Selon les données publiées vendredi 31 juillet par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l'économie française a accusé une lourde contraction au deuxième trimestre sous l'effet du confinement. Une chute qui est toutefois moindre que les prévisions initiales.
Une chute historique
La France a enregistré un plongeon historique de 13,8% de son produit intérieur brut au deuxième trimestre à cause de l'épidémie de coronavirus, a annoncé l'Insee ce vendredi.
Depuis qu'il mesure l'activité économique française de façon trimestrielle, l’Insee n'avait enregistré pareil effondrement. Il a aussi révisé sa mesure de l'activité au premier trimestre, qui a chuté de 5,9%, au lieu de 5,3% rapporté précédemment. Pour Mathieu Plane, de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) « Il s’agit du plus fort recul enregistré depuis la seconde guerre mondiale ».
Dans le détail, la consommation des ménages, inférieure de 35 % à la normale pendant le confinement, a chuté de 11 %. Sans surprise, les Français, dont le pouvoir d’achat a commencé à reculer au premier trimestre (- 0,3 %) ont moins dépensé dans les services (- 15,3%). Leur consommation a néanmoins rebondi dès la réouverture des magasins : sur l’ensemble de mai, elle a progressé de 36,6 %, selon l’Insee, et elle est repassée au-dessus de son niveau de février en juin.
Une situation meilleure qu’attendu
La chute de l'activité au deuxième trimestre est toutefois moindre que ce qu'anticipaient la plupart des analystes et l'Insee lui-même, qui l'estimait encore à 17% au mois de juin, mais néanmoins plus forte qu’en Allemagne (- 10,1 %) ou qu’aux Etats-Unis (- 9,5 %).
« C'est un chiffre attendu, c'est un chiffre sévère, mais c'est un chiffre moins sévère que prévu», a souligné le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. « Si nous avons aujourd'hui des chiffres de croissance qui sont un peu moins mauvais que prévu, c'est la preuve que l'action politique, la décision politique publique, elle est efficace», soulignant que le Gouvernement était « totalement déterminé à tout faire (...) pour accélérer le redressement économique national et créer les emplois qui vont avec ».
Quelles perspectives ? Pas de retour à la « normale » avant 2022
Une éventuelle amélioration ces prochains mois dépendra de l’évolution de la pandémie et des éventuelles mesures prises pour freiner sa propagation. « Cela dépendra, aussi de la consommation des ménages », souligne Ludovic Subran, économiste du groupe Allianz. Durant le confinement, les Français ont réduit leurs dépenses et ont gonflé leur réserve d’épargne. Selon l’OFCE, l’épargne « forcée » ainsi accumulée s’élève à 75 milliards d’euros. Passé le rebond mécanique des achats à la fin du confinement, les ménages continueront-ils, ces prochains mois, de se rendre dans les magasins ? « C’est une question absolument centrale pour la reprise : ces 75 milliards d’euros, s’ils sont dépensés, seraient l’équivalent d’un plan de relance massif », résume Mathieu Plane.
L’enquête Insee sur le moral des ménages en juillet indique que les intentions d’épargner de ces derniers sont au plus haut depuis six ans. En effet, en dépit des mesures de chômage partiel, qui ont sauvé des milliers d’emplois, les plans de licenciement se multiplient et pourraient s’intensifier à l’automne. Selon la Banque de France, le taux de chômage pourrait grimper de 8,1 % fin 2019 à 11,8 % au premier semestre 2021.
Par ailleurs, la rentrée s’annonce difficile pour les PME. L’investissement a reculé de 17,8 % entre avril et juin, dont − 16 % pour les entreprises non financières, et − 26,8 % dans la construction. Le 29 juillet, le gouvernement a annoncé le prolongement du chômage partiel jusqu’en décembre (contre septembre) pour le secteur du tourisme. Les conditions économiques dégradées risquent d’entraîner malgré tout une hausse du chômage et des faillites. Celles-ci devraient bondir de 25 % entre 2019 et 2021, selon les économistes d’Allianz. Soit plus qu’en Allemagne (12 %). Mais moins qu’en Italie (27 %) et qu’en Espagne (42 %).
Pour le troisième trimestre, l’Insee table sur un rebond de croissance de 19 %. « Attention aux effets d’optique : cela n’effacera pas la baisse de 13,8 % enregistrée entre avril et juin », rappelle Henri Colombier, économiste chez Rexecode. Le véritable test sera le quatrième trimestre : il révélera à quelle vitesse notre pays sera capable, ou non, d’effacer les pertes liées à la pandémie. L’Insee prévoit une croissance de 3 % entre octobre et décembre, tandis que sur l’ensemble de 2020, le PIB devrait reculer de 10,6 %, selon la Commission européenne, soit plus que la moyenne de la zone euro (8,7 %). Le Gouvernement, lui, envisage un recul de 11 %. Pour Daniela Ordonez, « Dans tous les cas, on ne retrouvera pas le PIB de fin 2019 avant 2022 »
Source : Le Monde
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