Le modèle français résiste depuis longtemps à l’arrivée des taux variables. Unique et protecteur, en se reposant sur des taux fixes et modérés, il pourrait cependant devoir céder aux sirènes de la Banque Centrale Européenne, qui tente d’imposer des crédits à taux variables.
Pas du tout pratiqués en France, les taux variables constituent la colonne vertébrale du modèle américain du crédit. Et ils sont au cœur des dispositions des accords de Bâle, signés il y a plus de 10 ans, que la BCE souhaite enfin faire appliquer. En imposant de sécuriser des fonds propres plus importants lors de chaque prêt, la marge de manœuvre des banques serait réduite et elles seraient contraintes de recourir à des taux variables, pour rester rentables lorsque l’argent est cher. Avec des risques pour les emprunteurs. « Ces taux varient en fonction de la situation économique et de l’inflation. Ils peuvent mettre en danger les particuliers en cas d’augmentation fulgurante et entraîner une déferlante de défauts de remboursement. Ce n’est pas notre modèle français, unique et protecteur », alerte-t-on à la Fédération bancaire française (FBF). Le régime transitoire français court jusqu’en 2032, mais la BCE vient de refuser son prolongement.
Déplacement, et non pas disparition du risque
« Nous avons les taux les plus bas d’Europe », se félicite même la FBF, 2.05% en moyenne en octobre d’après l’Observatoire crédit logement CSA, bien inférieur aux taux pratiqués par les banques anglo-saxonnes. Ce taux moyen est si bas (par rapport à la conjoncture) qu’il est inférieur aux taux de refinancement. Les banques perdent donc de l’argent en prêtant, et se financent ailleurs pour rester bénéficiaires. Avec le risque de ne plus être capable de financer les prêts, et de connaître une perte de liquidité trop importante et dangereuse. « C’est un choix ! Nous portons le risque nous-même plutôt que de le faire peser sur les particuliers », souligne un dirigeant d’une banque mutualiste.
Avec des taux variables, le risque de défaut des banques disparaît, car elles font peser la remontée des taux sur les emprunteurs. « Il faut que le risque soit porté par l’acteur qui est le mieux à même de le gérer : la banque, pense cette directrice d’une banque de détail. Si le client fait défaut, c’est la banque qui va mal. Nous l’avons vu, par exemple, avec la crise des subprimes aux États-Unis. »
Pour sécuriser le système bancaire, le risque doit-il peser sur l’emprunteur ? Et, plus encore, risquer le défaut généralisé des ménages ne met-il pas en danger le système bancaire ?
Source : le Parisien / reproduction interdite