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Le grand écart du marché des bureaux d’Ile-de-France
Knight Frank dresse le bilan du marché locatif des bureaux d’Ile-de-France à la fin du 3e trimestre 2023
Hausse modeste des volumes placés
Après un début d’année 2023 peu animé et un léger redressement au 2e trimestre, la situation du marché locatif s’est encore améliorée au 3e trimestre. « Un peu plus de 500 000 m² de bureaux ont été commercialisés en Ile-de-France au 3e trimestre 2023, soit une hausse de 13 % par rapport au trimestre précédent. Sur l’ensemble des neuf premiers mois, la demande placée s’élève à 1,37 million de m², soit une baisse de 13 % sur un an et de 10 % par rapport à la moyenne décennale » annonce Guillaume Raquillet, directeur du département Bureaux chez Knight Frank France.
La raison du regain des trois derniers mois n’est pas à chercher du côté des petites (< 1 000 m²) et moyennes surfaces (1 000 à 5 000 m²), dont les volumes placés chutent respectivement de 17 % et de 13 % par rapport à la même période l’an passé. Ce sont les grandes transactions qui ont soutenu l’activité au 3e trimestre 2023, avec 19 signatures contre 14 au 2e trimestre et 7 seulement au 1er trimestre. Au total, 40 transactions supérieures à 5 000 m² totalisant 408 000 m² ont été recensées en Ile-de-France depuis janvier, contre 43 totalisant 440 000 m² à la même époque l’an passé. La performance est honorable, même si l’on reste bien en deçà du pic de 2018 (une soixantaine de transactions totalisant plus de 700 000 m² à la fin du 3e trimestre). « Les derniers mois confirment la baisse générale des gabarits, sur fond de poursuite des politiques de rationalisation des entreprises : la taille moyenne des surfaces de plus de 5 000 m² prises à bail en 2023 en Ile-de-France atteint ainsi 10 200 m², soit une baisse de 21 % par rapport à celle relevée depuis dix ans » précise Guillaume Raquillet.
Un marché très polarisé
La polarisation géographique est une autre tendance de fond du marché des bureaux. Ainsi, Paris intra-muros, le Croissant Ouest et La Défense concentrent trois quarts des volumes placés en Ile-de-France depuis le début de 2023, contre 69 % juste avant le déclenchement de la crise sanitaire.
La hausse de l’offre et un rapport de force nettement favorable aux preneurs peuvent expliquer le rebond de la demande dans l’ouest de la région. C’est le cas de la Péri-Défense, qui est l’un des rares secteurs à progresser d’une année sur l’autre avec un peu moins de 140 000 m² placés depuis janvier contre 129 000 m² à la fin du 3e trimestre 2022. Cette hausse tient à six grandes transactions dont trois ont été signées au 3e trimestre. Deux sont des prises à bail d’écoles (l’ESILV et le COLLEGE DE PARIS à Nanterre), illustrant le dynamisme de l’immobilier d’enseignement. Le regain de la Péri-Défense se limite néanmoins à quelques communes, comme Nanterre et Courbevoie, tandis que d’autres restent peu animées (Colombes, Suresnes, Bois-Colombes, etc.). A La Défense, les écoles ont également été actives mais sur de plus petites surfaces, à l’image de la location par ACTUAL GROUP de près de 4 000 m² pour y regrouper l’ESUP et HOLBERTON SCHOOL. Plus généralement, la demande reste bien orientée à La Défense, le quartier d’affaires mettant à profit son offre abondante et des conditions de bail attractives pour attirer de nouveaux utilisateurs ou retenir ses entreprises, à l’exemple des 18 000 m² loués par SUEZ dans « Altiplano ». « La Défense affiche un bon résultat, avec près de 130 000 m² placés depuis janvier soit une baisse de 7 % sur un an et de 3 % seulement par rapport à la moyenne décennale » ajoute Guillaume Raquillet. Ailleurs dans l’Ouest, la Boucle Sud a connu un recul similaire à celui de La Défense, avec 118 00 m² de bureaux pris à bail (- 8 % en un an) ; un volume concentré à 80 % dans la seule ville de Boulogne-Billancourt, où RENAULT et sa filiale RCI BANQUE viennent de finaliser leur installation sur 40 000 m² dans le quartier du Trapèze.
Les résultats sont plus contrastés en 1ère couronne. Après un très bon 1er semestre, le Sud confirme son dynamisme avec 38 000 m² placés au 3e trimestre portant à près de 110 000 m² l’ensemble des m² de bureaux commercialisés depuis le début de 2023. La hausse est de 74 % sur un an et de 63 % par rapport à la moyenne décennale. Cette belle performance tient au dynamisme des grandes transactions, avec sept prises à bail supérieures à 5 000 m² contre trois en moyenne lors des dix dernières années. Le 3e trimestre a notamment été marqué par la location par BAYARD de plus de 8 000 m² dans « Kalifornia » à Malakoff, permettant au groupe d’édition d’améliorer ses bureaux (immeuble bas carbone, services haut de gamme) tout en diminuant de près de 30 % les surfaces occupées par rapport à son siège actuel de Montrouge. Les autres secteurs de 1ère couronne affichent des résultats médiocres, comme le Nord où la chute des volumes placés est de 25 % sur un an et de 24 % par rapport à la moyenne décennale.
Paris : en baisse mais solide
A Paris, les grandes transactions avaient été très rares au 1er semestre (cinq dont quatre dans le QCA). Leur nombre s’est nettement accru au 3e trimestre, avec cinq prises à bail supérieures à 5 000 m² dont quatre sur la rive gauche. Deux sont supérieures à 10 000 m² : la CDC sur 24 000 m² dans « Austerlitz 2 » dans le 13e et MCKINSEY & COMPANY sur 12 900 m² au 35-37 boulevard des Invalides dans le 7e, ex-siège de la Région Ile-de-France cédé à AG2R LA MONDIALE en 2019. « Fait significatif, la taille moyenne des surfaces de plus de 5 000 m² prises à bail à Paris en 2023 est supérieure de 9 % à la moyenne décennale, alors que celle-ci baisse de 21 % en Ile-de-France, de 34 % en 1ère Couronne, de 39 % à La Défense[1] et même de 42 % dans le Croissant Ouest » détaille Guillaume Raquillet. Contrastant avec la tendance à la diminution des surfaces en périphérie, plusieurs extensions significatives ont par ailleurs été recensées dans Paris, à l’image de l’acquisition par WINAMAX de 5 800 m² au 91 boulevard Saint-Michel dans le 5e (« Luxso ») pour y établir son nouveau siège.
Malgré cela, la demande placée totale dans Paris intra-muros diminue de 20 % sur un an en raison d’un nombre de grandes transactions bien inférieur à celui de l’an passé à la même époque (10 contre 17) et d’un ralentissement également observé sur le segment des petites et moyennes surfaces (- 19 % sur un an). Particulièrement perceptible dans le QCA, cet essoufflement peut être relativisé par la performance quasi record de ce secteur en 2022. En baisse de 22 % sur an à la fin du 3e trimestre 2023, la demande placée dans le QCA est ainsi supérieure de 2 % à la moyenne décennale. En outre, la demande exprimée par les utilisateurs de secteurs captifs du quartier d’affaires comme la finance, le luxe ou le conseil reste solide, mais se heurte à une raréfaction croissante de l’offre disponible.
Offre disponible : toujours plus haute en Ile-de-France, toujours plus basse dans le QCA
Près de 650 000 m² sont aujourd’hui disponibles à Paris, soit une diminution de 1 % en un an. « Néanmoins, les contrastes sont assez saisissants selon les quartiers. Dans le QCA, le volume de l’offre diminue ainsi de 8 % sur un trimestre et de près de 20 % sur un an. Ceci correspond à un taux de vacance de 2,4 % contre 2,9 % il y a un an et 5 % à la même période en 2021 » précise Guillaume Raquillet. En revanche, l’offre a augmenté dans d’autres secteurs comme celui de Paris Sud. Elle s’est stabilisée dans le Nord-Est, notamment dans les 18e, 19e et 20e arrondissements dont le taux de vacance demeure toutefois bien supérieur à la moyenne parisienne (9,2 % contre 3,8 %).
A l’échelle de l’Ile-de-France, le volume de l’offre immédiate totalise 4,6 millions de m², soit une hausse de 13 % en un an et de 60 % par rapport au début de 2020. Le rythme de progression a néanmoins ralenti, avec une hausse de 3 % sur un trimestre liée au regain de la demande placée et au nombre relativement faible de livraisons. Ainsi, seuls 208 000 m² de bureaux neufs-restructurés de plus de 5 000 m² ont été achevés depuis janvier en Île-de-France, soit une forte baisse de 66 % en un an. Le taux de vacance régional atteint 8,2 % à la fin du 3e trimestre 2023 contre 7,9 % au trimestre précédent et 7,2 % il y a un an. Cette hausse générale masque d’importantes disparités selon les secteurs. Ainsi, le taux de vacance se stabilise à La Défense (14,5 %) et dans le Croissant Ouest (13,6 %), alors qu’il continue à augmenter en 1ère Couronne pour atteindre 14 % (+ 0,6 point en un trimestre). Malgré un rebond de l’activité locative, c’est dans le Sud que la vacance a le plus progressé ces derniers mois. Les grandes transactions enregistrées depuis janvier y portent en effet pour la plupart sur des immeubles en travaux (« Kalifornia » à Malakoff, « Yuma » à Châtillon, « Aqueduc » à Gentilly, etc.) et n’ont donc pas permis de réduire l’offre immédiate, alimentée par les libérations et quelques livraisons.
Offre future : répit attendu à partir de 2025
A moins d’un rebond bien plus franc de la demande placée – assez peu probable au regard des conditions actuelles de marché – l’offre disponible repartira plus nettement à la hausse ces prochains mois. Ainsi, plus de 330 000 m² de bureaux devraient être livrés au 4e trimestre en Ile-de-France dont 147 000 m² sont encore disponibles. Ceci porterait le total de 2023 à 542 000 m², après 1,2 million en 2021 et 0,96 million en 2022. Le rythme s’accélèrera franchement en 2024, avec près d’1,3 million de m² de bureaux attendus dont 65 % sont encore disponibles. Le rebond sera toutefois temporaire. Ainsi, les livraisons diminueront nettement en 2025 avec près de 860 000 m² dont 67 % de surfaces disponibles. « Au-delà de 2025, la chute devrait s’accentuer, comme le suggèrent la baisse drastique des agréments et la frilosité des investisseurs à lancer de nouvelles opérations hors de la capitale » avance Guillaume Raquillet.
Dans Paris, les conditions de marché semblent bien plus favorables aux lancements en raison de taux de vacance très faibles et des perspectives de croissance des loyers. Toutefois, les investisseurs doivent désormais composer avec les nouvelles contraintes du PLU bioclimatique. « Depuis son adoption par le Conseil de Paris en juin dernier, et en attendant son approbation finale, prévue pour fin 2024-début 2025, le nouveau PLU génère de fortes incertitudes pour les porteurs de projets du fait du pastillage de centaines d’actifs et de l’instauration d’une servitude de mixité fonctionnelle, destinée à transformer des bureaux en logements au sein d’un vaste secteur de développement de l’habitation. Cette incertitude et le blocage actuel du marché de l’investissement limitent les nouveaux lancements, ce qui accentuera la rareté de l’offre de qualité et devrait alimenter la hausse des loyers dans les quartiers les plus recherchés » explique Guillaume Raquillet.
Le loyer prime est déjà historiquement élevé, atteignant pour la première fois le seuil symbolique des 1 000 €/m²/an. Le loyer moyen de Paris QCA s’établit quant à lui à 775 €/m², soit une hausse de 8 % en un an et de 13 % par rapport à la même période en 2021. L’inflation ne se limite pas au quartier central des affaires : les valeurs progressent également dans d’autres quartiers, même si les mesures d’accompagnement y sont plus généreuses (de l’ordre de 15 à 20 % contre 12 à 15 % dans le QCA). Celles-ci sont encore plus conséquentes en périphérie (25 à 35 % voire plus) en raison du niveau durablement élevé de l’offre. Dans ce contexte, l’une des principales interrogations porte sur la capacité des pôles tertiaires les plus offreurs à attirer les entreprises d’autres secteurs. Jusqu’à présent la demande est restée très largement endogène, même si quelques territoires ont su mettre à profit une excellente accessibilité et des loyers compétitifs pour diversifier leur socle d’utilisateurs. Plusieurs mouvements exogènes ont par exemple été recensés à La Défense ou à Saint-Ouen, en nombre toutefois insuffisant pour booster l’activité locative et compenser les libérations.
Accélération des transformations
La situation pourrait évoluer en raison de l’écart croissant entre les loyers pratiqués à Paris et dans les secteurs les plus établis de l’Ouest, et ceux des autres pôles franciliens. En outre, le climat économique se dégrade, avec une croissance quasi nulle prévue pour 2024, un ralentissement des créations d’emplois et peu de soutiens à l’activité, alors que les entreprises pâtissent déjà du resserrement des conditions de financement et de l’érosion de leurs marges. Enfin, les tensions géopolitiques se sont dramatiquement accrues, ce qui renforce la volatilité des prix. « Dans ce contexte, les entreprises seront encore plus attentives à la maîtrise de leurs coûts immobiliers, ce qui pourrait favoriser les marchés de bureaux offrant le meilleur rapport qualité-prix, parfaitement reliés aux réseaux de transport en commun et ne souffrant pas d’une image négative » suggère Guillaume Raquillet.
Parallèlement, les libérations de surfaces de seconde-main se poursuivront, accroissant le stock d’immeubles obsolètes et la nécessité de les recycler. La tendance est déjà à l’accélération des transformations d’immeubles de bureaux. « Au total, Knight Frank a recensé près de 170 opérations de ce type en Île-de-France depuis 2019, très majoritairement concentrées dans le Croissant Ouest, à La Défense et en 1ère Couronne » indique Guillaume Raquillet. Les débouchés de ces projets de transformation sont de plus en plus variés, concernant principalement des logements « classiques » (sociaux notamment), mais aussi des résidences gérées (résidences étudiants, coliving), des locaux d’enseignement ou des espaces de logistique urbaine. « Le phénomène de la transformation est aujourd’hui bridé par le resserrement des conditions de financement et le coût élevé des travaux. Les opportunités sont néanmoins réelles, d’autant que les investisseurs doivent rediriger une partie de leurs fonds vers des types d’actifs répondant aux nouveaux usages, aux mutations socio-économiques de l’Ile-de-France ainsi qu’aux exigences de décarbonation du parc immobilier » conclut Guillaume Raquillet.
[1] Notons qu’en 2020 la taille moyenne à La Défense avait été gonflée par la prise à bail par TOTAL des 120 000 m² de « The Link ». En excluant cette transaction, la baisse serait de l’ordre de 20 % et non de 39 %.