au-delà des fondamentaux. Et cette tendance s'est poursuivie pendant la pandémie. Jusqu'à présent, il s'agit d'un phénomène localisé, mais il devient de plus en plus général dans la zone euro ».
Source : La Tribune / Reproduction interdite