L’une des promesses de campagne d’Emmanuel Macron serait d’étendre la garantie publique Visale à tous les locataires et de sanctionner les mauvais payeurs ; Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du Management des Services Immobiliers (IMSI), commente la proposition.
Si le bilan logement du président sortant est accablant aux yeux d’Henry Buzy-Cazaux (suppression de la taxe d’habitation, absence du choc d’offre, « rente immobilière », brouillon de la transition environnementale), ces promesses, comme porter à 700 000 le nombre de rénovations énergétiques actuelles (contre 500 000 aujourd’hui) et la production de logements sociaux à 125 000 par an (contre 85 000), se placent dans la prolongation du quinquennat.
Il demeure que pour protéger les bailleurs, le candidat Macron propose la généralisation d’une caution publique intervenant en cas d’impayé locatif (déjà en place avec Visale, réservée aux moins de 30 ans, aux travailleurs en mobilité et aux salariés plus âgés aux revenus inférieurs à 1 500 euros nets) et la création d’un fichier des incidents de paiement des loyers par les locataires. « Ces deux propositions ont une incontestable vertu : elles témoignent qu’Emmanuel Macron, fut-ce par calcul électoral, ouvre les yeux sur les 5 millions de ménages investisseurs, à qui l’on doit les quelque 7 millions de logements privés loués. Elles sont néanmoins surprenantes », commente Henry Buzy-Cazaux.
Une offre privée déjà suffisante
Tout d’abord parce que Visale étant un fonds d’Action Logement, et donc des entreprises, généraliser le dispositif ne ferait que le solliciter davantage, là où la systématisation d’un recours à une assurance privée contre les impayés et les dégradations aurait le même résultat ; là encore, Henry Buzy-Cazaux remarque l’oubli de la proposition de loi de l’ex-député Mickaël Nogal, qui conduisait les administrateurs de biens à présenter obligatoirement aux propriétaires dont ils géraient les logements une formule de mandat associant l’engagement de versement du loyer, avec pour le professionnel la possibilité de se contre-garantir auprès d’un assureur. « Augmenter le taux de pénétration de cette couverture eût permis de faire baisser le montant des primes et de mener aussi les compagnies et les courtiers à assouplir les critères d’éligibilité des locataires ; au demeurant, ils ont déjà beaucoup évolué, dans le sens d’un plus grand réalisme, acceptant par exemple les CDD ou les intérimaires », argue-t-il.
Alors que les deux derniers ministres du Logement n’ont pas favorisé la proposition de loi Nogal et que la garantie universelle des loyers, inscrite dans la loi Alur, n’a finalement jamais vu le jour en raison d’un budget excessif, ce paradoxe est encore illustré par la proposition du fichier des mauvais payeurs, réfuté par le gouvernement Edouard Philippe en raison d’une mauvaise campagne médiatique. « La Banque de France sait faire cela depuis toujours. On a pu voir combien ce fichier clivait l’univers des locataires et celui des propriétaires ou de leurs mandataires : Emmanuel Macron veut-il vraiment rouvrir la guerre de religion entre bailleurs et preneurs ? » prévient le président de l’IMSI.
Il juge les propositions du candidat Macron singulières : la garantie universelle avait été désavouée par les investisseurs en 2014 et devrait déplaire aux gestionnaires et aux assureurs, tandis que le fichier des mauvais payeurs a eu un accueil froid en 2018. Il conclut : « À moins qu’il s’agisse de marketing politique plus que de politique du logement, et qu’il faille se garder de voir dans ces mesures les éléments d’un véritable corps de doctrine et d’une pensée structurante. »
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