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Résiliation du bail et expulsion : que dit la loi ?
La location immobilière présente deux risques majeurs pour les propriétaires bailleurs : les impayés de loyer et les dégradations du bien. Face à ces enjeux, il est crucial pour les propriétaires de connaître les protections et procédures légales, notamment résiliation du bail et expulsion, en cas de manquement des locataires. Laurent Dubois, fondateur de Monsuperlocataire, guide les propriétaires bailleurs pour se protéger efficacement.
Cadre légal et obligations du locataire
La location est principalement encadrée par la loi du n°489-462 du 6 juillet 1989. Les parties sont soumises à plusieurs obligations. Selon l’article 6, le bailleur doit mettre à disposition du locataire un logement décent, lui en assurer la jouissance paisible, entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat, y faire toutes les réparations nécessaires et ne pas s’opposer aux aménagements réalisés par le locataire, dès lors qu’ils ne transforment pas le logement.
Quant au locataire, il est tenu de payer son loyer et ses charges dans les temps, de souscrire une assurance habitation, de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux, d’assurer l’entretien courant du logement, de ne pas transformer les locaux et équipements loués sans l'accord écrit du propriétaire et, enfin, d’utiliser paisiblement les locaux loués (art. 7).
Même si en France les locataires sont relativement protégés, le propriétaire bailleur peut également bénéficier d'une protection légale, grâce à des clauses dites « résolutoires » (elles mettent automatiquement fin au bail si certains événements se produisent) insérées dans le contrat de location. A noter : depuis le 29 juillet 2023, (disposition issue de la loi « Kasbarian » n° 2023-668 du 27 juillet 2023) le bail doit contenir une clause qui permet sa résiliation lorsque le locataire ne verse pas le dépôt de garantie ou ne s’acquitte pas du loyer ou des charges (art.24).
Le bailleur peut légalement prévoir des clauses résolutoires pour ces deux autres motifs : défaut d’assurance habitation et non-respect de l’obligation d’utiliser paisiblement les lieux loués résultant de troubles du voisinage (art.4-g).
Les motifs d’expulsion liés à une clause résolutoire
Le non-paiement des loyers. C’est un motif légitime d'expulsion de nombreuses fois confirmé par les juges. Par exemple, la Cour de cassation a confirmé l'expulsion d'un locataire pour impayés (10 octobre 2019 n°18-18.572). “En France, Action Logement estime un taux moyen d’impayés de loyer de seulement 2 à 3 %. Les garanties de loyers impayés, comme Visale, offrent une protection indispensable aux propriétaires contre les risques de non-paiement, assurant ainsi la pérennité de leurs revenus locatifs.” explique Laurent Dubois.
Le défaut d’assurance. En cas de défaut d'assurance, le bailleur peut souscrire une assurance pour le compte du locataire et lui répercuter le coût, ou demander la résiliation du bail (article 7-g).
“Le propriétaire bailleur peut souscrire une assurance PNO (propriétaire non occupant). Pour rappel, celle-ci a d’ailleurs été rendue obligatoire en copropriété par l’article 9-1 de la loi Alur. Cette assurance permet de faire face aux conséquences d’un sinistre si le défaut d’assurance du locataire (non-paiement ou non-renouvellement) passait sous les radars du propriétaire bailleur mais aussi en cas de vacance locative entre deux locataires”, note Laurent Dubois.
Les troubles du voisinage.
Les nuisances sonores ou olfactives peuvent constituer des motifs d'expulsion. Par exemple, la Cour d'appel de Paris dans une décision du 30 mai 2017 (n°15-16172) a validé l'expulsion d'un locataire pour troubles répétitifs du voisinage (crises à répétition, avec des insultes raciales, religieuses, homophobes, menaces, jets de bouteilles d’eau et bruits nocturnes). A contrario, la Cour d'appel de Metz (3 février 2015, n°13-02489) a refusé de valider l'expulsion d'un locataire pour une fête occasionnelle, montrant que les nuisances doivent être continues et répétées.
Entrent aussi dans cette catégorie l’usage du logement pour des activités illégales, comme le trafic de stupéfiants, qui justifie la résiliation du bail et l'expulsion (Cour d'appel de Paris, 31 janvier 2020, n°17-16861). Idem pour l’utilisation d’un appartement comme lieu de prostitution (Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 novembre 2009, n°08-17336).
Les motifs d’expulsion non liés à une clause résolutoire
Parmi les principaux on trouve :
Dégradations dans le logement. Le locataire est tenu de réparer les dégradations qu'il cause. Par exemple, un dégât des eaux non pris en charge (gel du compteur suivi d’une fuite) assorti d’une extrême saleté des locaux peut justifier une résiliation du bail (Cour d’appel de Limoges, 30 janvier 2015 n°14-00207). Des travaux sans autorisation peuvent aussi constituer une forme de dégradation et justifier une expulsion. Un cas notable est celui où un locataire avait réalisé des transformations sans autorisation (constructions de baraquements dans le jardin), entraînant la résiliation du bail (Cour de cassation, 31 octobre 2006, n°05-10553).
Sous-location non autorisée. Un locataire qui sous-loue sans autorisation s'expose à une résiliation de son bail et doit rembourser les loyers perçus illicitement (Cour d'appel de Paris, 12 septembre 2019, n°18-20727). La résiliation n’est obtenue que si les faits revêtent une certaine gravité, deux jours de sous-location Airbnb ne sont pas suffisants. « A la veille des Jeux Olympiques, les locataires doivent être pleinement conscients que la sous-location est sanctionnable si elle ne s’accompagne pas d’un accord écrit du propriétaire », rappelle Laurent Dubois.
Modalités d’expulsion du locataire avec une clause résolutoire
Le bailleur doit préalablement adresser à son locataire un commandement visant la clause résolutoire d’avoir à s’exécuter dans les délais légaux : 2 mois en cas de loyers impayés (6 semaines pour les baux signés à compter du 29 juillet 2023, Cass. civ. 3 du 13/06/2024 n° 24-70.002) et 1 mois pour les autres manquements.
Si le locataire ne s’exécute pas dans les délais requis, le bailleur pourra l’assigner en référé par devant le juge des contentieux de la protection aux fins de faire constater en justice la résiliation de plein droit du bail et prononcer l’expulsion du locataire. L'huissier de justice remet une assignation au locataire et demande une date d'audience.
Lors de l'audience, le juge tranchera les litiges locatifs et, si les conditions de la clause résolutoire sont remplies, prononcera la résiliation du bail, le paiement des loyers (en cas d’impayés) et l'expulsion du locataire.
Un huissier de justice signifie au locataire le jugement et lui donne 2 mois pour quitter les lieux (article L. 411-1 du Code des procédures civiles d'exécution).
En cas de refus du locataire de libérer la propriété malgré la signification du commandement de quitter les lieux, l'huissier procède à une tentative d'expulsion. Si cette tentative échoue, il demande le concours de la force publique à la Préfecture. L'administration a 2 mois pour répondre à cette demande, faute de quoi le silence vaut rejet, et le propriétaire peut demander une indemnisation à l’État.
Modalités d’expulsion du locataire en l’absence de clause résolutoire
En l’absence d’une clause résolutoire, le bailleur doit d’abord demander la résiliation judiciaire du bail d’habitation aux torts exclusifs du locataire. Au préalable, il conviendra de mettre en demeure le locataire aux fins qu’il cesse ses infractions locatives. Le délai imparti varie en fonction du manquement et de la date de signature du bail (voir ci-dessus).
Le juge disposera d’un pouvoir d’appréciation pour jauger de la gravité du manquement reproché avant de se prononcer sur la résiliation du contrat et l’expulsion éventuelle du locataire.
Le cas échéant, la procédure est la même que ci-dessus.