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18 jan. 24
Bilan plutôt positif malgré l’accélération des procédures
Bilan 2023 et perspectives 2024 du marché immobilier des commerces en France
En 2023, la consommation a vacillé du fait de la dégradation du climat économique et d’une forte inflation. Si quelques facteurs défavorables persistent – la confiance des Français n’a pas été restaurée et ces derniers conservent un taux d’épargne élevé – la baisse des prix est enclenchée et redonnera du pouvoir d’achat aux ménages en 2024. La consommation devrait donc se redresser mais de façon modérée.
Vague de procédures
Le regain de la consommation devrait redonner de l’air aux enseignes mais toutes n’en profiteront pas de la même façon, plusieurs restant en effet fragilisées par des charges élevées et les arbitrages des ménages. Le développement de nouvelles enseignes, le succès de la seconde-main et l’essor de certains pure players accentuent en outre la pression concurrentielle, ce qui impose un renouvellement fréquent des concepts et requiert des investissements parfois importants. Dans ce contexte, la question de la survie continuera de se poser en 2024 pour certaines enseignes, après une année 2023 déjà marquée par un net rebond des procédures collectives. « En 2023, 54 procédures ont été recensées par Knight Frank en France, contre 20 en 2022 et 24 en moyenne chaque année depuis 2020. Sur l’ensemble de la période 2020-2023, 125 procédures ont été dénombrées concernant au total 88 enseignes. 43 % appartiennent au secteur de l’habillement, dont la situation s’est encore dégradée l’an passé » détaille Antoine Salmon. D’autres secteurs sont touchés, tels l’alimentaire et la restauration (16 % des enseignes concernées par une procédure depuis 2020), ou le meuble et la décoration (11 %), comme illustré par la liquidation récente d’HABITAT.
Cette vague de procédures, dont plusieurs concernent des marques phares du marché français, traduit l’ampleur de la recomposition du paysage des commerces. A l’œuvre depuis quelques années, celle-ci se poursuivra en 2024. Alors qu’elles n’aboutissent pas dans leur majorité à des liquidations, les procédures continueront en effet d’alimenter les fermetures de points de vente. « Sur les quelque 9 300 magasins que comptaient initialement les 88 enseignes concernées par une ou plusieurs procédures en France, 3 700, soit 40 % du total, ont fermé. Certains de ces points de vente ont été reloués, tandis que d’autres sont toujours vacants et disponibles sur le marché » poursuit Antoine Salmon. Dans le secteur de la mode, le taux de fermeture atteint 50 % et de nouvelles baisses de rideaux sont à prévoir.
Des soutiens à la croissance en 2023 et 2024
Les opérations de rationalisation se poursuivent aussi pour des enseignes dont la survie n’est pas en jeu. Nombre d’entre elles continuent ainsi de réduire leur réseau de magasins pour ajuster au mieux leur présence sur le territoire hexagonal, ceci au détriment des sites les moins profitables. « Cela dit, le marché français des commerces bénéficie aussi des stratégies d’expansion de nombreuses enseignes, dans des secteurs et niveaux de gamme très variés. En 2023, Knight Frank a ainsi identifié 180 plans de développement représentant un potentiel de près de 2 500 nouvelles ouvertures de points de vente » indique Antoine Salmon. Le marché immobilier peut donc s’appuyer sur une demande relativement solide des enseignes. Certaines d’entre elles, devenues de vraies incontournables du marché, étendent d’ailleurs leur réseau depuis plusieurs années, à l’instar d’ACTION dans le discount, de FITNESS PARK et BASIC FIT dans le domaine du fitness ou encore de MAXI ZOO dans celui des animaleries. D’autres acteurs accélèrent leur développement, comme SCREWFIX ou TOOLSTATION dans le domaine du bricolage ou ANGE, SOPHIE LEBREUILLY, MARIE BLACHERE, FEUILLETTE ou BOULANGERIE LOUISE dans celui des réseaux de boulangeries. Enfin, plusieurs enseignes ont relancé leur développement après une période de mise en sommeil, dans la restauration notamment.
Tous types de développements confondus, le secteur de la restauration reste celui dont l’expansion est la plus rapide, concentrant près de 30 % de tous les plans d’expansion recensés en 2023. D’autres secteurs animeront en 2024 le marché immobilier des commerces. Les enseignes à petit prix continueront ainsi de mailler le territoire, surfant sur les recherches d’économies de Français dont le pouvoir d’achat ne progressera que modérément. Les secteurs du sport et du sportswear devraient également rester dynamiques, le contexte étant particulièrement porteur avec la tenue des Jeux Olympiques et les développements consécutifs aux rachats d’enseignes historiques (COURIR et GAP acquis par JD SPORTS, GO SPORT acquis par INTERSPORT). L’évolution d’un autre secteur important, celui de l’équipement de la maison et de la décoration, est plus difficile à prévoir. Concurrencé par les discounters et le succès grandissant de l’occasion, plombé par la crise du marché immobilier résidentiel, ce dernier a vu ses ventes diminuer en 2023 et plusieurs marques placées en redressement (MAISON DE LA LITERIE, KERIA) ou liquidées (HABITAT).
Beaucoup de nouveaux entrants, mais peu en dehors de Paris
Le développement d’enseignes déjà présentes en France se double d’un flux constant et important de nouvelles enseignes étrangères. « 47 arrivées d’enseignes étrangères inédites ont finalement été recensées en France en 2023, soit une légère baisse par rapport aux 50 dénombrées en 2022 mais un nombre équivalent à la moyenne des dix dernières années » annonce Antoine Salmon. L’analyse des nouveaux entrants par catégorie de produits confirme les tendances observées depuis le déclenchement de la crise sanitaire. Le secteur de la restauration représente ainsi près de 40 % des nouveaux entrants en 2023 contre 21 % en moyenne depuis dix ans, parmi lesquelles quelques arrivées significatives comme KRISPY KREME au « Forum des Halles » ou encore SIGNORVINO place Saint-Michel à Paris. En revanche, la part de la mode a nettement diminué, représentant à peine 17 % des arrivées de 2023 contre 33 % en moyenne depuis 10 ans.
Malgré une légère baisse des ouvertures de nouveaux entrants en 2023, leur nombre est considérable et devrait le rester ces prochains mois, avec déjà près d’une trentaine de projets certains ou potentiels identifiés pour 2024. Néanmoins, comme l’an passé, leur répartition géographique sera très inégale, ces nouvelles enseignes s’implantant pour une très large part dans la capitale. « Qu’une majorité d’enseignes étrangères inédites s’implantent d’abord à Paris est logique : cœur de la région la plus riche et la plus peuplée de France, ville la plus visitée d’Europe, son pouvoir d’attraction est inégalable. En dix ans, sa part n’a même jamais été aussi élevée, Paris captant 81 % du nombre total d’arrivées de nouveaux entrants en 2023 en France contre 64 % en moyenne depuis dix ans » détaille Antoine Salmon.
Paris, sous le signe du luxe et des Jeux Olympiques
A Paris, ce sont aussi les marques de luxe qui ont fait l’actualité ces derniers mois, malgré un nombre plus restreint d’ouvertures. Seules 20 boutiques de luxe ont ainsi ouvert en 2023 dans la capitale, soit près de moitié moins qu’en 2022. « Ce recul n’est pas surprenant puisqu’en 2021 et 2022 le nombre d’inaugurations avait été gonflé par la concrétisation de projets reportés par la crise sanitaire ; il n’est pas non plus inquiétant, au moins une trentaine d’ouvertures étant déjà attendues en 2024 » ajoute Antoine Salmon. Le marché parisien du luxe va même se renforcer au vu de l’importance de certains des projets initiés l’an passé. LVMH a notamment été à l’origine de plusieurs acquisitions majeures d’immeubles parisiens, étendant en particulier son emprise dans le Triangle d’Or – secteur très dynamique du luxe parisien – et sur les Champs-Elysées où le groupe a par exemple acquis le n°150 en vue d’y créer plus de 6 500 m² de surface de vente.
Ce projet s’ajoute aux nombreux mouvements recensés ces dernières années sur les Champs-Elysées. Dans le domaine du luxe, une quinzaine d’ouvertures ont été recensées (PANERAI, SAINT LAURENT, etc.) ou le seront prochainement (IWC). « Si l’histoire des Champs-Elysées est intimement liée au luxe, l’avenue est l’une des rares artères parisiennes où ce secteur étend encore significativement son emprise par le biais de créations de nouveaux points de vente » note Antoine Salmon. Sur les autres axes les créations sont plus ponctuelles, à l’exemple de la transformation de l’ex-ambassade du Canada au 35-37 avenue Montaigne, cédée à KERING, ou des quelques arrivées recensées dans certaines rues du Triangle d’Or ou rue Saint-Honoré. Là, les projets portent avant tout sur la rénovation et l’extension de boutiques existantes, tandis que les ouvertures se sont nettement raréfiées ou se sont taries dans des quartiers moins établis comme la rive gauche ou le Marais.
Le secteur du luxe n’est pas le seul à étendre son influence sur les Champs-Elysées. « Tous niveaux de gamme et activités confondus, 46 mouvements y ont au total été recensés en 2022 et 2023, dont 46 % de créations et 54 % de transferts, extensions ou rénovations. Ces chiffres témoignent de l’ampleur des transformations en cours sur l’avenue, dynamisée par les grands projets du luxe, ceux de marques de mode haut de gamme comme CALVIN KLEIN, ou d’enseignes de sportswear comme JD SPORTS et ADIDAS » précise Antoine Salmon. Les secteurs du sportswear et de l’habillement outdoor se sont aussi illustrés dans d’autres quartiers de la capitale, à l’exemple des ouvertures d’ON RUNNING et de MILLET dans le 6e arrondissement, ou des projets d’ARC’TERYX, HOKA ou EKOSPORT dans le Marais et près de l’Opéra.
L’importance et la diversité de la demande des enseignes ont contribué à la baisse de la vacance commerciale sur les grandes artères parisiennes. S’élevant à plus de 8 % il y a deux ans, le taux de vacance moyen des 12 axes suivis par Knight Frank n’a cessé de diminuer depuis, s’établissant à 6,5 % à la fin de 2022 et à 5,2 % désormais. « Reprise de la consommation des Français, hausse prévisible des arrivées hôtelières, dynamisme de secteurs comme le luxe, le sportswear ou encore la beauté, etc. : à quelques mois des Jeux Olympiques, les perspectives semblent favorables pour le marché parisien, en particulier pour ses principaux axes dont la vacance commerciale devrait demeurer à un bas niveau cette année » anticipe Antoine Salmon.
Recul historique des nouveaux développements
Dans le reste de l’Hexagone, l’offre, certes alimentée par les procédures et fermetures d’enseignes, est limitée par la faiblesse des livraisons de nouveaux projets commerciaux. « Le contexte de marché a radicalement changé en raison des difficultés de financement, de la multiplication des recours et du durcissement de la réglementation lié à la loi Climat et au zéro artificialisation nette, qui ont fait chuter les nouveaux développements et réduit la pression concurrentielle s’exerçant sur l’existant » indique Antoine Salmon. En 2023, le volume des livraisons a ainsi diminué de 19 % sur un an et de 59 % par rapport à la moyenne des cinq années précédant la crise sanitaire. « Les volumes de livraisons ont fondu depuis le milieu des années 2010, pic de la production d’ensembles commerciaux en France. Ainsi, les 50 à 60 nouveaux projets inaugurés en 2015 et 2016 totalisaient près de 800 000 m², alors qu’une trentaine seulement ont ouvert l’an passé totalisant un peu moins de 300 000 m² » détaille Antoine Salmon. La baisse s’est particulièrement accentuée sur le marché des retail parks, avec moins de 170 000 m² livrés l’an passé contre 200 000 m² en 2022 et près de 460 000 m² lors du pic de 2016.
Si les nouveaux projets commerciaux sont bien moins nombreux, ils sont également moins vastes. Alors qu’une quinzaine de projets de créations dépassaient les 20 000 m² en 2015-2016, un seul a franchi ce seuil l’an passé, le village de marques « McArthurGlen Paris-Giverny » dans l’Eure. Notons aussi la réduction de la taille moyenne des nouveaux ensembles inaugurés en France : proche de 15 000 m² au milieu des années 2010, celle-ci est passée pour la première fois sous le seuil des 10 000 m² en 2023.
Souvent initiés depuis de longues années, quelques grands ensembles sont encore attendus, comme celui de « Neyrpic » près de Grenoble dont la livraison est prévue au printemps, ou de « Grand Epagny », à livrer d’ici quelques mois près d’Annecy. Toutefois, leur nombre se réduit comme peau de chagrin, le stock de projets neufs étant principalement constitué d’ensembles de taille assez modeste, parfois redimensionnés à la baisse et le plus souvent destinés à compléter des zones commerciales existantes. « Si quelques projets significatifs seront encore ponctuellement créés, l’heure est plus que jamais à la transformation de l’existant. Les propriétaires de centres commerciaux et de retail parks retravaillent notamment leur patrimoine pour faire émerger de véritables morceaux de ville, développer les mobilités douces ou donner une plus large place à la restauration et aux loisirs » affirme Antoine Salmon.
Le boom des complexes de loisirs
La place des loisirs dans le tenant mix des ensembles commerciaux ne cesse de fait d’augmenter. Ce secteur compte par exemple pour 16 % de toutes les enseignes ayant ouvert au sein d’ensembles inaugurés en 2023 en France, contre 9 % en moyenne lors des cinq dernières années. Par ailleurs, alors que les livraisons d’ensembles commerciaux traditionnels ne cessent de diminuer, les complexes dédiés aux loisirs sont quant à eux plus nombreux. Leurs ouvertures ont totalisé près de 90 000 m² en 2023 (contre 20 000 m² en moyenne lors des cinq années précédentes), parmi lesquelles « Up2Play » à Pornichet ou « Monky » à Laval. Intégrant une offre plus ou moins importante de restauration, ces projets connaissent un succès grandissant malgré des budgets rognés par l’inflation.
La plus grande place donnée aux enseignes de loisirs au sein d’ensembles commerciaux existants ainsi que la multiplication de complexes dédiés illustrent parfaitement le primat donné à l’expérience client ainsi que le dynamisme de l’économie du temps libre. Leur développement est également révélateur de la tendance au recyclage de l’existant, qu’il s’agisse de convertir des actifs commerciaux en pôles de loisirs pour les redynamiser (à l’exemple de « Boom Boom Villette » à Paris) ou d’ériger de nouveaux complexes de loisirs sur des fonciers autrefois consacrés à d’autres usages. « 49 % des complexes de loisirs ouverts depuis 2018 en France sont issus de la réutilisation d’actifs autres que commerciaux, usines, entrepôts et friches industrielles notamment. A l’heure du ZAN et alors que le gouvernement a récemment lancé son programme de transformation des zones commerciales, ce chiffre élevé témoigne ainsi du potentiel de reconversion de plus en plus important offert par l’essor des loisirs en France » conclut Antoine Salmon.