Plusieurs facteurs techniques et temporaires semblent expliquer l’apparente résistance des prix de l’immobilier. Mais à un horizon de quelques mois, une baisse semble inéluctable pour un nombre croissant d’experts.
Au premier trimestre, le prix des logements anciens a encore grimpé de 1,8% sur 3 mois et de 5% sur 1 an, selon l’indice Notaires-Insee : une tendance qui semble s’être maintenue les mois suivants, notamment en Île de France. Le prix des appartements anciens y a progressé de 6,8% sur 1 an, pour la période février-avril ; à Paris, la hausse atteint 7,8%. Pour les mois de juin, juillet et août, c’est une nouvelle hausse de 2,3% qui est annoncée à l’échelle régionale. Dans la capitale, les prix progresseraient encore de 2,1% pour atteindre un niveau record de 10 750 €/m2.
Dernière embellie avant une contraction du marché ?
Selon certains observateurs, le marché immobilier pourrait pourtant avoir donné son dernier coup d’accélération avant de marquer un palier, voire de marquer une baisse. En effet, les prix communiqués par les notaires sont en partie trompeurs : ceux portant sur le premier trimestre 2020 reflètent une situation antérieure à la crise économique et sanitaire (ils sont basés sur des transactions initiées entre novembre 2019 et janvier 2020). Même les estimations pour juin à août reflètent plus une analyse a posteriori qu’une projection : elles reposent, elles sur des promesses de vente signées ces dernières semaines et reflètent plus l’état du marché en avril-mai qu’en juin-juillet.
Le plus fort de la crise économique reste à venir
Or, en avril-mai, la France amorçait tout juste le déconfinement et les mesures de chômage partiel étaient encore en vigueur. Les économistes sont unanimes : l’impact de la crise sanitaire sur l’emploi et le pouvoir d’achat commence à peine à se faire sentir. Dans sa dernière étude, Euler Hermes prévoit une vague de défaillances d’entreprises à compter du quatrième trimestre 2020 ; Dans une note, Natixis estime pour sa part que le taux de chômage n’atteindra son point haut en zone euro qu'au deuxième trimestre 2021. A la même échéance, la Banque de France anticipe un pic du chômage à plus de 11,5% pour l’Hexagone, contre 7,6% au 1er trimestre 2020, pour ne pas retomber sous les 10% avant fin 2022.
Le contexte de taux bas au secours du pouvoir d’achat des ménages ?
Dans ce contexte très pénalisant pour le pouvoir d’achat des Français, il est difficile d’imaginer que les prix immobiliers continuent sur leur lancée. Leur hausse initiée en 2015 a en effet été portée par la baisse du chômage, passé, sur la période, de 10,4% à moins de 8%. Le deuxième facteur de soutien des prix ces dernières années a été l’effondrement des taux d’intérêt. Le taux moyen des crédits immobiliers s’est effondré depuis 5 ans, de plus de 3% en moyenne sur l’année 2014 pour un prêt immobilier sur 20 ans à moins de 1,2% début 2020, selon l’observatoire Crédit Logement / CSA.
Mais, s’il est probable que les taux d’intérêt demeurent à un faible niveau, de nouvelles baisses semblent difficilement concevables. Depuis début 2020, les banques ont commencé à durcir leurs conditions de prêts notamment pour les investissements locatifs ; une envolée du chômage ne les incitera probablement pas à infléchir cette politique. L'évolution du coût des assurances emprunteurs, qui pèsent désormais plus lourd dans le coût global d'un financement immobilier du fait de la baisse des taux d'intérêt, fait aussi partie des indicateurs à surveiller.
La dynamique des loyers n’a pas suivi celle des prix
L’essoufflement, voire l’inversion de ces facteurs de soutien, intervient après une très forte hausse des prix, particulièrement marquée dans les grandes villes. En 5 ans, le mètre carré s’est apprécié de 32% à Paris, 39% à Lyon, 40% à Bordeaux. Sur la même période, les loyers dans ces villes ont progressé beaucoup moins vite (moins de 6% à Paris par exemple, selon l’Observatoire des loyers).
Or, le creusement de l’écart entre coût de la location et prix de l’acquisition n’est de nature à favoriser ni l’investissement locatif , ni l’achat de leur résidence principale par les primo accédants.
Une baisse de 10% attendue par certains experts
Ce contexte général tend à tirer à la baisse les prix de l’immobilier. L’inflexion pourrait se produire cet automne, avec un point bas qui devrait coïncider avec le pic du chômage. Comme en 2008-2009 et 2011-2015, un repli de l’ordre de 10% semble envisageable, suivi d’un rebond dont les caractéristiques dépendront de la durée de la crise économique. Les zones les moins dynamiques sur le plan économique, mais aussi les grandes villes où les prix ont beaucoup monté, semblent ainsi les plus exposées : des opportunités d’investissements locatifs attractives pourraient ainsi apparaître courant 2021.
Paris : une exception à scruter de près
L’impact sur le marché parisien est plus difficile à anticiper : la capitale a certes connu une véritable envolée des prix, mais celle-ci est en partie due à son statut, unique en France et même en Europe continentale, de « ville-monde » ainsi qu’à une insuffisance structurelle de logements par rapport à la demande. Pur nombre de spécialistes, les prix à Paris continueront de grimper tant qu’ils n’auront pas rejoint ceux des autres « global cities », qui convergent autour du seuil d’environ 15 000 €/m2.
Source : Le Revenu
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