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24 oct. 24

Aides à la rénovation : le dispositif des certificats d’économie d’énergie menacé ?

Avis d’expert de Pierre Evrard, directeur associé de Synergiec

Principale aide à la rénovation énergétique, MaPrimeRénov est au cœur de toutes les attentions et attentes dans le contexte d’élaboration du projet de loi de finances marqué par la nécessité de rigueur budgétaire.

Mais alors que MaPrimeRénov monopolise l’attention, il est impératif de ne pas négliger l’avenir d’un autre dispositif clé de la rénovation énergétique : les certificats d’économie d’énergie (CEE).  Malgré des résultats incontestables et une aura confirmée par un récent rapport de l’Inspection générale des finances, ce dispositif se retrouve aujourd’hui sous le feu des critiques. En effet, deux rapports, l’un du Conseil d’analyse économique publié cet été et l’autre de la Cour des comptes, le fustigent, appelant à sa suppression ou, a minima, à une réforme d’ampleur.
 
 
Les CEE, un dispositif simple et efficace !
 
Les CEE se distinguent par leur universalité. Contrairement à d’autres aides, ce dispositif est très facile d’accès pour les bénéficiaires mais c’est également et surtout le seul qui s’applique à l’ensemble des maîtres d’ouvrage (secteur public et privé, professionnels et particuliers), sans condition de ressources. Un avantage essentiel et crucial dans le contexte actuel où la transition énergétique doit être accélérée.
A l’heure où l’ensemble du secteur de la réhabilitation a besoin de lisibilité dans le temps, c’est finalement le dispositif national le plus stable en place car il est encadré par une directive européenne jusqu’en 2030 et, de fait, non remis en question à chaque session budgétaire.  
Dans les faits, entre 2006 et 2021, les CEE ont permis de réaliser des économies d’énergie considérables : 3 336,3 TWhCumac, avec un objectif de 3 100 TWhCumac pour la période 2022-2025. Quand on sait que 100 TWhCumac correspondent à la consommation énergétique résidentielle d’un million de Français pendant 15 ans, l’efficacité du dispositif est évidente : les 3 336,3 TWhCumac économisés depuis le lancement du dispositif correspondent ainsi à la consommation de 33,363 millions de Français pendant 15 ans, soit 48,79% de la population française.
Comment expliquer alors que l’on puisse envisager de se priver d'un tel outil ?
 
Un modèle pourtant envié par nos voisins européens
 
Le paradoxe est d’autant plus troublant que certains de nos voisins européens ont adopté ce dispositif stricto sensu. L’Espagne a notamment fait un « copier-coller » du dispositif français. Ce qui explique d’ailleurs que certains délégataires CEE français soient maintenant présents sur la péninsule Ibérique, preuve que ce modèle français fait école au-delà de nos frontières.
Alors que la France s’interroge sur la pertinence de conserver les CEE et envisage leur suppression radicale ou une refonte, d’autres pays européens continuent donc d’y voir une solution efficace pour répondre aux défis climatiques.
 
Un dispositif à améliorer, pas à supprimer
 
Après de très nombreuses années d’exercice (depuis 2005 !), il est indéniable qu'il doit encore évoluer pour répondre aux défis actuels. Mais il doit être amélioré et non supprimé. C’est d’ailleurs ce que semblent suggérer le ministre de l’Économie mais aussi un récent appel à programme de la Direction générale de l’énergie et du climat. Ce qu'il faut, c'est une réforme ambitieuse, constructive, qui renforce l’efficacité du dispositif tout en préservant ses fondements.
 
Sans changements radicaux, Synergiec acteur majeur du secteur, préconise : 
  1. Un contrôle renforcé pour fermer définitivement la porte à l’éco délinquance,
  2. Un parcours simplifié pour le client final ainsi que pour toute la filière, gage préalable à toute ambition climatique,
  3. Une validation des économies d’énergie et de CO2 réalisées et financées par les aides publiques,
  4. Une réduction du délai entre la fin des travaux et le dépôt des CEE associés. Le but est d’avoir plus de visibilité sur la production de CEE et le pilotage du dispositif pour éviter des chutes de valorisation assez fréquentes,
  5. Une possibilité de pouvoir recourir à ce dispositif pour tout type d’opération. Aujourd’hui, si le dispositif s’adresse à tous les maîtres d’ouvrage, il est en revanche impossible d’y recourir pour rénover en transformant un bâtiment tertiaire en logement malgré l’urgence,
  6. Une annulation de l’intégration des CEE dans MaPrimeRénov « rénovation d’ampleur ». Cette décision a en effet déstabilisé un secteur entier en le détournant du résidentiel individuel pourtant si prioritaire. La gestion par l’État des CEE générés par ces travaux détruit en effet tout modèle économique viable pour les acteurs privés.
 
À l’heure où l’urgence climatique impose des actions fortes et concertées, il serait contreproductif de démanteler un dispositif aussi vertueux et pérenne que les CEE. La transition énergétique n’a pas besoin de plus de complications, elle a besoin d’outils clairs, stables et accessibles à tous. Les CEE ont prouvé leur efficacité et leur adaptabilité. Ils doivent être préservés et améliorés, non supprimés. Ne faisons pas de l'urgence climatique une victime de débats budgétaires court-termistes. Le temps est à l’action, pas à la régression.