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Bilan du marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise au 1er semestre 2023
Des volumes divisés par deux
Knight Frank dresse le bilan du marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise au 1er semestre 2023
Au plus bas depuis 2010
Après un début d’année atone, le marché français de l’investissement en immobilier d’entreprise a été moins actif encore au cours des trois derniers mois. « Totalisant 2,4 milliards d’euros au 2e trimestre 2023, les sommes engagées sur le marché français n’avaient plus été aussi faibles depuis 2010. L’activité reste en effet fortement ralentie par l’attentisme des investisseurs face à la hausse des taux d’intérêt et à la poursuite du resserrement monétaire des banques centrales » annonce Antoine Grignon, Directeur du département Investissement chez Knight Frank France. Le résultat du 2e trimestre porte à près de 6,2 milliards d’euros l’ensemble des montants investis en France depuis le début de 2023, soit une chute de 40 % par rapport à la moyenne décennale et de 51 % par rapport au 1er semestre 2022.
La forte baisse du nombre total de transactions (près de 500 au 1er semestre 2022 contre 320 environ au 1er semestre 2023), illustre le ralentissement général de l’activité, même si certains créneaux de marché ont davantage résisté. C’est le cas des transactions comprises entre 50 et 100 millions d’euros, 13 ayant été recensées au 2e trimestre 2023 contre huit au trimestre précédent. Sur l’ensemble du 1er semestre, ces 21 opérations ne totalisent toutefois qu’un peu plus d’1,4 milliard d’euros, soit un recul de près de 40 % en un an. Par ailleurs, « l’activité reste particulièrement faible sur le segment des grandes transactions, avec neuf opérations supérieures à 100 millions signées en France lors des six premiers mois de 2023 contre 34 à la même période l’an passé ! Celles-ci comptent dès lors pour une part bien moins importante des volumes, soit 35 % de l’ensemble des sommes engagées en France au 1er semestre 2023 contre 50 % au 1er semestre 2022 » détaille Antoine Grignon. Sur ces neuf opérations de plus de 100 millions d’euros, seules deux ont été actées au 2e trimestre : la cession par ACCOR à VALESCO de la tour « Sequana » à Issy-les-Moulineaux, et l’achat par AEW auprès de GENERALI de la galerie « Passy Plaza » dans le 16e arrondissement. La plus grosse transaction de l’année reste l’achat par INGKA CENTRES de l’ensemble de bureaux et de commerces formé par « Italie Deux » dans le 13e. Ces trois opérations ont gonflé la part de l’Ile-de-France, qui rassemble près de 70 % des volumes investis dans l’Hexagone contre 58 % en 2022. En valeur absolue, les sommes engagées dans Paris et sa région chutent tout de même de 41 % sur un an.
Bureaux : largement en tête malgré tout
Classe d’actifs la plus fragilisée par la crise sanitaire et la remontée des taux d’intérêt, les bureaux ont malgré tout concentré une très large part des volumes investis au 2e trimestre 2023 (64 % contre 17 % pour les commerces et 19 % pour l’industriel). Les bureaux représentent aussi la grande majorité des transactions supérieures à 50 millions signées sur la période, dont la cession à VALESCO de la tour « Sequana » pour 460 millions d’euros. On ne peut pas pour autant parler de redressement, puisque les sommes engagées sur le marché français des bureaux ont diminué de 21 % d’un trimestre à l’autre. Sur l’ensemble du 1er semestre 2023, celles-ci totalisent 3,5 milliards d’euros contre 6,6 milliards à la même période en 2022. Par ailleurs, le marché demeure polarisé au profit de Paris intra-muros, qui rassemble la moitié des volumes investis en bureaux en Ile-de-France depuis janvier. Plusieurs cessions comprises entre 30 et 80 millions d’euros ont été actées dans la capitale, à l’exemple de la vente à BNP PARIBAS REIM du 70 boulevard de Courcelles dans le 17e ou de l’achat par TOKORO CAPITAL du 10 rue Henner dans le 9e.
Cela dit, la domination de Paris s’est érodée ce trimestre grâce à la finalisation de quelques transactions significatives dans le Croissant Ouest, sous la forme d’opérations d’externalisation notamment comme « Sequana » à Issy-les-Moulineaux, ville dans laquelle la SOCIETE DE LA TOUR EIFFEL a par ailleurs acheté aux NOUVEAUX CONSTRUCTEURS leur nouveau siège (« Millésime »). Notons aussi la vente par BASF à WEINBERG CAPITAL PARTNERS et HENDERSON PARK du 49 avenue Georges Pompidou à Levallois-Perret.
Ailleurs, les cessions significatives de bureaux demeurent très rares. En 1ère et 2e couronnes, les volumes ont été essentiellement gonflés par la vente à LA FRANÇAISE de « Link-It » à Clichy, immeuble neuf loué à L’OREAL et celle par URW à ATLAND VOISIN de l’immeuble « V » à Versailles. En région, ICADE a finalisé la cession à UNOFI des 8 220 m² d’« Eko Active » à Marseille pour près de 50 millions d’euros.
« La grande sélectivité des investisseurs bride toujours l’activité. S’il demeure très bas dans Paris, le taux de vacance continue en effet de progresser dans le reste de l’Ile-de-France, tandis que le processus de rationalisation des surfaces lié au télétravail n’est pas encore achevé. Dès lors, et puisque les taux d’intérêt poursuivent leur hausse, les investisseurs attendent un plus grand repricing, ce qui met en stand-by certains processus de cession et conduit encore des vendeurs à retirer leurs actifs du marché » explique Antoine Grignon. Le nombre potentiel d’opérations à finaliser est d’autant plus limité, laissant augurer un 2nd semestre encore bien en-deçà des performances habituelles du marché des bureaux.
A plus long terme, plusieurs éléments permettent néanmoins de tabler sur une reprise graduelle de l’activité. « Malgré une décompression atteignant en moyenne 75 à 150 points de base en Ile-de-France en un an, le réajustement des prix n’a pas encore permis de relancer l’activité. Toutefois, la correction va se poursuivre, ce qui devrait peu à peu combler l’écart entre les attentes des cédants et celles des acquéreurs. Par ailleurs, la très grande prudence des investisseurs et les difficultés du secteur de la construction limitent désormais les lancements de nouveaux chantiers, ce qui permettra un rééquilibrage progressif de l’offre disponible » détaille Antoine Grignon. Ceci relancera l’intérêt des investisseurs pour les secteurs de 1ère couronne. Tous les actifs n’en profiteront pas, mais les immeubles neufs, très bien situés et capables de capter les reports d’utilisateurs en raison d’un excellent rapport qualité-prix, pourraient tirer leur épingle du jeu.
Commerces : pause temporaire, mais des fondamentaux solides
Après un excellent 1er trimestre, l’activité a nettement décéléré sur le marché des commerces. « Après 1,3 milliard au 1er trimestre, un peu plus de 400 millions d’euros ont été investis sur le marché français des commerces au 2e trimestre 2023. Ce montant porte à 1,7 milliard d’euros l’ensemble des sommes engagées sur cette classe d’actifs au 1er semestre, soit une baisse de 40 % par rapport à la même période l’an passé et de 16 % par rapport à la moyenne décennale » précise Antoine Grignon.
Le bilan à mi-année est donc mitigé, d’autant que le nombre de transactions reste limité et que Paris et sa région concentrent une part très importante des volumes. « Déjà élevées en 2022 avec près de 3 milliards d’euros investis sur l’ensemble de l’année, les sommes engagées sur le marché francilien des commerces le sont restées au 1er semestre 2023 avec 1,3 milliard d’euros » indique Antoine Grignon. Ce montant représente 75 % de l’ensemble des volumes investis en commerces dans l’Hexagone du fait de quelques signatures majeures : l’achat par INGKA CENTRES du centre commercial « Italie 2 » et de son extension « Italik », une partie de la cession à KERING du 35-37 avenue Montaigne[1], l’achat par MATA CAPITAL d’un portefeuille de centres de marques et enfin l’achat récent par AEW de la galerie « Passy Plaza » dans le 16e arrondissement.
Mentionnons aussi la récente cession par GECINA à LVMH de son flagship du 101 avenue des Champs-Elysées. Non comptabilisée dans les volumes d’investissement, cette vente utilisateur majeure succède à l’achat par le leader mondial du luxe du 19 rue François 1er, et à la vente à KERING du 35-37 avenue Montaigne et du futur flagship GUCCI au croisement des rues Castiglione et Saint-Honoré. « Révélatrices de la puissance des groupes de luxe et de la place centrale de la pierre dans les stratégies patrimoniales des grandes fortunes, ces transactions illustrent la force d’attraction des plus belles artères parisiennes. Elles contribuent aussi à animer le marché de l’investissement, en y injectant d’importantes liquidités dont une part sera réallouée par les cédants à l’acquisition d’actifs immobiliers » poursuit Antoine Grignon.
Hors de l’Ile-de-France, le marché des commerces n’est pas pour autant atone. Si les volumes sont relativement faibles (400 millions d’euros environ au 1er semestre 2023 dont près de 60 % investis au 2e trimestre), l’appétit des investisseurs pour la périphérie ne se dément pas, notamment illustré par la cession à IREIT GLOBAL d’un portefeuille de 17 magasins B&M pour environ 80 millions d’euros. La plupart des autres cessions de boîtes commerciales et de retail parks ont été réalisées pour le compte de SCPI ou de privés. Elles portent sur des volumes assez modestes, généralement compris entre 5 et 30 millions d’euros. Ces biens représenteront encore la majorité des transactions au 2nd semestre, mais l’activité sera plus variée. Quelques actifs et portefeuilles de grande taille devraient en effet être cédés, tandis que des ventes de centres commerciaux de cœurs de villes moyennes sont également attendues. « Pieds d’immeuble prime, retail parks, grands centres commerciaux de périphérie ou petits centres commerciaux de cœur de ville : la diversité des types d’actifs cédés ou en cours de cession est indubitablement le signe d’un marché plus dynamique. Si la remontée des taux d’intérêt entrave encore l’activité, l’ajustement des valeurs est aujourd’hui suffisamment marqué pour convaincre les investisseurs de réinvestir la périphérie ou le segment des centres commerciaux, ou d’accroître prudemment leur exposition à ces classes d’actifs. Quant aux artères prime parisiennes, celles-ci ont parfaitement passé le « stress test » de la crise sanitaire. Retour des touristes, demande soutenue des enseignes pour les meilleurs emplacements, réduction de la vacance, stabilisation voire hausse des valeurs locatives : tout cela concourt à rassurer les acquéreurs et à conforter l’attractivité de la capitale, même si les récentes émeutes urbaines et les saccages de commerces conduisent à nuancer, sans doute temporairement, ce bilan positif » précise Antoine Grignon.
Industriel : redémarrage imminent ?
La correction des valeurs est encore limitée, avec un taux de rendement prime logistique s’établissant à 4,50 % à la fin du mois de juin 2023 contre 4,25 % à la fin de 2022. « Ceci explique le niveau encore assez faible des volumes investis. Sur le marché français de l’industriel, ceux-ci ont totalisé près de 950 millions d’euros au 1er semestre 2023 contre 3,2 milliards d’euros à la même époque l’an passé et 2 milliards d’euros en moyenne au 1er semestre depuis dix ans » indique Antoine Grignon. Le recul est particulièrement important sur le marché de la logistique, où aucune cession supérieure à 100 millions d’euros n’a été recensée depuis le début de 2023 contre 7 totalisant 1,3 milliard d’euros au 1er semestre 2022. Toutefois, c’est au 2e trimestre qu’ont été actées les trois opérations les plus significatives des six derniers mois parmi lesquelles l’achat pour près de 60 millions d’euros par LA FRANÇAISE, pour le compte de l’ERAFP, d’un entrepôt de 50 000 m² près de Lyon, et la vente en VEFA à AVIVA INVESTORS d’un portefeuille de trois plateformes en région. « Lors des six premiers mois de 2023, le marché industriel a été majoritairement animé par des investisseurs français et par des opérations de taille relativement modeste. La tendance est en train d’évoluer. Ainsi, plusieurs grands portefeuilles d’entrepôts ont reçu de nombreuses marques d’intérêt et changeront bientôt de mains » poursuit Antoine Grignon.
Redistribution des cartes
Alors que certains espéraient la fin du cycle de resserrement monétaire, la Fed et la BCE ont récemment annoncé de nouvelles hausses des taux en raison d’une inflation encore trop élevée. « Alors que le 3e trimestre s’annonçait déjà très calme du fait du nombre restreint de grandes opérations en cours de finalisation, ce nouveau tour de vis va très probablement reporter à 2024 le redressement de l’activité. D’ici là, investisseurs et organismes de prêt resteront très frileux et plus que jamais attentifs à la qualité des actifs et aux fondamentaux des secteurs géographiques dans lesquels ils sont situés » anticipe Antoine Grignon. Après un 1er semestre à 6,2 milliards d’euros, les sommes investies pourraient ne pas dépasser les 12 à 15 milliards d’euros, contre près de 27 milliards en moyenne lors des dix dernières années.
Malgré cette forte chute des volumes investis, l’immobilier de placement reste attractif. « La volonté d’investir dans la pierre est toujours là, mais les modalités d’allocation évoluent, allant notamment dans le sens d’une plus grande diversification. La tendance n’est pas nouvelle : en dépit d’une baisse – sans doute temporaire – des volumes, les bureaux en région ou la logistique occupent par exemple depuis quelques années une place plus importante sur le marché français. Cette redistribution des cartes, évidente depuis le déclenchement de la crise sanitaire, l’est encore plus depuis quelques mois. De plus en plus d’acteurs affirment ainsi leurs ambitions sur d’autres classes d’actifs, comme la santé, le life science, le résidentiel géré, l’hôtellerie ou encore l’enseignement, dont les volumes d’investissement sont quant à eux orientés à la hausse » conclut Antoine Grignon.
[1] Partie représentée par le flagship loué à Valentino.