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Construire sur des terrains déjà artificialisés : une réponse forte à l’exigence environnementale
Tribune de Thierry Berthier, ex-président du directoire de Grand Paris Habitat, directeur des relations institutionnelles et du développement de Care Promotion
L’un des plus importants défis de la transition environnementale consiste à allier l’impératif de frugalité foncière et la nécessité d’abonder l’offre de logements. Construire n’est pas une option : la rénovation du parc existant et en particulier du parc vacant ne répondra qu’à une partie des besoins. Il y a plus d’un an, un rapport rendu à la ministre du Logement, démontrait l’aspiration des ménages à plus d’espace, plus de verdure. Là encore, l’existant ne saura apporter à lui seul les solutions.
Les règles qui s’imposent aux promoteurs sont claires : en 2050, la France devra avoir atteint le zéro artificialisation nette (ZAN) et dès 2030, nous devrons avoir divisé par deux le rythme. Si la loi Climat et Résilience a fixé ces objectifs de manière non négociable, le Plan Biodiversité de 2018 avait déjà ce cap pour la consommation foncière. Depuis 20 ans, l’utilisation d’espaces naturels et forestiers n’a cessé de baisser. En Ile-de-France, un rapport de 2020 du préfet révélait que plus de 50% des nouveaux terrains construits résultaient du recyclage urbain.
L’enjeu, qui peut paraître contradictoire, est de construire en désartificialisant. A la réflexion, il ne l’est pas nécessairement.
Il est temps pour les pouvoirs publics et les professionnels de l’acte de bâtir de mesurer tous les potentiels fonciers de nos territoires. Il s’agit de surfaces déjà imperméabilisées et qui sont sous-utilisées ou délaissées. C’est le cas de parkings de commerces qu’on peut surélever pour construire des logements. On doit aussi s’intéresser de près aux sites en déshérence en milieu urbain. Nous les voyons avec un sentiment de gâchis. L’État en prend conscience : un portail de l’artificialisation des sols a été créé, assorti de démonstrateurs territoriaux qui mettent en exergue les solutions alternatives.
Ce réflexe doit ordonner la réflexion sur tous les projets urbains. La Région Ile-de-France a lancé en novembre 2021 la révision de son schéma directeur environnemental, qui prévoit l’aménagement du territoire jusqu’en 2040. Mais les outils restent insuffisants : dans un rapport de contrôle budgétaire de la commission des Finances du Sénat, adopté à l’unanimité, le sénateur Blanc plaidait pour un guichet unique à disposition des collectivités et des constructeurs. Il demande aussi une politique qui flèche les aides aux communes les plus vertueuses. La dotation globale de fonctionnement, le fonds friches et un fonds ZAN à inventer devraient conduire à exploiter les terrains non construits avant d’artificialiser d’autres emprises.
En complément, il faut :
- Inciter les propriétaires des emprises foncières occupées à mettre en œuvre des projets et leur permettre de trouver un intérêt à lancer ces projets.
- Oser la densification « contrainte » par l’Etat (par exemple : pas de refus de permis de construire de petits collectifs à moins de 800 mètres d’une gare). Cette disposition exonèrerait les maires de la responsabilité politique de la densification, et elle ne serait recevable par les élus que si le financement des équipements publics rendus nécessaires par les projets est lui aussi assuré.
Ces pratiques innovantes pourraient s’inscrire dans les programmes triennaux de production de logements sociaux, en contractualisant des engagements réciproques, et en intégrant des assouplissements dans l’application de la loi SRU sans en modifier les objectifs. Une aide financière ou des taux préférentiels de la CDC seraient également utiles s’ils contribuent à cet effort de désartificialisation des sols.
La fin de l’artificialisation des sols passera par l’imagination et la fédération de toutes les énergies, celle des élus et celle des promoteurs. Il faut inaugurer une authentique intelligence foncière. Elle est la condition pour équilibrer l’équation entre politique écologique et production de logements.
Tribune reprise dans les Echos le 12 octobre 2022