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26 sep. 22

Le vélo, nouvel enjeu pour l’immobilier de bureau

Dans sa nouvelle étude, Knight Frank étudie les conséquences du boom des mobilités douces sur l’immobilier tertiaire, en s’appuyant notamment sur les résultats d’une enquête inédite réalisée auprès d’un large panel d’investisseurs.
Le big bang des mobilités

La grande grève des transports de 2019 et la crise sanitaire ont donné un véritable coup de fouet à l’utilisation du vélo et de la trottinette, révolutionnant en un temps record la mobilité des Franciliens. Depuis le déclenchement de l’épidémie de Covid-19, et alors que la fréquentation des transports en commun n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise, le développement des mobilités douces en Ile-de-France impressionne. Peur du virus, recherche de bien-être, de confort et d’économies ou encore décarbonation des déplacements du quotidien : les motivations sont si nombreuses que cet engouement, particulièrement élevé chez les jeunes générations, perdurera. Les mobilités douces profitent également de mesures publiques favorables, entre aides financières aux particuliers, augmentation du nombre de kilomètres de pistes et cadre réglementaire de plus en plus contraignant pour la circulation et le stationnement des véhicules thermiques.

Les transformations du monde du travail jouent également un rôle déterminant. « Avec la crise sanitaire, le bien-être des employés est devenu une préoccupation majeure des entreprises, soucieuses de valoriser leur marque employeur mais aussi de faire revenir les salariés au bureau alors que le télétravail est désormais ancré dans les organisations. Plus exigeantes sur la qualité de leurs espaces de travail, celles-ci sont également plus attentives à la façon dont leurs collaborateurs se rendent sur leur lieu de travail » analyse David Bourla, Directeur des Etudes chez Knight Frank France. Ceci renforce l’attractivité des immeubles bien situés et faciles d’accès, quel que soit le mode de déplacement. Sur le marché des bureaux d’Ile-de-France, cette prime à l’accessibilité se traduit d’ailleurs depuis l’an passé par une reprise plus forte de l’activité locative dans les secteurs tertiaires les plus centraux et les plus établis.

Les propriétaires d’immeubles de bureaux font aussi leur révolution

« Dans ce contexte et face à la perspective de hausse continue des déplacements à vélo ou en trottinette, il devient de plus en plus important pour les propriétaires d’immeubles de bureaux de tenir compte des nouvelles attentes des entreprises et de leurs salariés dans le domaine des mobilités alternatives. La très grande majorité en est consciente et certains s’efforcent dès à présent de répondre à ce nouvel enjeu » affirme David Bourla. C’est l’un des principaux enseignements d’une enquête réalisée au cours de l’été 2022 par Knight Frank auprès de grands investisseurs français et internationaux disposant d’un patrimoine hexagonal.

« 92 % des investisseurs que nous avons interrogés ont constaté que les attentes des utilisateurs en matière de micro-mobilités sont plus élevées depuis le déclenchement de la crise sanitaire. Pour 57 % d’entre eux, le développement de solutions dédiées favorisant l’accueil et la pratique des mobilités douces dans leurs nouveaux projets est même désormais systématique » indique David Bourla. Ceci passe principalement par une offre d’équipements dédiés tels que casiers et vestiaires, et par la hausse du nombre de places de stationnement pour vélos ou trottinettes. Certains vont un peu plus loin et s’inspirent des meilleures pratiques internationales, à l’exemple de la certification « ActiveScore ». Née au Royaume-Uni, celle-ci permet aux propriétaires d’évaluer et de reconnaître la qualité des aménagements et services dédiés aux modes de transports doux ; une certification accordée pour la première fois en France à l’immeuble « La Factorie » dans le 17e arrondissement, siège et propriété de PERIAL. Enfin, le volontarisme des acteurs de l’immobilier est également illustré par la « ByCycle initiative », initiative de place lancée par ICADE, en lien avec ONEPOINT et A4MT, pour sensibiliser et former l’industrie immobilière aux enjeux des mobilités actives et la fédérer en partageant les bonnes pratiques.
 
Quelles conséquences pour les actifs immobiliers ?

Si la prise de conscience et le volontarisme de certains propriétaires sont évidents, qu’en est-il de l’impact sur les actifs immobiliers ? Les résultats de l’enquête menée par Knight Frank sont là encore explicites. Seuls 9 % des investisseurs interrogés considèrent ainsi que l’amélioration des aménagements et des services liés aux mobilités douces ne facilite pas la commercialisation d’un actif. « S’il ne s’agit pas encore nécessairement d’un critère décisif pour louer des bureaux, les efforts réalisés en matière d’intégration des mobilités douces représentent un plus indéniable. Par ailleurs, ces actions font quasi systématiquement partie des programmes mis en œuvre par les propriétaires dans le cadre de leur stratégie ISR » analyse David Bourla.

La révolution des mobilités pose néanmoins un certain nombre de questions, notamment relatives à la valorisation des actifs. Ainsi, près de 20 % des investisseurs interrogés indiquent encore réfléchir à la façon d’amortir les coûts liés à un plus grand nombre de places de stationnement pour vélos et trottinettes ou au développement de services dédiés. Pour 30 % d’entre eux, ces actions ne sont pas facturées au locataire. C’est en particulier le cas des propriétaires de bureaux parisiens les plus qualitatifs, dont les loyers ont nettement augmenté depuis le début de la crise sanitaire (+ 10 % dans le QCA entre la fin de 2019 et mi-2022) et pour lesquels le traitement plus poussé des mobilités douces est un service s’ajoutant à d’autres prestations.
 
Les nouveaux usages liés à la crise sanitaire et climatique posent également la question de l’adaptation du bâti. 88 % des répondants indiquent ainsi que cette capacité d’adaptation est le principal frein à une meilleure intégration des mobilités douces. « L’inadéquation du parc existant aux nouveaux usages est aussi illustrée par le nombre désormais trop important de places de stationnement pour voitures » indique David Bourla. 47 % des investisseurs interrogés en ont fait le constat, plusieurs ayant notamment recours à des solutions de mutualisation des parkings (YESPARK, BEPARK, etc.) ou au déploiement de bornes de recharge électriques pour optimiser cet espace inexploité. Mais celui-ci peut également être affecté à d’autres usagers que les automobilistes. « Alors que la généralisation du télétravail et la réduction des déplacements en voiture conduisent à une baisse du taux d’occupation des parkings, l’utilisation exponentielle du vélo et de la trottinette impose un nécessaire travail de réflexion sur leur aménagement. Transformer les parkings pour laisser plus de place aux mobilités douces, associées à de nouveaux services qualitatifs, représente par conséquent une solution alternative permettant une gestion du stationnement plus flexible et plus rentable… et contribuant à la réduction des émissions liées au secteur des transports » poursuit David Bourla. Cela dit, les places de parking vacantes constituent également une solution de report pour les conducteurs de deux-roues motorisés, désormais obligés de payer une redevance lorsqu’ils stationnent sur la voie publique à Paris.
 
De la performance d’un immeuble à celle du territoire
 
Si l’utilisation exponentielle des mobilités douces pose la question de la capacité d’adaptation et de l’efficacité des immeubles de bureaux, elle constitue également un enjeu pour les territoires. Le défi est particulièrement important en Ile-de-France, région où la fréquentation cyclable a le plus augmenté depuis 2019 (+ 35 % entre 2019 et 2021 contre 18 % en moyenne dans l’Hexagone[1]). « L’accessibilité et la qualité de l’environnement dans lequel se situent les immeubles de bureaux étant un critère essentiel d’attractivité pour les entreprises, Knight Frank a cherché à développer un indicateur objectif mesurant la cyclabilité des différents secteurs tertiaires d’Île-de-France et leur capacité à satisfaire le plus grand nombre de vélotafeurs et trottitafeurs. Pour chacun de ces grands pôles, huit critères ont été passés au crible, du nombre de kilomètres cyclables et de stationnements dédiés aux chiffres de la fréquentation, en passant par l’engagement des collectivités locales ou le ressenti global des usagers, notamment en matière de sécurité » détaille David Bourla. Précisons que cet indicateur mesure la cyclabilité de chaque grand secteur, et non celle des trajets de secteur à un autre. L’analyse mériterait donc d’être complétée en tenant compte de discontinuités de parcours potentiellement dangereuses, et donc limitantes pour l’usage des vélos et trottinettes.

Sans surprise, c’est à Paris que la cyclabilité est la plus élevée. La situation est particulièrement favorable dans les arrondissements de la rive gauche et de l’est de la capitale, qui bénéficient d’infrastructures relativement continues et qualitatives (voies sur berges, bois de Vincennes, etc.), d’un stationnement sur la voie publique encouragé par la création d’un nombre croissant de parkings vélos, et d’un écosystème très dense de magasins de cycles et de trottinettes ou d’ateliers de réparation. Dans le cadre de son plan vélo 2021-2026, la municipalité projette par ailleurs d’accroître la qualité et le nombre d’infrastructures cyclables avec 130 km de nouvelles pistes sécurisées, 52 km de coronapistes pérennisées ou encore 130 000 places de stationnement supplémentaires dont 30 000 places en arceaux.
 
Hors de Paris, le bilan est plus mitigé. Certaines communes, le plus souvent limitrophes de Paris, affichent un bilan satisfaisant, à l’image de Montreuil où les kilomètres de voies (70 en 2022 contre 17,5 en 2018) et les équipements dédiés ont beaucoup augmenté, où de réels efforts ont été réalisés pour limiter les discontinuités et où les contre-sens cyclables ont été systématisés. D’autres villes sont en position plutôt favorable, à l’exemple d’Ivry-sur-Seine ou d’Issy-les-Moulineaux. Au total, les villes et arrondissements parisiens en situation favorable ou plutôt favorable concentrent un gros tiers du parc tertiaire de la région, soit 19,8 millions de m² de bureaux sur un total de près de 56 millions, ce qui permet de mesurer l’ampleur du chemin restant à parcourir pour offrir aux vélotafeurs et trottitafeurs de bonnes conditions de déplacement.
 
La région Île-de-France compte également quelques secteurs « neutres », comme La Défense, deuxième pôle d’affaires francilien après le QCA. Si des difficultés persistent (conflits d’usage entre cyclistes et autres usagers, discontinuité des voies, places de stationnement insuffisantes, etc.), ce quartier, conçu à l’origine pour la voiture, revient néanmoins de loin. « La fréquentation du quartier d’affaires par les vélos et trottinettes est en nette hausse depuis le début de la crise sanitaire et plusieurs actions y ont été menées pour favoriser les circulations douces comme la piste cyclable du Pont de Neuilly ou les aménagements créés sur la dalle et le boulevard circulaire. D’autres efforts pourraient encore être accomplis pour améliorer le partage de l’espace public et les connexions avec les villes limitrophes. Mise en service récemment, la passerelle Eole, utilisable par les modes de transports doux, permet justement de relier le quartier à Nanterre et Bezons. Cela permettra notamment à des immeubles de bureaux jusqu’alors trop éloignés des transports en commun de gagner en accessibilité » explique David Bourla. Les efforts à accomplir sont plus importants encore dans d’autres secteurs comme la 1ère Couronne Nord. L’enjeu de l’attractivité du territoire y est particulièrement important puisqu’il s’agit du marché où l’offre de bureaux à venir est la plus abondante. La concrétisation des projets urbains majeurs que sont les Jeux Olympiques de 2024 et le Grand Paris Express contribueront toutefois à améliorer l’intégration des mobilités douces dans l’espace urbain.

Un indispensable, au service de la cohésion des entreprises

En conclusion, le bilan de la cyclabilité de l’Ile-de-France comme celui de la qualité des conditions d’accueil des mobilités douces au sein des immeubles de bureaux est assez mitigé. Néanmoins, il faut reconnaître la prise de conscience quasi généralisée des propriétaires, dont certains font preuve d’un réel volontarisme en adaptant leur patrimoine et en développant de nouveaux services dédiés aux utilisateurs. « Les investisseurs ont tout intérêt à prendre à bras le corps le sujet des mobilités douces. Outre que cela contribue directement à la décarbonation des déplacements, il s’agit d’un vrai critère de distinction ajoutant à la qualité des prestations offertes aux utilisateurs à l’heure où la dimension servicielle d’un immeuble devient stratégique pour louer un actif » affirme David Bourla. Si la tendance favorise les actifs les plus centraux, ceux situés à Paris en particulier, une meilleure intégration des mobilités douces peut également améliorer l’accessibilité d’immeubles un peu trop éloignés des transports en commun, alors même que la question du confort des salariés et de leurs déplacements domicile-travail est devenue centrale avec la crise sanitaire et l’explosion du télétravail. « Ce qui pouvait sembler anodin il y a quelques années ne l’est plus. Constituant un levier pour améliorer le bilan carbone des propriétaires et de leurs locataires, accompagner et faciliter l’essor des mobilités alternatives contribue également à donner envie aux salariés de revenir au bureau et donc à la vitalité des entreprises » conclut David Bourla.